L'Assemblée nationale a adopté, le 10 janvier, le projet de loi sur l'accélération des énergies renouvelables à 286 voix pour et 238 contre. Le Gouvernement a finalement pu compter sur le vote des élus socialistes et indépendants pour faire valider ce texte. En revanche, les écologistes se sont abstenus, alors que Républicains, Insoumis et communistes se sont opposés.
La commission mixte paritaire (CMP), qui doit se réunir le 24 janvier, devra tenter de trouver un compromis entre les versions adoptées par les sénateurs et les députés. Le texte a en effet été largement modifié au fil de son examen par les deux chambres.
Ce projet de loi vise une accélération du déploiement des énergies renouvelables alors que la France affiche un retard dans ce domaine. Le texte tente un difficile équilibre entre accélération et mise en place de garde-fous pour éviter un développement anarchique et une hausse de la contestation des projets.
Pour y parvenir, il introduit une planification de zones d'accélération, des mesures de simplification administratives et un meilleur partage de la valeur dans les territoires. Plusieurs mesures concernent le solaire photovoltaïque, afin d'orienter son déploiement vers les zones déjà artificialisées et de restreindre l'installation sur les terres naturelles et agricoles. Le texte définit l'agrivoltaïsme, qui consiste à concilier, sur une même parcelle, production d'électricité et activité agricole (cultures ou élevage). Il prévoit également une planification de l'éolien en mer, saluée par la filière.
La planification : accélération ou frein ?
La planification, à l'échelle communale, de zones d'accélération vise à permettre à chaque territoire de définir des zones propices au déploiement des énergies renouvelables, d'équilibrer le mix énergétique et de contribuer à l'atteinte des objectifs nationaux.
Certains acteurs redoutent que ce processus ne prenne du temps et soit finalement contre-productif. À l'instar du Réseau Action Climat (RAC), pour lequel « les instruments de planification tels que proposés offrent peu de visibilité pour les acteurs et ne permettent pas à l'État de s'assurer du respect de ses objectifs. La complexité du processus d'élaboration des zones d'accélération, qui prendra des années, risque de les transformer en un véritable frein au développement des énergies renouvelables ».
La profession salue, en revanche, l'instauration d'appels d'offres régionalisés, demandés de longue date, pour prendre en compte les différences de gisement entre les territoires et rééquilibrer le développement des filières.
Intérêt public majeur : blanc-seing ou facilitateur ?
Autre mesure phare du projet de loi : la reconnaissance des projets renouvelables comme relevant d'une raison impérative d'intérêt public majeur (RIIPM), permettant de déroger au principe de protection des espèces. Cette reconnaissance, saluée par les professionnels du secteur, devrait être accordée systématiquement pour les installations renouvelables (au sens large) et les projets connexes (raccordement, stockage…).
« Le législateur, en reconnaissant les énergies renouvelables comme un intérêt public majeur, envoie un signal fort de la nécessité d'accélérer les projets renouvelables dans notre pays », se félicite le syndicat des professionnels du solaire. En revanche, prévient Enerplan, « les objectifs de la loi ne peuvent être atteints que si d'importants moyens humains sont déployés dans les administrations ».
Les défenseurs de l'environnement redoutent ce blanc-seing sur les projets étiquetés bas carbone. La LPO demande que « ce dispositif soit réservé aux projets contribuant de façon significative à la transition énergétique et à la sécurité d'approvisionnement du réseau ». Le réglement européen d'urgence visant une accélération des énergies renouvelables, qui vient d'être publié, prévoit un dispositif similaire, mais demande en contrepartie des mesures de protection des espèces. Il précise également que cette reconnaissance pourra être limitée à certaines parties du territoire et/ou certaines technologies.
Revenir sur certaines mesures du Sénat ?
La filière des renouvelables redoute enfin de nouvelles contraintes. Le Syndicat des énergies renouvelables (SER) juge que certaines mesures représentent « de véritables reculs par rapport au droit existant, en créant de nouvelles contraintes très fortes pour le développement de l'éolien terrestre ou en instituant un régime règlementaire discriminatoire - différent de celui applicable à toutes les autres activités économiques ! - pour les projets solaires en zone forestière ».
En revanche, il regrette que les députés soient revenus sur certaines mesures adoptées par les sénateurs, comme les « délais maximaux pour déclarer un dossier complet, l'encadrement des contentieux abusifs sur le modèle de ce qui existe en droit de l'urbanisme, la réassurance donnée aux élus locaux sur le fait que les projets solaires ne seront pas comptabilisés dans leur quota d'artificialisation à l'avenir, etc. ».
Regret également du côté du RAC, qui estime que « des propositions pertinentes concernant le photovoltaïque sur toiture ont été supprimées lors du passage à l'Assemblée nationale alors que c'est un gisement important de développement des EnR sans atteinte à la biodiversité, qui doit être valorisé. Sans ces mesures, les avancées sont insuffisantes sur le photovoltaïque ».