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Actu-Environnement

Le renforcement de la justice environnementale épargne les entreprises

L'Assemblée nationale a adopté le projet de loi qui réforme la justice environnementale. Au menu : la création de juridictions spécialisées mais également un outil de transaction pénale qui soustrait les entreprises à un procès.

Gouvernance  |    |  L. Radisson
Actu-Environnement le Mensuel N°409
Cet article a été publié dans Actu-Environnement le Mensuel N°409
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Le parcours du projet de loi (1) relatif au parquet européen et à la justice pénale spécialisée touche à sa fin. Présenté en Conseil des ministres le 29 janvier dernier, l'Assemblée nationale l'a adopté le 9 décembre en première lecture. Le texte, qui mentionne maintenant explicitement la « justice environnementale » dans son intitulé, avait été adopté par le Sénat en février dernier. Reste maintenant à une commission mixte paritaire à trancher le derniers points en discussion.

Le projet de loi prévoit deux mesures phares. En premier lieu, la création, relativement consensuelle, de juridictions spécialisées en matière d'environnement. Ensuite, la création plus controversée, de la convention judiciaire écologique. Un certain nombre de dispositions techniques ont été ajoutées par amendement, mais pas la création des nouveaux délits annoncée par Barbara Pompili et Éric Dupond-Moretti le 22 novembre dernier. D'autres « vecteurs législatifs s'offrent à nous » a expliqué le ministre de la Justice alors qu'il rejetait un amendement sur le devoir de vigilance des entreprises : le projet de loi issu de la Convention citoyenne pour le climat ou un « futur projet de loi tendant à réformer la justice ».

« Irresponsabilité pénale des entreprises »

Le projet de loi prévoit la création d'un nouvel outil de transaction pénale en matière d'environnement inspiré de la législation relative à la lutte contre la corruption et la fraude fiscale : la convention judiciaire d'intérêt public. « Une procédure coopérative efficace entre la personne morale concernée et l'autorité judiciaire permettra, sous le contrôle du juge, la réparation du dommage, la mise en conformité et le versement d'une amende », avait expliqué Nicole Belloubet, alors garde des Sceaux.

Son successeur, Éric Dupond-Morreti, justifie la création de cet outil par trois arguments : la durée actuelle des affaires portant sur les atteintes à l'environnement qui peut atteindre dix ans, le fait que l'extinction de l'action publique sera liée à la réparation, ce qui serait très incitatif, et, enfin, des amendes proportionnées au chiffre d'affaires de l'entreprise. Pouvant atteindre 30 % de ce chiffre, elles seront « nettement supérieures » à celles de droit commun, a expliqué le ministre.

Cette disposition est pourtant très controversée. Le député communiste Jean-Paul Lecoq dénonce « une financiarisation de la justice ». « Nous considérons que c'est une pierre supplémentaire à l'édifice que construit la majorité présidentielle, après la loi sur le droit à l'erreur et celle sur le secret des affaires », a expliqué l'élu.

Dans une tribune publié le 8 décembre dans le journal Le Monde, dix ONG et organisations syndicales, à l'initiative de Sherpa, dénoncent également cet outil qui « conduirait à l'impunité et à l'irresponsabilité pénale des entreprises ». « En l'absence de débat judiciaire et d'audiences correctionnelles publiques, la justice perd sa valeur d'exemplarité, son rôle dans le développement du droit disparaît et l'objectif de recherche de la vérité est relégué au second plan », expliquent les signataires.

Des tribunaux animateurs de la politique pénale

La création de pôles régionaux spécialisés en matière d'atteintes à l'environnement est moins éruptive. Le projet de loi originel avait déjà prévu la création de ces pôles pour le contentieux pénal. Les députés ont adopté un amendement gouvernemental qui étend la création de ces pôles au contentieux civil. Un tribunal judiciaire sera désigné dans chaque cour d'appel pour juger les litiges portant sur un préjudice écologique, mais aussi les actions en responsabilité civile prévues par la code de l'environnement ou fondées sur des régimes spéciaux de responsabilité résultant de conventions internationales ou de règlements européens.

« Les tribunaux judiciaires spécialisés tant en matière civile que pénale pourront dès lors se positionner comme des acteurs forts de la protection environnementale en assurant une véritable animation de la politique pénale sur le sujet au niveau de la cour et en garantissant un suivi resserré des contentieux civils », se félicite le Gouvernement.

« L'aboutissement d'un plaidoyer de cinq ans que nous menions avec l'UICN France », se félicite sur Twiter l'avocat Sébastien Mabile. Ces dispositions ne sont toutefois pas exemptes de toutes critiques. « On nous invente des juridictions spécialisées alors qu'il en existe déjà deux, qui sont sous-dotées et réclament des moyens supplémentaires – je pense notamment aux Julis, les juridictions spécialisées du littoral. (…) Il nous faudrait aussi davantage d'enquêteurs spécialisés plutôt que davantage de magistrats spécialisés », a dénoncé le député Ugo Bernalicis (La France insoumise).

Mais les critiques sont aussi venues de l'opposition de droite. « S'agissant des pôles régionaux spécialisés en matière de délits environnementaux, je voudrais tout de même exprimer une certaine inquiétude sur la tentation qui est la nôtre de tout correctionnaliser en ce domaine, comme une forme d'excuse de l'inertie existant par ailleurs. L'État a déjà des pouvoirs de police administrative extrêmement importants et il devrait les utiliser », s'est enflammé le député LR Olivier Marleix.

Pour autant, la création des nouveaux délits n'est pas encore dans la loi. Et encore moins le crime d'écocide réclamé par la Convention citoyenne pour le climat.

1. Télécharger le projet de loi tel qu'adopté par l'Assemblée nationale
https://www.actu-environnement.com/media/pdf/news-36686-projet-loi-justice-environnementale.pdf

Réactions2 réactions à cet article

La transaction pénale existe déjà en matière d'environnement, il n'y a donc pas de rupture importante, et cela implique de la part du fautif une reconnaissance de la faute et des impacts : ce n'est donc pas neutre en terme managérial. De plus pour les sujets environnementaux, pas besoin de passer par un procès pour avoir une mise en lumière des évènements, la médiatisation et le "name and shame" sont déjà très persuasifs pour les entités de bonne foi.

VHA78 | 11 décembre 2020 à 10h39 Signaler un contenu inapproprié

Est-ce que le "name and shame" pourrait être menacé avec la loi de sécurité globale?

methatouletemps | 13 décembre 2020 à 17h20 Signaler un contenu inapproprié

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