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La réforme de la Haute Valeur environnementale est votée… sans les agriculteurs

Le consensus autour de la HVE n'est toujours pas en vue. Jugée trop contraignante ou trop peu ambitieuse selon les chapelles, la certification, même rénovée, ne convainc pas. Elle figure pourtant dans le Plan stratégique français pour la PAC.

Agroécologie  |    |  N. Gorbatko
La réforme de la Haute Valeur environnementale est votée… sans les agriculteurs

Décidemment, la certification Haute Valeur environnementale (HVE) cultive jusqu'au bout son originalité. Créée en 2011, après le Grenelle de l'environnement, pour inciter les agriculteurs à adopter des pratiques plus durables, sans aller jusqu'à la labellisation agriculture biologique (AB), cette démarche unique en Europe a été amplement critiquée : de la Commission européenne au Haut Conseil pour le climat, qui considère qu'elle « ne reflète pas de performances environnementales en cohérence avec les objectifs de la transition agroécologique », en passant par la plateforme Pour une autre PAC, en raison  de son caractère « totalement inopérant ». D'où la résolution du gouvernement de réformer son cahier des charges.

Des évolutions marginales

Le comptage des points pour certains critères de ses quatre thématiques (biodiversité, stratégie phytosanitaire, gestion de la fertilisation et gestion de l'irrigation) a ainsi été revu ou complété. La « voie B », qui évaluait les exploitations en fonction du volume de leurs intrants, de leurs prairies permanentes et de leurs infrastructures agroécologiques (haies, mares, espaces enherbés, bosquets...), a été définitivement abandonnée. En revanche, certains changements font figure de recul : l'utilisation d'un produit classé CMR1 (cancérogène, mutagène, reprotoxique de niveau 1) bénéficiant d'une dérogation exceptionnelle n'a pas été considérée comme pénalisante et la présence d'une seule ruche sur l'exploitation rapporte désormais un point au titre de la biodiversité, au lieu de cinq dans la version du 25 mai.

Soumise aux votes de la Commission nationale de la certification environnementale (CNCE), le 30 juin dernier, cette nouvelle mouture a bel et bien été adoptée, mais seulement de justesse, par 14 voix contre 13 et à main levée. Plus déroutant, encore, le texte aura finalement été avalisé avec les seuls suffrages de l'État (ministères de l'Agriculture et de l'Environnement, agences de l'eau), de Régions de France et des représentants de l'agroalimentaire. Les premiers concernés, à savoir les représentants des agriculteurs, syndicats et chambres d'agriculture, se sont tous abstenus ou ont rejeté le texte, aux côtés des ONG.

Points bloquants ou approche à revoir ?

Mais évidemment pas pour les mêmes raisons. La FNSEA, qui a pourtant toujours soutenu l'esprit de la HVE et l'évolution de son référentiel, a jugé « bloquants » certains points, comme les seuils proposés en termes de fertilisation. « Ce qui nous est proposé n'est pas acceptable. Quand il vous faut aujourd'hui un bilan inférieur à vingt kilos par hectare sur la partie azote, c'est de l'ordre de l'utopie », explique Hervé Lapie, secrétaire général adjoint du syndicat. Plus généralement, celui-ci estime que le texte manque d'équité. « Certaines méthodes alternatives sont acceptées pour la filière viticole, mais pas pour les grandes cultures. La diversité spécifique et variétale qui permet d'engranger des points n'est pas non plus proposée pour les grandes cultures », indique-t-il .

Pour la Confédération paysanne, après un an d'échanges en groupes de travail, les items pour chaque indicateur n'ont finalement évolué que très marginalement. Mais c'est surtout la logique du texte qu'il faudrait revoir. « Chaque indicateur permet d‘obtenir trente points alors qu'il en faut dix pour le valider. C'est la porte ouverte à tous les contournements. Notamment sur le volet sanitaire, en multipliant les interventions alternatives ou en utilisant les outils d'aide à la décision sans même baisser son indicateur de fréquence de traitement phytosanitaire, par exemple », analyse Jean-Bernard Lozier, membre du syndicat et délégué à la CNCE. Celui-ci critique aussi le critère irrigation, qui ne concerne que 6 % de la surface utile française, et l'approche par indicateurs et item sans transversalité ni globalité. « Ce n'est pas assez pour emmener les agriculteurs vers une vraie transition », regrette-t-il. Enfin, alors que l'idée de cette certification était d'inscrire des objectifs de résultat dans les indicateurs, ils se seraient largement transformés en objectifs de moyens. « C'est complètement contre-productif ! »

Une méthode de travail peu appréciée

La FNSEA n'a par ailleurs pas apprécié la méthode de travail du gouvernement. « Cela fait trois mois que l'on travaille d'arrache-pied sur l'évolution du référentiel et on nous propose d'autres évolutions que l'on nous présente en direct », proteste Hervé Lapie. Le syndicat souhaite désormais que les ministres de l'Agriculture et de la Transition écologique s'emparent du sujet et « prennent leurs responsabilités ». La Confédération paysanne, quant à elle, s'interroge sur ce vote, alors que le rapport du cabinet d'études spécialisé dans les politiques publiques Epices, censé évaluer les performances environnementales du dispositif HVE, n'est attendu que dans les jours qui viennent.

Le projet doit encore être complété d'ici à l'automne par un plan de contrôle, déclinant dans les moindres détails la composition des indicateurs à l'intention des auditeurs de la certification. Mais cette première partie sera d'ores et déjà soumise à consultation du public durant le mois de juillet. Une étape que les syndicats de tous bords comptent bien mettre à profit pour continuer à peser de tout leur poids dans les débats. Du côté de la FNSEA, les points à remonter sont d'ailleurs « précis et connus ».

L'enjeu est loin d'être neutre puisque le gouvernement a déjà maintenu cette labellisation au sein de l'écorégime de la PAC, contre l'avis de la Commission, et qu'elle permet aussi, jusqu'à présent, de bénéficier d'un crédit d'impôt conséquent. Les produits issus d'exploitations ainsi certifiées, qui commencent à apparaître dans la grande distribution, sont par ailleurs inclus dans les aliments « de qualité » devant représenter 50 % de l'approvisionnement des cantines publiques dans le cadre de la loi Egalim.

Réactions2 réactions à cet article

Que l'on mette fin à l'agonie de cette certification honnie de tous !

Citi | 05 juillet 2022 à 10h33 Signaler un contenu inapproprié

« Cela fait trois mois que l'on travaille d'arrache-pied sur l'évolution du référentiel et on nous propose d'autres évolutions que l'on nous présente en direct » : quand la FNSEA découvre en direct le sentiment que provoque chez les autres ses pratiques de cogestion des affaires agricoles ! Le syndicat a en effet toujours jusqu'à présent eu l'habitude de pouvoir pousser plus loin - en l'absence de toute opposition du ministère, si ce n'est même aval total - ses pions et ses exigences au mépris de toutes les autres composantes de la société civile.
Désormais, le bouchon étant manifestement allé vraiment trop loin, même au yeux de la Commission européenne, pourtant très perméable aux thèses néolibérales du syndicat, il semble bien qu'il faille à ce dernier commencer à apprendre à composer. Salvateur début de timide reversement de situation en France ?

Pégase | 05 juillet 2022 à 14h04 Signaler un contenu inapproprié

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