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Actu-Environnement

“Le droit de la mer n'est pas à la hauteur des enjeux actuels de la biodiversité marine”

Un nouveau cycle de négociations visant l'élaboration d'un accord international sur la biodiversité marine a débuté le 28 mars à New York. Julien Rochette, coordinateur du programme Océans et zones côtières à l'Iddri, revient sur les enjeux d'un mécanisme juridique de protection de la haute mer.

Interview  |  Biodiversité  |    |  M. Calmet
   
“Le droit de la mer n'est pas à la hauteur des enjeux actuels de la biodiversité marine”
Julien Rochette
Coordinateur du programme Océans et zones côtières à l'Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri)
   

Actu-Environnement : Quels sont les enjeux de cet accord ?

Julien Rochette : Depuis 1982, les océans ont leur "Constitution" à travers la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer. A cette époque, les connaissances scientifiques sur la haute mer étaient très limitées, on n'en soupçonnait pas la biodiversité exceptionnelle. Parallèlement, il y avait très peu d'exploitation puisque les outils technologiques ne le permettaient pas. Aujourd'hui, l'activité humaine et notamment le développement du transport maritime, de la pêche, de l'exploration minérale et de la bioprospection, constituent une réelle menace pour les ressources naturelles de la haute mer. Les règles adoptées en 1982 ne sont plus à la hauteur des enjeux actuels.

En 2004, l'Assemblée générale des Nations Unies a créé un groupe informel de discussion pour permettre aux Etats d'échanger sur l'avenir de la haute mer. Ce groupe s'est réuni pendant 10 ans et après différentes controverses, les Etats se sont finalement entendus, en janvier 2015, pour ouvrir des négociations pour l'élaboration d'un nouvel accord spécialement consacré aux zones au-delà des juridictions nationales (ZAJN). Les ZAJN recouvrent deux espaces maritimes distincts. D'abord la haute mer, qui est la colonne d'eau au-delà des zones économiques exclusives et puis ce qu'on appelle la "zone internationale des fonds marins", c'est à dire, le sol et le sous-sol de l'océan, après les plateaux continentaux. Cela représente 50% de la planète !

Tout l'enjeu est donc de compléter la Convention des Nations Unies de 1982 qui restera le socle du droit de la mer, par ce qu'on appelle un accord d'application.

AE : Sur quoi portent les négociations ?

JR : En 2006, les débats du groupe de travail de l'ONU ont surtout examiné la question de savoir s'il y avait besoin d'un accord international. L'Union européenne a très vite plaidé en faveur d'un nouvel accord. Le G77, le groupe des pays du sud, s'est ensuite rapidement joint à cet avis.

En 2011, plusieurs Etats se sont entendus sur un "package deal", un accord informel, dans lequel ont été définis les quatre piliers principaux du futur accord. Il s'agit de la question des aires marines protégées, des ressources marines génétiques, des études d'impact sur l'environnement et du renforcement des capacités et du transfert de technologies. Ce sont ces éléments qui commenceront à être débattus à New York cette semaine.

AE : Qu'espérez-vous voir aboutir à la fin de ce premier round de négociations ?

JR : Après cette première réunion, on saura un peu mieux dans quel état d'esprit sont les Etats et quelles sont les forces en présence. Ils ont tous été d'accord pour ouvrir des négociations. Maintenant, on va commencer à parler du fond et voir concrètement comment on peut progresser.

AE : Quel serait l'outil juridique clef à mettre en place ?

JR : La création d'aires marines protégées est un outil qui est aujourd'hui reconnu comme très efficace au regard de la protection de la biodiversité marine. Il y a de nombreux Etats qui en ont institué dans leur zone économique exclusive mais il n'existe pas de mécanisme pour pouvoir créer des aires marines protégées en haute mer qui soit reconnu par l'ensemble de la communauté internationale. C'est tout l'enjeu.

AE : Quels vont être les points les plus difficiles dans les négociations ?

JR : Le point qui va être le plus difficile sera certainement celui des ressources marines génétiques. Elles intéressent de plus en plus les industriels, parce qu'à partir de ces ressources de la haute mer, on peut envisager de breveter des médicaments ou des produits cosmétiques. Pour le moment, il n'y a aucune règle qui encadre cette activité. Or, les pays du sud souhaitent introduire des règles pour garantir plus d'équité dans la redistribution des avantages tirés de l'exploitation de ces ressources alors que certains Etats du nord sont plutôt réticents à l'idée de mettre des entraves à la liberté d'exploiter.

AE : Ce serait un peu le Nagoya de la haute mer ?

JR : C'est un peu ca, car le Protocole de Nagoya sur l'accès aux ressources génétiques ne traite pas des ressources génétiques en haute mer.

AE : Quelle serait la valeur juridique de cet accord ?

La résolution de l'Assemblée générale des Nations Unies, qui a ouvert ces négociations, parle d'un instrument international juridiquement contraignant. Quant à savoir si le Tribunal international du droit de la mer sera compétent pour en assurer l'application, cela dépendra des mesures adoptées. Mais on ne peut pas encore présager des possibilités d'y avoir recours.

Comme pour les autres accords internationaux, et notamment l'accord climat, on n'a pas de tribunal international du droit de l'environnement. Tout l'enjeu est de réussir à aboutir à un accord suffisamment ambitieux tout en restant réaliste afin de trouver un compromis qui permette à l'ensemble des Etats de signer et de ratifier l'accord.

AE : Quelles sont les prochaines étapes ?

JR : On n'en est qu'au début. Il s'agit actuellement de la première réunion qui va durer 15 jours. Il y aura une autre réunion en 2016 et deux réunions en 2017. Après le dépôt d'un premier rapport intermédiaire, l'Assemblée générale des Nations Unies décidera ou non, d'ouvrir une conférence intergouvernementale pour finaliser cet accord. Il y a donc encore de nombreux obstacles à franchir avant la signature définitive.

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