Des signes d'instabilité ont été détectés dans la circulation méridienne de retournement de l'Atlantique Nord (Amoc, en anglais). Le 5 août, dans son étude parue dans la revue Nature Climate Change, le chercheur Niklas Boers du Postdam institute for climate research alerte : « au cours du siècle dernier l'Amoc pourrait avoir atteint un point proche de la transition critique ». En fait, l'Amoc possède deux états stables que l'auteur dénomme « mode faible » et « mode fort ». Le courant est actuellement dans son « mode fort » mais pourrait basculer en « mode faible » plus tôt que prévu. C'est l'un des fameux points de basculement redoutés par les climatologues.
Les « empreintes digitales » d'une perte de stabilité
« Dans les systèmes naturels, les transitions entre les différents équilibres sont précédées de propriétés bien caractéristiques », explique Boers qui s'appuie à la fois sur des observations, des modélisations et des reconstitutions des climats passés pour justifier sa thèse. Premièrement, des reconstitutions des climats passés ont montré que l'Amoc avait cette capacité à passer d'un mode à l'autre à la faveur des cycles de glaciation. Il n'est donc pas impossible que cela se produise à nouveau. En second lieu, même s'il n'existe pas de mesure de la force du courant sur de longues périodes, l'Amoc laisse des « empreintes digitales » dans les paramètres physico-chimiques (température de surface, salinité, etc.) de l'océan Atlantique. C'est en analysant ces empreintes au travers de huit indices que l'auteur de l'étude a décelé l'instabilité de l'Amoc.
« Ces résultats montrent que le déclin de l'Amoc n'est pas seulement une fluctuation liée à des variations climatiques ou une réponse linéaire au changement climatique. Ils suggèrent que ce déclin peut être associé à une perte quasi-totale de stabilité de l'Amoc et qu'il pourrait être proche d'une transition vers son « mode faible » », conclut-il.
Un ralentissement irréversible
Le Giec apporte d'autres éléments de compréhension dans une foire aux questions : « la plupart des modèles prévoient que l'Amoc ralentira vers la fin du XXIe siècle sous la plupart des scénarios. Certains modèles montrent qu'il pourrait même faiblir plus tôt ». Et, en effet, le Postdam Institute for Climate Research, qui publie l'étude fait remarquer que l'intensité de l'Amoc est aujourd'hui à sa valeur la plus basse depuis 1 600 ans. S'agit-il d'une fluctuation ou est-ce le signe d'un basculement ? « La différence est cruciale, écrit Niklas Boers. Car une perte de stabilité dynamique impliquerait que l'Amoc approche un seuil critique, en dessous duquel le courant pourrait passer en « mode faible » de façon irréversible ».
Le Gulf Stream va-t-il s'arrêter ?
Après avoir réchauffé les côtes de l'Europe, le Gulf Stream continue sa course vers le sud du Groenland où il se refroidit. Devenant ainsi plus denses, les eaux apportées par le Gulf Stream plongent en profondeur, entretenant ainsi tout le mouvement de ce courant océanique. Cependant, la fonte des glaces, causée par le réchauffement climatique, vient changer la donne : l'eau douce apportée au système allège l'eau de mer arrivant par le Gulf Stream et l'empêche de plonger, ralentissant ainsi le moteur. Mais, selon les experts du Giec, « même s'il est attendu que l'Amoc faiblisse avec le changement climatique, le Gulf Stream ne changera pas beaucoup et ne devrait pas s'arrêter complètement, même si l'Amoc s'arrête ».