Une autre voie propose l'abandon des règles économiques actuelles et des comportements des agents économiques pour une société de la décroissance, de la sobriété. Pour le Comité 21, cette proposition est davantage une aspiration éthique qu'une proposition économique et n'est pas assortie d'un appareil théorique et instrumental à l'échelle internationale. S'il faut refonder une doctrine économique qui assoie la richesse sur les valeurs des réseaux tant immatériels que solidaires, l'environnement peut-il être le nouveau moteur de croissance et de compétitivité ?
Le mythe de la croissance verte
Si la lutte contre le changement climatique constitue un véritable vivier d'emplois (le green business est un marché mondial déjà supérieur à 1.000 milliards d'euros soit l'équivalent de l'industrie aéronautique ou pharmaceutique), le Comité 21 reste prudent quant à l'idée qu'une croissance verte constitue la solution à la crise. Une telle présentation est positive en ce qu'elle montre que le monde économique a enfin compris les effets dévastateurs de la croissance carbonée et la nécessité de changer la structure des investissements. Mais elle peut aussi, lorsqu'elle ne s'accompagne pas de vraies transformations, illustrer la confiance abusive à perdurer au moyen de simples adaptations techniques qui semble ainsi aller dans le sens des propos récents tenus par Nicolas Hulot. L'écologiste a rappelé qu'une croissance verte ne suffirait pas et que des concessions devront immanquablement être faites sur les modes de vies actuels.
Selon Bettina Laville, les technologies vertes sont indispensables pour la relance de l'économie mais elles ne résolvent pas les crises à elles seules. Nous avons besoin d'une véritable transformation de l'économie, qui doit être une filiale à 100 % de l'écosystème.
Il faut donc nécessairement repenser les fondamentaux et donner une valeur à ce qu'il y a de substantiel pour notre développement. Nous ne pouvons pas résoudre les crises en nous contentant d'étayer ou d'amender le modèle économique des Trente Glorieuses. Ne faut-il pas repenser la notion d'intérêt général sur le socle de la biosphère et édifier une gouvernance mondiale qui fasse une part égale à l'humanité et à la nature, à la survie et à la vie ?
Une gouvernance entre global et local
La société de demain nécessite une régulation, mais à quelle échelle mettre en œuvre la gouvernance des politiques de développement durable ?
Selon le Comité 21, les crises ne résultent pas d'un défaut de règles au niveau mondial mais plutôt d'une absence de contrôle, condition pour que des règles soient vraiment contraignantes.
En réalité, aucun des défauts de notre système économique n'était inconnu avant que la crise financière n'éclate et beaucoup de règles avaient été édictées pour nous protéger de ces défauts. (…) Le problème vient de ce que le régulateur, quand il existe, n'a souvent pas plus de pouvoirs qu'un gardien de square, note le rapport.
L'Etat, s'il ne se substitue pas aux agents économiques et ne prétend pas gérer les secteurs clés de l'économie, doit assurer le maintien des grands équilibres. Mais, comme le secteur économique, le secteur politique peut être guidé par une logique court-termiste. Une régulation indépendante des pouvoirs politique et économique est donc indispensable. Un régulateur indépendant peut soustraire aux contingences du politique et du marché des enjeux essentiels à la préservation de la vie même. Dans une logique de développement durable, cette régulation doit être conçue comme un dispositif favorisant une interaction entre les experts, c'est-à-dire les chercheurs, les décideurs et les parties prenantes, acteurs du système. La méthode élaborée par le GIEC pourrait en partie inspirer une telle démarche, note le rapport.
Dans cette régulation, l'échelon local, notamment la ville (depuis 2008, la moitié de l'humanité vit en ville), peut avoir un rôle à jouer. Les villes, qui consomment 75 % de l'énergie produite sur Terre, se révèlent être la bonne échelle et le bon niveau de décision pour prendre des mesures concrètes et tester leur efficacité. Echelon pertinent pour tester et planifier les mesures, elles s'imposent au côté des Etats comme des interlocuteurs de référence sur le climat, l'environnement et les politiques sociales. (…) Il est donc temps que les Etats et les organisations internationales s'appuient systématiquement sur les élus locaux avant d'adopter des plans qui reposent d'abord sur les villes.