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Une loi d'accélération du nucléaire au détriment de la sûreté et de la démocratie environnementale

Corinne Lepage pointe la loi de relance du nucléaire, en soutenant que la majorité de ses dispositions vont à l'encontre de la sûreté nucléaire, tant dans la réduction des procédures que dans l'atteinte aux droits des citoyens et de l'environnement.

DROIT  |  Tribune  |  Energie  |  
Droit de l'Environnement N°323
Cet article a été publié dans Droit de l'Environnement N°323
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Une loi d'accélération du nucléaire au détriment de la sûreté et de la démocratie environnementale
Corinne Lepage
Avocate associée, Huglo Lepage Avocats
   

Le vote de cette loi pourtant très importante, qui conditionne déjà largement la future programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) et dont la réalité de l'application dépend très largement de choix communautaires en termes de financement et de qualification juridique, est presque passé inaperçu.

 

Le projet de loi, définitivement adopté par l'Assemblée nationale, a fait l'objet d'une saisine devant le Conseil constitutionnel le 22 mai dernier par les députés écologistes et de la France insoumise. Ces derniers souhaitent l'invalidation totale du texte.

Elle traduit les nouvelles orientations du président Macron en matière nucléaire, au mépris de la sûreté : réduction des procédures à leur plus simple expression, réduction drastique des droits des citoyens, et, enfin, traduction de la « pause » environnementale par un affranchissement de toute une série de lois majeures de protection de l'environnement.

De plus, elle ne respecte pas un certain nombre de positions exprimées par le Conseil d'État dans son avis du 27 octobre 2022 (1) , tant en ce qui concerne l'insuffisance de l'étude d'impact initiale que l'opposition à certaines mesures qui ont néanmoins été votées. Le Conseil d'État avait souligné le caractère inégal et, sur certains points, incomplet de l'étude d'impact, en particulier sur le caractère insuffisant des équipes qualifiées au sein de l'Administration, le sujet étant renvoyé à un rapport par la loi.

La Haute Assemblée avait également estimé que certains choix n'étaient pas justifiés, que la réduction des délais d'instruction n'était pas précisée et que le manque d'expérience récente de construction de réacteurs nucléaires relativisait les appréciations qui pouvaient être portées sur les délais. Le Conseil d'État avait admis les multiples dérogations au régime de droit commun à raison de la limitation à 15 ans du texte. Mais finalement, la loi votée fixe la dérogation au droit commun à 20 ans, ce qui équivaut, en réalité, à une modification quasi définitive pour le régime des installations nucléaires. Or, s'agissant d'installations qui ne participent pas de la taxonomie verte et qui ne sont que des installations de transition au regard des critères de durabilité, on ne peut que s'interroger sur la régularité d'un tel régime.

I. Une vision très nucléarisée du mix énergétique dont la cohérence avec les objectifs communautaires n'est pas assurée

Beaucoup se sont focalisés sur la suppression de l'objectif de 50 % de nucléaire en 2035 et la suppression du plafond de production d'énergie nucléaire. On pourrait s'étonner que la loi modifie l'article L. 100-4 du code de l'énergie qui définit la politique énergétique nationale, et oublie totalement de changer l'objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) qui n'est plus de 40 % mais de 47 % pour la France après le Fit for 55. De plus, elle continue de fixer la part des énergies renouvelables à 33 % de la consommation finale brute d'énergie en 2030 alors qu'elle est à 40 %, et ne modifie que les capacités de production d'hydrogène fixées à 6,5 gigawatts (GW), sachant bien évidemment que seul l'hydrogène vert pourra compter pour les énergies renouvelables (ENR). Certes, les 50 % ne concernent que l'électricité. Mais viser plus de 50 % d'électricité nucléaire aboutit à réduire corrélativement la part de renouvelable et sauf à considérer que le gaz, le charbon et le pétrole seraient réduits à 10 % en 2030 dans la fabrication d'électricité, on voit mal comment la France pourrait atteindre un objectif de 40 % d'ENR a minima avec plus de 50 % d'électricité nucléaire… dès lors, ou bien cette suppression de l'objectif de 50 % est cosmétique, ou bien la France déclare ouvertement qu'elle n'a pas l'intention de respecter ses objectifs en matière d'énergies renouvelables.

Dans le même ordre d'idées, la loi prévoit la possibilité de réaliser non pas huit mais 14 réacteurs, renvoyant à un rapport le soin de préciser les coûts et avantages d'une telle construction. De toute façon, il convient de souligner le fait que dans le contexte de la taxonomie actuelle, et sous réserve que la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) saisie n'invalide pas le règlement, le nucléaire ne pourra plus bénéficier d'aucun investissement en termes de durabilité pour les permis de construire déposés après 2045. La réalisation de huit réacteurs d'ici-là est déjà plus que problématique … qu'en serait-il de 14 ?

II. La réduction des autorisations nécessaires à la création d'une installation nucléaire de base (INB) à leur plus simple expression

Antérieurement, la création d'une centrale nucléaire impliquait une succession d'actes : déclaration d'utilité publique et arrêté de cessibilité, décret de création, permis de construire, autorisation d'exploitation, autorisation d'occupation du domaine public, concession, arrêtés de rejets radioactifs liquides et gazeux. L'expérience a prouvé que les permis de construire avaient fait l'objet de contentieux positifs pour les requérants (Flamanville et Belleville).

La loi de simplification supprime le permis de construire, toutes les autorisations liées à la loi littorale, celle-ci étant purement et simplement inapplicable aux centrales nucléaires. Sans doute le législateur a-t-il préféré éviter tout risque de « contamination » des projets de centrale nucléaire par le droit commun et réduire drastiquement les autorisations nécessaires dans un régime totalement dérogatoire.

De plus, pour éviter tout débat contradictoire devant la juridiction administrative de droit commun, tous les actes seront des décrets susceptibles de recours uniquement devant le Conseil d'État. Or, devant ce dernier, seuls les avocats au conseil peuvent plaider et l'audience n'a strictement rien à voir avec une audience devant la juridiction administrative de première instance ou d'appel.

La qualification de projet d'intérêt général est décidée par décret en Conseil d'État et, si les documents d'urbanisme quels qu'ils soient doivent être modifiés, la procédure de modification est confiée à l'État avec un simple avis non conforme des collectivités territoriales, y compris de celle du lieu d'implantation.

Contrairement à l'avis émis par le Conseil d'État (2) , la loi admet que cette qualification puisse intervenir dès qu'est dressé le bilan du débat public et/ou de la concertation préalable. Or, le Conseil d'État avait demandé que la construction de réacteurs nucléaires ne puisse être qualifiée de projet d'intérêt général qu'après la publication par le maître d'ouvrage de sa décision de poursuivre le projet pendant une durée permettant au public d'en prendre connaissance.

Ce n'est qu'à ce prix que le Conseil d'État avait considéré que la dispense d'enquête publique pouvait être admise. Or, la loi supprime toute la procédure de droit commun de mise en compatibilité des documents d'urbanisme, notamment en ce qui concerne les procédures de participation du public, et retire aux collectivités locales la maîtrise de leur territoire. Même dans le cas où il y a une évaluation environnementale, il n'y a pas d'enquête publique mais une participation du public par voie électronique, ce qui n'a évidemment rien à voir.

Le décret de création (3) tient lieu d'autorisation d'exploiter prévue à l'article L. 311-5 du code de l'énergie. Or, les critères de délivrance de cette autorisation ne sont pas pris en compte dans le cadre du décret de création, ce qui exclut tout débat sur ces critères qui résultent de la loi du 17 août 2015.

Le permis de construire est supprimé et les règles d'urbanisme applicables ne sont contrôlées qu'au niveau de la demande d'autorisation environnementale ou de la demande d'autorisation de création du réacteur. De surcroît, non seulement il n'y a pas de permis de construire mais la construction des bâtiments autres que ceux qui sont destinés à recevoir le combustible nucléaire peut être entreprise dès la date de délivrance de l'autorisation environnementale sans attendre l'autorisation de création de l'installation nucléaire.

Dès lors, l'enquête publique n'est prévue que pour la concession d'utilisation du domaine public maritime, éventuellement dans le cas où une autorisation environnementale est nécessaire, et pour le décret de création. Mais, toute la phase préalable qui va modifier les documents d'urbanisme et adopter le principe du projet d'intérêt général n'est pas soumise à enquête publique ni à l'accord des collectivités territoriales.

Tout ceci n'est qu'un élément de la réduction de la démocratie environnementale et des droits des citoyens, dont la compatibilité avec la Convention d'Aarhus et la Convention d'Espoo est éminemment discutable.

III. Une réduction des droits des citoyens et de la démocratie environnementale

A l'instar de toutes les opérations dites de simplification qui sont intervenues depuis 2017, il s'agit en réalité toujours d'opérations de régression de la démocratie environnementale et des droits des citoyens. Le point précédent a mis en lumière les mécanismes mis en œuvre pour supprimer les enquêtes publiques autant que possible, réduire les capacités contentieuses pour limiter au Conseil d'État - dont le soutien sans faille au nucléaire ne s'est jamais démenti (sauf pour Creys-Malville) - le droit de juger les actes relatifs aux centrales nucléaires.

S'ajoute à cela une nouvelle disposition contentieuse résultant de l'article 7 bis de la loi qui fournit une large palette de régularisation en cas de vice lié à la phase d'instruction de la demande. Elle permet de demander à l'autorité administrative de reprendre l'instruction à la phase ou sur la partie qui est entachée d'irrégularité. D'autre part, en cas de possibilité de régularisation, le juge doit surseoir à statuer, et s'il refuse de faire droit à une telle procédure de régularisation, motiver les raisons pour lesquelles il oppose un tel refus. Et même en cas d'annulation ou de sursis à statuer d'une partie de l'acte, la suspension d'exécution n'est pas automatique. Cela signifie tout simplement qu'en cas d'absence d'enquête publique ou d'insuffisance de l'étude d'impact, la construction pourra tranquillement continuer dans l'attente d'une régularisation, qui ne pourra dans ce cadre qu'être de pure forme.

Et ceci s'applique à tous les actes relatifs à la réalisation de réacteurs nucléaires, y compris les projets d'intérêt général ou les modifications des actes d'urbanisme.

Une autre disposition paraît très préoccupante. En effet, la loi prévoit la possibilité d'étendre (4) l'application des mesures prévues à d'autres types de réacteurs nucléaires et à d'autres conditions d'implantation géographique que ceux mentionnés à l'article 1er I (installations existantes). Or l'article 7 quater précise qu'avant le vote de la loi prévu en application de l'article 100-1 A I du code de l'énergie, c'est-à-dire avant le 1er juillet 2023, le Gouvernement doit établir une carte et une liste des sites potentiels d'installation de petits réacteurs modulaires (PRM) d'une puissance supérieure à 150 mégawatts (MW). Mais pour ce faire, le Gouvernement doit s'appuyer « sur une consultation des collectivités territoriales et de leurs groupements volontaires ». En revanche, aucune consultation du public sous quelque forme que ce soit n'est prévue. Or, aucun de ces types de réacteurs n'a jamais été réalisé en France, on n'en connaît aucun des effets ni des risques. Les choix des sites vont donc se faire en catimini, ce qui est une violation flagrante de nos obligations communautaires et conventionnelles sur les obligations d'information à défaut de participation.

Une seule amélioration est à noter. Elle concerne l'enquête publique lors des réexamens au-delà de la 35e année (5) de fonctionnement de réacteurs nucléaires, puisqu'elle portera également sur le rapport de l'autorité de sûreté et que celle-ci devra tenir compte des conclusions de l'enquête publique dans l'analyse du rapport.

Deux nouvelles dispositions sont prévues pour permettre une prise de possession immédiate des terrains bâtis ou non bâtis dans le cadre de la procédure d'expropriation. Sans doute, dans son avis, le Conseil d'État vise-t-il le projet Iter (6) ou la loi sur les jeux olympiques. Mais ici, il s'agit d'une procédure exceptionnelle qui pourra s'appliquer à de très nombreuses occasions y compris pour les PRM. C'est donc une atteinte assez claire à la protection du droit de propriété.

Enfin, la loi renforce très sévèrement les sanctions pénales relatives à l'introduction sans autorisation  (7) dans des installations nucléaires. En revanche, elle ne touche pas aux sanctions prévues par l'article L. 596-11 du code de l'environnement en cas d'infraction commise par les exploitants d'installations nucléaires, de telle sorte qu'il est aussi grave de faire fonctionner l'installation nucléaire au mépris d'une mise en demeure que d'entrer sans autorisation dans une centrale nucléaire …

Mais ce ne sont pas que les citoyens qui sont visés par cette loi. L'environnement l'est également.

IV. Des atteintes majeures au droit de l'environnement et au principe de non-régression

Alors que de « grands » débats animent les détracteurs de l'éolien au motif de la protection des oiseaux, la nouvelle loi porte une série d'atteintes graves à la protection de la biodiversité et à l'environnement.

Tout d'abord, elle affirme dans son article 4 bis que la réalisation d'un réacteur électronucléaire est constitutive d'une raison impérative d'intérêt public majeur (RIIPM). Or, dans son avis (8) , le Conseil d'État avait précisé « qu'en ce qui concerne les réacteurs électronucléaires de type EPR 2 susceptibles d'être installés à proximité immédiate ou à l'intérieur du périmètre d'une installation nucléaire de base, la nécessité de simplifier la reconnaissance d'une raison impérative d'intérêt public majeure n'est pas avérée eue égard à la puissance prévisionnelle totale d'installation projetée (…) la nécessité de légiférer pour cette catégorie réacteur électronucléaire n'est ainsi pas démontrée ». La même position a été manifestée pour les PRM.

Sans doute l'article 4 bis permet-il de définir par décret les types de réacteurs bénéficiant de cette dérogation. Il n'en demeure pas moins que compte tenu des inconvénients massifs que représentent les centrales nucléaires, même si elles contribuent au même titre que les ENR à la lutte contre le dérèglement climatique, cette dispense peut être contestée au regard du droit communautaire.

En second lieu, les centrales nucléaires échappent en totalité à la loi littorale. Une justification apportée par le Conseil d'Etat tient à ce que les centrales existantes en bord de mer avaient été construites il y a de très longues années. Mais compte tenu de l'érosion du trait de côte et des risques de submersion, en particulier à Gravelines mais aussi au Blayais, faire échapper les nouvelles installations aux dispositions de la loi littorale est une atteinte grave aux obligations liées à l'adaptation au dérèglement climatique.

En troisième lieu, la loi exclut l'application des principes du « zéro artificialisation nette » (ZAN) aux centrales nucléaires. Il n'y a là aucune justification d'autant plus que les sites nucléaires sont très consommateurs d'espace. Les énergies renouvelables, par exemple, ne bénéficient pas du tout du même avantage.

Enfin, reste l'immense problème de l'eau. Certes, dans diverses dispositions, il est fait référence aux conséquences du changement climatique (9) , mais c'est essentiellement sur les agressions externes à prendre en considération. La loi ne comporte aucune disposition pour contraindre l'exploitant à des dispositifs d'économie d'eau et à justifier des efforts faits pour réduire ses besoins en eau et ses rejets. La situation est telle qu'EDF réclame aujourd'hui une modification générale des limites de température des rejets. Elle souhaite augmenter le niveau des autorisations au-delà des dérogations qui lui sont pourtant régulièrement accordées chaque année et qui sont très nocives voire catastrophiques pour la biodiversité.

V. Un affaiblissement des règles de sûreté

Enfin, la volonté d'accélérer et de faciliter la vie de l'industrie nucléaire aboutit à réduire de façon importante les règles de sûreté difficilement élaborées année après année. Cette cécité devant le risque d'accident nucléaire, d'autant plus important que notre parc est vieillissant, est particulièrement coupable et irresponsable quand on mesure ce que serait le coût d'un accident nucléaire en France.

On pourrait s'étonner que personne n'ait relevé qu'un certain nombre de mesures soulèvent quelques difficultés en termes de sûreté.

Tout d'abord, étendre la durée de vie des centrales au-delà de 60 ans est vraiment problématique et nous expose à un véritable risque d'accident, quelles que soient les mesures de protection prises, tout simplement en raison du vieillissement des structures.

En deuxième lieu, l'exigence d'une nouvelle autorisation suite à la fermeture de plus de deux ans d'une centrale nucléaire est supprimée. C'est une mesure dangereuse car une telle fermeture traduit un problème important, qui justifie une présomption d'arrêt définitif et donc de reprise de toute la procédure d'autorisation avant tout redémarrage. En l'espèce, non seulement cette automaticité est supprimée mais c'est, de surcroît, au Gouvernement que revient la charge de décider ou non de la mise à l'arrêt définitif. C'est donc une décision politique et non pas de sûreté qui prévaudra.

En troisième lieu, les PRM sont présentés comme si nous avions une connaissance et une expérience de ces réacteurs. Or, comme le note le Conseil d'État dans son avis (10) , on « ne dispose pas des éléments d'appréciation nécessaires, s'agissant d'une filière en émergence dont les conditions techniques et les modalités de déploiement ne peuvent être définies, et dont la contribution à la réalisation des objectifs de la programmation pluriannuelle de l'énergie ne peut être évaluée, pour apprécier la conformité de la disposition législative envisagée aux exigences conventionnelles et constitutionnelles. » Dès lors, délimiter des sites et éventuellement commencer à déclarer des projets d'intérêt général alors même qu'EDF n'a aucune expérience dans ce domaine constitue une réelle prise de risque.

Si l'on peut se réjouir de ce que l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) devienne totalement paritaire, on ne peut que s'étonner en revanche de voir disparaître les dispositions de l'article L. 592-42 du code de l'environnement, qui assuraient une forme d'inamovibilité des membres de l'ASN, précisant de manière très stricte les cas dans lesquels il pouvait être mis fin aux fonctions d'un des membres de la commission. Heureusement, du fait de la mobilisation, la fusion entre l'ASN et l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) a été abandonnée, même s'il est prévu, on peut s'en réjouir, une capacité d'augmentation du personnel de l'ASN.

En conclusion, si l'on se réfère aux précédents EPR, qu'il s'agisse de Flamanville ou d'Hinckley Point, il n'est pas du tout certain que cette loi ait en réalité quelque effectivité que ce soit. En effet, ce ne sont pas les procédures administratives qui ont rallongé le délai de construction de ces installations, mais bien l'incapacité du maître d'ouvrage de les mener à bien dans des conditions de sûreté et de sécurité idoines. Du reste, l'avis du Conseil d'État ne fait pas l'impasse sur cette réalité.

En revanche, ce qui est certain, c'est que l'industrie nucléaire a obtenu l'essentiel de ce qu'elle voulait, à savoir un droit totalement dérogatoire, bien au-delà du caractère spécifique que présentait la législation nucléaire : une réduction importante du droit de participation et de recours, une impasse sur toutes les mesures de protection de l'environnement possibles, une extension « sur le papier » de la durée de vie des réacteurs, et ce dans le but de renucléariser le mix énergétique français, sans aucune considération à l'égard de nos obligations communautaires et avec une interprétation particulièrement laxiste des conventions d'Espoo et surtout d'Aarhus.

Le projet de loi, définitivement adopté par l'Assemblée nationale, a fait l'objet d'une saisine devant le Conseil constitutionnel le 22 mai dernier par les députés écologistes et de la France insoumise. Ces derniers souhaitent l'invalidation totale du texte. À défaut pour le Conseil constitutionnel de mettre a minima des réserves d'interprétation, voire de déclarer inconstitutionnelles certaines dispositions ne serait-ce qu'en application du principe de non-régression, il est plus que probable que ce sera le juge communautaire qui, à terme, aura à se prononcer sur ce dispositif.

1. CE, avis, 27 oct. 2022, n° 405769

2. CE, avis, 27 oct. 2022, op. cit., pt. 113. V. art. 1er BA, II 4. Art. 1er, IV

5. Art. 96. Réacteur thermonucléaire expérimental international7. Modification des articles 1333-13-12 et suiv. du code de la défense

8. CE, avis, 27 oct. 2022, op. cit., pt. 239. Art. 9 bis, I10. CE, avis, 27 oct. 2022, op. cit., pt. 24

Réactions1 réaction à cet article

Un jour, il faudrait que vous donniez la parole à des personnes qui pensent que le nucléaire est indispensable dans la transition énergétique. Je vous donne quelques pistes : François-Marie Bréon, climatologue, Rodolphe Meyer, vulgarisateur (Le Réveilleur), Thomas Wagner, qui tient le blog "Bon Pote", Nicolas Goldberg, consultant en transformation des grandes entreprises, Jean-Marc Jancovici, ingénieur créateur du Shift Project...

mga | 24 mai 2023 à 08h09 Signaler un contenu inapproprié

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