Si le monde entier vivait comme les Français, dès le 5 mai 2018 nous aurions déjà consommé l'ensemble des ressources naturelles que la planète peut renouveler en un an. C'est ce que révèle un rapport du WWF France réalisé en partenariat avec Global Footprint Network. Dans ce monde, l'humanité aurait alors besoin de 2,9 planètes Terre par an pour subvenir à ses besoins contre 1,7 en prenant la moyenne mondiale. Au niveau planétaire, le "jour du dépassement" arrive en effet plus tard : en 2017, il était le 2 août.
Communiquer sur le jour du dépassement pour alerter
Alors que l'ONG Global Footprint Network publie tous les ans depuis 1986 la date du "jour du dépassement" mondial, le WWF France a pour la première fois choisi de mettre l'accent sur la date française dans le but d'"envoyer un signal fort à un moment politique clef où plusieurs lois et décisions sont attendues dans les domaines de [l'environnement]", indique l'association.
Le 5 mai, la France entre donc en déficit écologique. Après une amélioration entre 2008 et 2015, cette date aurait recommencé à se dégrader depuis, selon l'ONG : "signe que la transition écologique n'est pas assez ambitieuse". Ainsi, la France aurait accumulé 33 années de dette écologique depuis 1961. Pour Pascal Canfin, directeur général du WWF France, "le constat est clair : si la planète était une entreprise, elle serait en faillite".
Comparée aux autres pays, la France se situe parmi le peloton de tête des pays européens, entre l'Allemagne et le Royaume-Uni, indique le WWF France. L'Italie, l'Espagne ou le Portugal font mieux qu'elle mais elle reste derrière les Etats-Unis, le Canada, ou encore l'Australie dont le jour du dépassement est en mars.
Une empreinte écologique trop importante
Ces dates se calculent en fonction de l'empreinte écologique. Celle-ci vise à comparer la consommation effective par les activités humaines des ressources renouvelables avec le taux de régénération de la nature. "A cette fin, elle estime les surfaces terrestres et maritimes biologiquement productives nécessaires à la fourniture des biens et des services que nous consommons, puis la compare à la superficie disponible (la biocapacité de la Terre)", explique le rapport.
Depuis trois ans, l'empreinte écologique du pays est repartie à la hausse. Son augmentation, de 5%, serait essentiellement liée à l'accroissement de la composante carbone qui s'explique, entre autres, par le faible prix des produits pétroliers à la même période. Aujourd'hui, plus de la moitié de l'empreinte écologique de la France est causée par l'empreinte carbone liée à la combustion d'énergies fossiles. Autres postes importants dans l'empreinte écologique : les cultures et les produits forestiers. L'empreinte écologique peut aussi être rapportée aux fonctions de consommation. En France, les empreintes de consommation associées au logement, au transport et à l'alimentation constituent plus des deux tiers de l'empreinte écologique.

Engager une vraie transition écologique
"La réduction de l'empreinte observée autour de 2010 dans les pays européens – notamment méditerranéens – s'explique surtout par la crise économique subie depuis 2008, et non pas par des changements structurels prospères", regrette l'ONG. Elle souhaite que des mesures soient prises pour véritablement engager la transition écologique et ainsi améliorer la date du "jour du dépassement". Elle propose pour cela quatorze mesures. Du côté de l'alimentation d'abord, elle appelle le gouvernement à soutenir les modes de consommation responsables, en particulier la baisse de consommation de viande, à encourager l'agriculture biologique et le stockage de carbone dans les sols agricoles, et à avancer une stratégie de lutte contre la déforestation importée. Pour la mobilité, le WWF France demande au gouvernement de soutenir le déploiement du vélo et de mettre en place des zones à circulation restreinte (ZCR) dans les villes. Pour l'énergie, l'association souhaite que le gouvernement développe les énergies renouvelables, notamment en honorant les objectifs de la loi de transition énergétique. La neutralité carbone, défi transversal, fait aussi partie des objectifs à atteindre.
Nicolas Hulot, ministre de la Transition écologique, réagit à l'annonce de cette date. "Nous ne pouvons pas vivre à crédit, car nous détruisons et gaspillons des ressources qui manqueront cruellement aux générations futures", déclare-t-il dans un communiqué. Il indique qu'il faut changer d'échelle dans le développement des solutions comme les énergies renouvelables, l'aménagement du territoire et la lutte contre l'artificialisation des sols, l'agriculture sans pesticides, la lutte contre la déforestation importée.