
''Les bénéfices pour le consommateur en termes de maîtrise de la demande restent encore théoriques''. C'est la conclusion que tire l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) après une analyse des bénéfices pour l'environnement du compteur Linky, expérimenté par ErDF, le gestionnaire du réseau de distribution de l'électricité, depuis mars 2010 à Lyon et dans la région de Tours. Cette expérimentation s'achèvera au 1er semestre 2011 et devrait déterminer les conditions de la généralisation de ce type de compteur prévue par le gouvernement.
Face aux nombreuses critiques émises lors de la parution d'un décret le 2 septembre dernier prévoyant sa généralisation, le ministère de l'Ecologie avait précisé le 15 septembre dernier dans un communiqué que ''la phase d'expérimentation est précisément une période d'apprentissage et d'optimisation qui doit permettre d'ajuster les caractéristiques techniques de l'appareil, indiquant qu'une revue des résultats de l'expérimentation, conduite sous l'égide de la Commission de régulation de l'énergie avec le concours de l'Ademe, devra en particulier vérifier que les compteurs apportent aux Français les améliorations attendues en termes de qualité de service et permettent le développement d'offres de service et de maîtrise de l'énergie de sorte que les bénéfices apportés par le compteur soient supérieurs à son coût''.
Selon l'Ademe, qui a mené une analyse des bénéfices pour l'environnement du compteur Linky, le gain réel en économie d'énergie pour le consommateur n'est pas prouvé. L'agence préconise donc de tester pendant une année supplémentaire l'ajout d'un mécanisme d'affichage supplémentaire relié au compteur et situé à l'intérieur du logement afin d'évaluer son effet sur le consommateur, rejoignant ainsi de nombreux détracteurs de Linky, qui critiquent le fait que le compteur n'inclut pas cette fonctionnalité aujourd'hui.
Un nécessaire affichage des consommations en temps réel
En novembre dernier, l'information avait déjà filtré. Une note confidentielle que s'était procurée l'AFP faisait part de l'avis mitigé de l'Ademe concernant le compteur Linky. Selon Jean-Louis Bal, son directeur des énergies renouvelables, interrogé sur cette note, "Linky, tout seul, ne fait pas faire des économies d'énergie". Celui-ci devrait être accompagné d' ''un affichage pédagogique en temps réel'' pour permettre de réaliser de 5 à 15 % d'économies d'énergie. A condition que ''les informations soient pertinentes, c'est-à-dire qu'on ne se contente pas d'afficher en temps réel le nombre de kilowattheures consommés mais qu'on puisse, par exemple, avoir un comparatif entre la consommation du ménage concerné et la consommation standard".
L'Ademe se base sur un rapport de l'université d'Oxford publié en 2006, portant sur plusieurs expériences menées aux Etats-Unis, au Canada, en Scandinavie, aux Pays-Bas et au Royaume-Uni, qui montre ''que l'affichage en temps réel des consommations peut générer une économie d'électricité de 5 % à 15 %''. Cependant, ''une expérience menée en Australie a montré chez un consommateur bénéficiant d'un affichage dans son logement, une baisse effective de consommation de 10 % pendant les deux premiers mois. Celle-ci s'est réduite à 5 % les quatre mois suivants, pour un retour à la situation de départ au bout de six mois''. L'Ademe préconise donc de tester cette fonctionnalité, pas incluse actuellement dans le compteur Linky.
Les gestionnaires de réseau pourront également détecter plus facilement les pannes et les congestions et programmer des investissements de manière plus pertinente. Enfin, les fournisseurs d'énergie auront la possibilité d'utiliser les informations collectées afin d'élaborer des offres commerciales de fourniture d'énergie ou de services.
L'information par Internet ''peut apporter un traitement utile de l'information. Il n'est toutefois pas équivalent à une lecture directe en temps réel de l'information dans le logement''. Quant à l'affichage déporté, préconisé notamment par l'association UFC-Que choisir, il nécessite un investissement supplémentaire estimé par l'Ademe à 50€ par compteur hors frais de pose, soit 850 millions d'euros, qui s'ajoutent aux 4 milliards d'euros déjà estimés pour la généralisation de Linky. Se pose alors la question du transfert des coûts : vers le consommateur ou vers le gestionnaire du réseau ?
Interrogé lors d'une table-ronde organisée le 1er décembre par des sénateurs dans le cadre de la rédaction d'un rapport d'information consacré au compteur électrique évolué, Pierre-Marie Abadie, directeur de l'énergie au ministère de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, indiquait que la généralisation automatique de l'affichage déporté à tous les foyers ''risquerait de se faire au détriment de son adaptation aux évolutions. Or les économies qu'il apportera seront limitées par rapport à son coût, évalué à une cinquantaine d'euros : il devra donc être en mesure de supporter des services annexes, par exemple la télésurveillance. La socialisation de son coût n'est pas une bonne solution car tous les consommateurs n'auront pas besoin de cet équipement déporté ; en revanche, les dispositifs relevant de la politique sociale pourraient aider les plus démunis à l'acquérir afin de les aider à réaliser des économies sur leur facture d'électricité''.