Abandonner la portion des ondes électromagnétiques utilisées par le Wi-Fi tout en bénéficiant d'une connexion à internet sans fil, une utopie? La perspective pourrait en tous cas séduire des crèches, des locaux en sous-sols ou encore pour créer des zones blanches pour les personnes électrosensibles.
La Li-Fi (light fidelity) pourrait constituer un début de réponse. Son principe est simple : alors que le Wi-Fi utilise les ondes radio pour transmettre des informations, la Li-Fi s'appuie sur les ondes de la lumière visible en les modulant.
Selon les dispositifs, la modulation peut passer par une alternance d'état "allumé - éteint". "Les informations sont envoyées comme une sorte de morse optique à des cadences tellement élevées - un million voire dix millions de fois par seconde - que l'œil humain ne perçoit rien, en revanche, un téléphone portable ou des cellules de petites caméras peuvent recevoir et retranscrire le fichier sur par exemple un mobile, explique Suat Topsu, le fondateur d'Oledcomm, une société spécialisée dans la technologie Li-Fi.
L'équipe du Leti, un institut de CEA Tech, a opté pour un type de modulation de la lumière visible.
"Pour obtenir de meilleur débit, nous utilisons des modulations plus complexe, de type multi-porteuses, pointe Martin Gallezot, chercheur dans une équipe dédiée au CEA-Leti. La fréquence à laquelle nous faisons varier l'intensité lumineuse de la LED est de l'ordre de 10 MHz".
Si l'idée n'est pas nouvelle, la technologie Li-Fi pourrait profiter aujourd'hui de la raréfaction des bandes de fréquences radio et de l'essor des lampes à LED (diodes électroluminescentes) pour se faire une place. Cette dernière fonctionne en effet uniquement avec ce type d'éclairage.
Une réduction de l'exposition aux ondes électromagnétiques
Aujourd'hui, la Li-Fi est notamment expérimenté en France pour un accès grand public dans certains centres commerciaux et musées pour cibler l'information transmise. Le centre hospitalier de Perpignan a quant à lui choisi d'équiper son pôle mère-enfant avec cette technologie à la fois pour répondre à une problématique locale de connexion et pour réduire l'exposition aux ondes électromagnétiques, selon Vincent Templier, son directeur du système d'information et des télécommunications. "Comme nous sommes situés dans une zone sismique, l'ingénierie du bâtiment a intégré du fer dans le béton pour consolider le bâtiment : cela crée un effet cage de faraday et des difficultés au sein de l'hôpital pour capter les ondes, détaille-t-il. L'usage de ce réseau reste aujourd'hui réservé aux personnels de l'hôpital pour leur permettre d'accéder au dossier du patient.
Installé depuis près d'un an et demi, le dispositif a permis d'abaisser l'exposition localement. "Un service qui fonctionne en Li-Fi affichera un niveau d'ondes électromagnétique de 300-400 mV/m, les niveaux seront dix fois supérieurs pour celui qui fonctionne en Wi-Fi ", note Vincent Templier. Ce changement de technologie a toutefois nécessité une période d'adaptation pour ses usagers : la connexion impose que le capteur ne soit pas obstrué et n'est en effet possible que sous le spectre lumineux de l'ampoule. Cette condition permet toutefois de sécuriser l'information.
"Pour l'instant nous nous concentrons sur le pôle mère enfant car le contexte financier des hôpitaux ne nous permet pas à court terme d'envisager une solution pour l'ensemble de l'établissement, mais je pense que d'ici trois-quatre ans, lors du renouvellement du matériel nous orienterons notre choix vers du Li-Fi", projette-il.
Vers un développement du Li-Fi ?
" Le réseau électrique à 50 hertz clignote déjà 50 fois par seconde et la télévision est passée à 100 hertz …physiologiquement l'œil humain ne peut pas détecter des clignotements à 1 millions de fois voir 10 millions de fois par seconde", souligne-t-il.
Concernant les lampes à LED 22748, l'Anses s'était penché en 2010 sur les risques sanitaires 11246 de ce type d'éclairage et avait formulé différentes recommandations : la grande proportion de bleu dans la lumière blanche et la forte intensité de certaines LED peuvent en effet conduire à un stress toxique pour la rétine des personnes sensibles (notamment des enfants) et des éblouissements, selon l'Agence. Elle préconisait que seules les LED appartenant à des groupes de risques similaires à ceux des éclairages traditionnels soient accessibles pour le grand public.
"Nous travaillons depuis presque un an et demi avec Orange, pour imaginer une couverture réseau qui consomme le moins d'énergie possible, et assure une qualité de service optimal, assure également Suat Topsu, le fondateur d'Oledcomm. Nous réfléchissons ainsi à des lampes qui fonctionneraient avec une box".
Autre ambition : développer des quartiers équipés de cette technologie. L'éco-quartier Camille Claudel à Palaiseau (fin de la livraison prévue cette année) compte ainsi utiliser le Li-Fi pour la mise en place d'un internet sécurisé via l'éclairage public mais également des services comme la géolocalisation à l'intérieur des bâtiments (maintien à domicile des personnes dépendantes).
La technologie permet également d'envisager la création d'une zone blanche dans un nouveau quartier disposant du Li-Fi par exemple en établissant un règlement intérieur qui interdit le Wi-Fi.
"L'émergence du smart grid dans le monde ne pourra se faire que si nous le créons comme un réseau de télécom, assure Cyril Thiriot président de l'association dédiée à l'éclairage intelligent Smart Lighting Alliance. Le réseau le plus dense au monde reste l'éclairage : si nous le rendons intelligent, nous créons un réseau de communication, dédié à certains usages, propriété des collectivités qui permettra de communiquer avec l'usager mais aussi de connecter tous les équipements de la ville".
Les prochaines étapes technologiques
Les composants de la technologie Li-Fi sont matures. Les chercheurs travaillent toutefois à quelques améliorations. "Le stade suivant sera celui de l'intégration dans le même bout de composant, de la fonction lumineuse et la communication, explique Martin Gallezot, chercheur dans une équipe dédiée au CEA-Leti. Nous avons encore besoin d'une électronique supplémentaire sur votre tablette ou smartphone pour fonctionner en Li-Fi, comme pour le Wi-Fi, il y une quinzaine d'année, il fallait ajouter une carte dans le portable".
Les scientifiques s'efforcent également d'accroître le débit pour augmenter le nombre d'utilisateur sous un même point lumineux. "Aujourd'hui une quinzaine d'utilisateurs peuvent se connecter sous un même point d'accès Li-Fi ce qui est déjà équivalent au Wi-Fi, note Martin Gallezot. Nous pensons pouvoir atteindre 100 mégabit/sec en voie descendante et 20 mégabit/sec en voie montante : par exemple, dans une salle de réunion de 100m2, avec une dizaine de lampes, sous chaque lampe une vingtaine d'utilisateurs pourraient se partager le débit".
Si aujourd'hui les utilisateurs peuvent passer d'une source d'éclairage à une autre sans interruption de service, les scientifiques travaillent également à optimiser les performances de cette possibilité.
"Un des gros avantages du Li-Fi par rapport au Wi-Fi, c'est une meilleure efficacité énergétique, pointe Martin Gallezot. L'énergie dont vous avez besoin pour vous éclairer n'est pas sensiblement supérieure à celle nécessaire pour vous éclairer et communiquer. Et nous nous attelons à encore réduire cette légère surconsommation à la marge".