La loi du 21 mars 2022 destinée à améliorer la protection des lanceurs d'alerte est entrée en vigueur le 1er septembre dernier. Mais son décret d'application vient seulement de paraître au Journal officiel du 4 octobre. Dans ses visas figure la directive européenne du 23 octobre 2019 que les États membres auraient dû transposer dans leur droit interne avant le 17 décembre 2021. La France, avec quatorze autres États, avait reçu, le 15 juillet dernier, un avis motivé de la Commission européenne pour transposition incomplète de la directive.
La loi française contient plusieurs dispositions visant à améliorer la protection des lanceurs d'alerte : possibilité de saisir directement une autorité administrative ou judiciaire extérieure, immunité pénale complète, rôle de facilitateur reconnu aux associations, renforcement des sanctions contre les étouffeurs d'alerte, etc. Le décret vient fixer la procédure interne de recueil et de traitement des signalements, puis la procédure de traitement de l'alerte par les autorités externes, ainsi que la liste de ces autorités. Celles-ci sont l'Inspection générale de l'environnement et du développement durable (Igedd), en matière d'environnement, l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), pour ce qui concerne la radioprotection et la sûreté nucléaire, l'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses), pour la sécurité des aliments et la santé publique, ou encore le Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER), pour l'agriculture et la sécurité des aliments.
« C'est la première fois que cette question du traitement des alertes est réellement prise en considération par une législation ad hoc », se félicite la Maison des lanceurs d'alerte (MLA), une coalition qui regroupe une trentaine d'associations et de syndicats. « Les autorités listées dans le décret ont l'obligation de traiter les signalements et de faire un retour d'informations sur les mesures prises ou envisagées pour remédier au problème dans un délai de trois à six mois. Il s'agit là d'une avancée significative et demandée de longue date », se réjouit l'ONG.
« Mais le décret publié ce jour réduit significativement l'ambition initiale de la loi, du fait du nombre restreint d'autorités désignées et de la faiblesse des moyens associés à leur mission », tempère immédiatement le réseau. Parmi les absents, celui-ci pointe les agences régionales de santé (ARS), l'Agence de la transition écologique (Ademe) ou encore la Commission nationale de la déontologie et des alertes en matière de santé publique et d'environnement (CNDASPE). « Assistons-nous, avec cette non-inscription (…) à l'instauration d'un régime de liberté conditionnelle pour les alertes en matière de santé ou d'environnement ? » interroge cette dernière. « Si les autorités ne figurant pas dans ce décret pourront tout de même être saisies des sujets les concernant, elles ne seront pas assujetties aux obligations du décret, notamment quant au retour d'informations dû au lanceur d'alerte », explique, en effet, la MLA. « L'effort va donc manifestement peser sur un nombre limité d'organisations aux moyens réduits », déplore-t-elle.