Son adoption n'était pas acquise durant cette mandature. Mais la commission mixte paritaire (CMP), réunie le 31 janvier, est finalement parvenue à un accord sur le projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et la simplification de l'action publique locale, dit 3DS.
« Je me réjouis de ce vote conclusif (…). C'est l'aboutissement d'un travail commun Sénat-Assemblée nationale-gouvernement pour répondre aux besoins concrets des élus de tous les territoires », s'est félicitée Jacqueline Gouraut, ministre de la Cohésion des territoires, dans un tweet. « Face à un projet de loi que le gouvernement présentait comme un simple texte d'ajustement, le Sénat a souhaité insuffler une plus grande ambition en faveur des territoires », réagit, quant à lui, le palais du Luxembourg. La chambre haute se félicite de plusieurs avancées obtenues au terme d'une « négociation exigeante ».
Les associations de collectivités, quant à elles, sont assez sévères avec le résultat obtenu, même si elles soulignent également des évolutions positives. « D'un point de vue général (…), le projet de loi 3DS n'est pas le nouvel acte de décentralisation qui avait été annoncé par le président de la République à l‘issue de la crise des Gilets jaunes. Il ne comporte aucune réorganisation des pouvoirs publics dans le sens de la décentralisation ni aucune ambition en matière de déconcentration de l'État », cingle l'Association des maires de France (AMF) dans un communiqué. Intercommunalités de France, au contraire, dit se satisfaire de « la position d'équilibre trouvée par les parlementaires ».
Clarifier les compétences des collectivités
Le projet de loi prévoit la possibilité de transférer les routes nationales aux Départements et aux métropoles. Il transfère temporairement aux collectivités et aux groupements volontaires la maîtrise d'ouvrage d'opérations d'aménagements routiers. Il prévoit également les modalités de transfert de gestion des petites lignes et gares ferroviaires « en garantissant la transmission à la Région des règles de maintenance et sécurité nécessaires à l'exercice de ses missions », se félicite le Sénat. L'association Régions de France se dit également « satisfaite » de la confirmation de ce transfert amorcé par la loi d'orientation des mobilités.
En matière d'aménagement, le texte reporte de six mois l'obligation de territorialisation des objectifs de lutte contre l'artificialisation contenus dans la loi Climat et résilience, pourtant promulguée il y a quelques mois seulement. Une « bouffée d'oxygène pour les collectivités concernées », se félicitent l'AMF et Régions de France, qui réclamaient ce report. « Il n'en demeure pas moins que sa mise en œuvre provoquera immanquablement des tensions locales et risque d'obérer les projets de développement », nuance toutefois l'AMF.
Encadrer l'implantation des éoliennes
Le texte encadre, par ailleurs, l'implantation des éoliennes par la création d'un zonage dans les plans locaux d'urbanisme (PLU). Cette disposition, qui devrait permettre de « mieux maîtriser » leur développement, « devra cependant être confirmée par la lecture du texte final, puis dans les décrets d'application », semble s'inquiéter l'Association de maires. Elle suscite, en effet, déjà les crispations des soutiens au développement des énergies renouvelables (EnR). « L'obsession anti-éolienne ne faiblit pas », réagit, ainsi, sur Twitter, l'avocat Arnaud Gossement. Des mesures de contrôle des installations de production de biogaz bénéficiant d'un dispositif de soutien sont également instaurées. Mais, dans le même temps, le projet de loi contient des dispositions visant à faciliter les investissements des collectivités locales dans les projets de production d'EnR.
Le texte contient également plusieurs dispositions en matière d'eau et d'assainissement, dispositions qui, avec l'éolien, ont concentré le plus de tensions, rapporte Public Sénat. Elles visent à favoriser l'association des communes et le maintien des syndicats infra communautaires à la gouvernance des compétences « eau » et « assainissement », explique le Sénat. Elles facilitent le financement de ces deux compétences par les communes et les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre (EPCI), ajoute la chambre haute. Intercommunalités de France salue « des dispositions de compromis tenant compte de la diversité des réalités locales ». Mais ces dispositions ne trouvent pas grâce aux yeux de l'AMF qui, quant à elle, estime insuffisante la réponse apportée aux préoccupations des maires en la matière, en particulier dans les communes rurales.
Le projet de loi élargit, par ailleurs, le droit de préemption des terres agricoles situées sur les aires d'alimentation des captages. Il prévoit le transfert, à titre expérimental, de la compétence de gestion des inondations à un établissement public territorial de bassin. Enfin, il habilite le gouvernement à réformer par ordonnance le régime des catastrophes naturelles pour le risque de retrait-gonflement des argiles.
Enrayer la disparition des chemins ruraux
Le projet de loi modifie aussi le régime de protection des alignements d'arbres. Une remise en cause de leur protection selon plusieurs députés d'opposition, dont l'ancienne ministre de l'Environnement, Delphine Batho. Le Sénat y voit, de son côté, une meilleure association des maires à la procédure d'autorisation d'abattage et une simplification de la procédure pour les arbres malades.
Le texte transfère la gestion des sites Natura 2000 terrestres aux Régions. Il renforce le rôle du conseil départemental dans la création de ces sites, se félicite la chambre haute. Il contient également des dispositions visant à faciliter l'entretien des chemins ruraux et à enrayer leur disparition. Le texte crée, par ailleurs, un pouvoir de police spéciale dans les espaces naturels protégés et allège la responsabilité des propriétaires et gestionnaires de sites ouverts au public.
Le projet de loi contient également plusieurs dispositions propres aux territoires ultramarins. Dans ce cadre, il est créé un état de calamité naturelle exceptionnelle en vue de mieux faire face aux crises. Le texte instaure la possibilité de faire des évaluations environnementales groupées pour les projets situés dans le périmètre d'une opération d'intérêt national en Guyane et à Mayotte. En Nouvelle-Calédonie, il confie la compétence sur les bornes de recharge électriques aux communes, et permet son transfert aux EPCI. Il donne aux officiers de marine la compétence pour constater les infractions en matière environnementale en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française.
Le préfet, délégué territorial de l'Ademe
Si cette loi se veut essentiellement un acte de décentralisation, elle comprend également des mesures de déconcentration. Ainsi, le préfet de département devient le délégué territorial de l'Office français de la biodiversité (OFB) et son rôle est renforcé dans la gouvernance des agences de l'eau. Le préfet de région, quant à lui, devient le délégué territorial de l'Ademe.
Le texte réforme également le statut du Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema) afin de renforcer son rôle d'expertise et d'assistance au profit des collectivités territoriales.
Le texte issu de la CMP doit maintenant être examiné une dernière fois par les deux chambres, les 8 et 9 février, puis passer, le cas échéant, sous les fourches caudines du Conseil constitutionnel, avant de pouvoir être promulgué par un président de la République qui se sera sans doute, entre-temps, déclaré candidat pour un nouveau mandat.