Sombre diagnostique
Soutenu par le très médiatique Nicolas Hulot, venu l'épauler à Paris ce mercredi 22 octobre, lors d'un point presse organisé par l'Association de la Presse Etrangère, Pierre Rabhi a d'abord exposé avec émotion la philosophie de son combat. Une bataille menée depuis 40 ans en faveur de l'agriculture écologique que cet agriculteur et penseur d'origine algérienne résume dans un ouvrage fondateur paru ces jours-ci (Manifeste pour la Terre et l'Humanisme, 124p°, Editions Actes-Sud). Pour cet humaniste, l'utopie n'est pas chimère mais le non lieu de tous les possibles et, selon lui, il faut profiter des crises actuelles pour changer de paradigme et rompre avec cette société de combustion énergétique.
Ouvrier agricole de profession, le désormais célèbre Ardéchois en appelle au sursaut et à l'insurrection des consciences pour redonner à la société non seulement du sens mais aussi des valeurs fondamentales, selon lui trop souvent considérées comme utopiques. Et d'interroger la salle : Sommes-nous plus heureux ici parce que nous baignons dans l'abondance ? Je vois parfois davantage de joie de vivre en Afrique….
Plus Sombre encore, Pierre Rabhi met en garde ses contemporains : nous allons tout droit vers un tsunami alimentaire ; d'ici quatre ou cinq ans vous verrez, même ici à Paris !. Nicolas Hulot prend le relais : certes, nous traversons actuellement une crise financière. Mais c'est aussi une crise économique, énergétique, alimentaire, écologique et climatique, culturelle et même démocratique !. Avant d'ajouter, citant le britannique Churchill : Après le chaos, il peut y avoir une chance !. La solution ? Il faut troquer le libre échange contre le juste échange. Agacé, l'animateur télé remarque : C'est une question de volonté aussi ! Je ne veux pas tomber dans la facilité et être simpliste mais tout de même : en quelques semaines à peine, des sommes colossales ont été trouvées à travers le monde alors que seulement le 50ème d'entre elles aurait suffit à réduire la pauvreté en Afrique par exemple ou à lutter contre le réchauffement climatique !
La révolution commencera d'en bas
Cyril Dion, le Directeur de Colibris, détaille la plateforme collaborative qui vient d'être mise en ligne sur le web par le Mouvement : l'objectif est triple : sensibiliser, aider à agir et faciliter les échanges. Ainsi, selon lui, ceux qui proposent des solutions doivent pouvoir être facilement mis en relation avec ceux, plein d'énergie, qui cherchent à passer à l'action. Pourquoi avoir choisi Colibris comme nouveau nom ? Tirée d'une légende, l'anecdote est jolie et résume à elle seule l'esprit du Mouvement : un jour, il y eut un immense incendie de forêt. Tous les animaux terrifies, atterrés ; observaient impuissants le désastre. Seul le petit colibri s'activait, allant chercher quelques gouttes avec son bec pour les jeter sur le feu. Après un moment, le tatou, agacé par cette agitation dérisoire, lui dit: Colibri ! Tu n'es pas fou ? Ce n'est pas avec ces gouttes d'eau que tu vas éteindre le feu ! Et le colibri lui répondit : Je le sais, mais je fais ma part.
En tournant dernièrement 150 heures de rush pour un film qui sortira en salles en 2009, intitulé malicieusement La Terre vue de la Terre, la réalisatrice Coline Serreau a, semble t-il amplement rempli sa part. Elle veut ainsi quant-à-elle aider Pierre Rabhi et son association à mieux communiquer auprès du grand public. Enthousiaste, grands gestes et grimaces à l'appui, la cinéaste raconte : je suis allé en Bourgogne mais aussi au Maroc, en Inde, au Brésil et en Ukraine où j'ai découvert des pionniers de l'agriculture écologique et des adeptes de la microbiologie des sols. Ces gens-là luttent aujourd'hui contre les multinationales et construisent dans leur coin les bases d'un monde nouveau, c'est fantastique ! Pour elle, répondant indirectement à Nicolas Hulot qui se définit comme un optimiste désespéré, il faut garder espoir. D'ailleurs, pour faire passer ces idées, elle souhaite que son film soit pillé et téléchargé le plus possible…
Une grande plateforme participative pour accélérer le passage à l'acte
Notre démarche vient en complément du Pacte Ecologique. Nous voulons pousser la société civile à s'organiser et à devenir un véritable laboratoire. Un jour, les success-stories prises en exemple, pèseront toutes petit à petit sur les pouvoirs politiques et économiques annonce Cyril Dion. Le site Internet ? Le site doit aider les internautes qui ont des velléités écolos à trouver quoi faire, où, comment et avec qui explique le jeune directeur pour qui, grâce à ce système, la micro économie pourra influer sur la macro économie. Les Français qui voudront installer une cantine bio dans l'école d'un village trouveront des modèles et des kits en ligne par exemple. Ils pourront aussi trouver, dans leur quartier, grâce à un annuaire géolocalisé : un vendeur de produits bio de saison cultivés en local, un coiffeur qui utilise des colorants naturels, la procédure pour créer une AMAP etc. Paraphrasant son ami Nicolas Hulot, Pierre Rabhit s'arroge le mot de la fin : on ne naît pas écolo, on le devient…