Après plusieurs mois de concertation, les ministères de la Transition écologique et de l'Agriculture ont publié le Plan national en faveur des pollinisateurs, qu'ils soient sauvages ou domestiques. Il a pour ambition, pour les cinq prochaines années, de lutter contre le déclin de ces insectes alors qu'ils sont indispensables à l'équilibre des écosystèmes, et surtout à l'agriculture. La contribution du service de pollinisation en France a été évaluée entre 2,3 et 5,3 milliards d'euros, selon le Commissariat général au développement durable (CGDD). Or, une espèce d'abeille et de papillon sur dix est au bord de l'extinction, selon l'UICN.
« Ce plan est cohérent ; il aborde l'ensemble des menaces et s'attaque aux problèmes sous tous les angles », défend le ministère de la Transition écologique. Mais au-delà de l'amélioration des connaissances sur les pollinisateurs sauvages, de la lutte contre les agresseurs de la ruche ou de l'accompagnement des acteurs, c'est l'épandage des pesticides qui monopolise l'attention et le renforcement de la réglementation associée. Un renforcement qualifié de « surtransposition des règles communautaires » par le syndicat majoritaire FNSEA. « L'instauration d'un processus franco-français d'évaluation des produits phytosanitaires, en anticipation par rapport au cadre européen, met les agriculteurs français en situation de distorsion de concurrence pour la protection de leurs cultures », s'inquiète le syndicat agricole.
Des risques évalués lors de la réautorisation des produits
La réglementation est l'un des axes forts de ce plan, avec notamment un renforcement des conditions d'utilisation des pesticides en période de floraison à compter du 1er janvier 2022. Un nouvel arrêté, publié le 21 novembre au Journal officiel, remplace l'arrêté obsolète de 2003. Alors que l'ancien texte encadrait l'application des seuls insecticides et acaricides, le nouvel arrêté intègre désormais les fongicides et herbicides. Le texte demande donc à l'Agence nationale de sécurité sanitaire et de l'environnement (Anses) d'évaluer les risques associés à leur épandage sur des cultures attractives en floraison. Si l'évaluation des risques conclut que l'utilisation entraîne une exposition négligeable des abeilles ou ne provoque pas d'effet inacceptable, aigu ou chronique, l'utilisation du produit peut être autorisée sur la culture prévue.
Et en attendant que l'Anses se prononce ? Une période transitoire d'autorisation est prévue pour les insecticides et acaricides dont l'emploi sur les cultures attractives est déjà autorisé, et ce jusqu'à leur prochain renouvellement. Pour les autres produits, là aussi leur utilisation reste autorisée jusqu'à leur renouvellement à condition que les fabricants fournissent rapidement toutes les données nécessaires à l'Anses pour se prononcer avant la date officielle de leur renouvellement d'autorisation de mise sur le marché (AMM). L'application réelle de cette réglementation va donc être progressive et dictée par les délais de renouvellement des AMM.
Encadrement de l'horaire d'épandage des pesticides
Une fois les produits autorisés, l'arrêté ajoute des contraintes horaires pour leur application : deux heures avant le coucher du soleil et trois heures après, car il s'agit d'une période où les abeilles sont peu présentes. L'arrêté prévoit toutefois des ajustements, voire une suppression de cette obligation, s'il s'avère que la contrainte horaire affaiblit l'efficacité des traitements. L'Anses doit également produire un avis sur la question et préciser les situations dans lesquelles cette règle peut être assouplie. Une expérimentation de trois ans, « en cours de cadrage » selon le ministère de la Transition écologique, doit aussi tester des technologies d'épandage qui apporteraient des « garanties équivalentes » à cette contrainte horaire.
Des règles seulement pour les cultures dites « attractives »
Le nouvel arrêté s'applique uniquement aux cultures dites « attractives » pour les abeilles. Il nécessite donc de différencier celles qui le sont celles qui ne le sont pas. Une liste de 14 cultures considérées comme non attractives a ainsi été élaborée par le ministère de de l'Agriculture sur la base des travaux de l'EFSA et du ministère de l'Agriculture des États-Unis. Elle est soumise à consultation du public jusqu'au 12 décembre prochain.
Intégrer les pollinisateurs dans la séquence ERC
Ce plan d'action bénéficiera d'un comité de suivi et d'une déclinaison régionale par les services de l'État. Une enveloppe budgétaire de 115 millions d'euros lui est consacrée. Car, outre la réglementation, le plan prévoit de mobiliser des fonds pour la recherche, d'améliorer le partage des bonnes pratiques via notamment le contrat de solution de la FNSEA, et de mieux former et accompagner les apiculteurs autour de la maîtrise sanitaire de leurs ruches.
L'un des axes du plan vise aussi les grands aménageurs fonciers pour qu'ils intègrent les pollinisateurs dans la séquence éviter-réduire-compenser (ERC). L'urbanisation et la fragmentation des habitats sont des causes majeures de fragilisation des communautés de pollinisateurs et de leur perte de biodiversité. Pour le ministère de la Transition écologique, les nouveaux projets (extension des zones urbaines, des infrastructures linéaires, des sites industriels, etc.), doivent prendre en compte les habitats des pollinisateurs « au même titre que les habitats des espèces strictement protégées ». Des éléments méthodologiques seront donc fournis prochainement.
Le ministère rappelle également l'importance de la conservation des habitats naturels pour les pollinisateurs comme les prairies, pelouses calcaires, landes et zones humides. Il prévoit un cadrage national à l'attention des préfets pour que ces derniers prennent « toutes les mesures de nature à empêcher leur destruction, leur altération ou leur dégradation ».