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Actu-Environnement

"Si l'Etat n'affirme pas que la HVE est désormais la norme environnementale, il donne ce pouvoir au privé"

Alors que les Etats généraux de l'alimentation ont suscité de fortes attentes chez les agriculteurs et la société civile, le projet de loi adopté par l'Assemblée nationale a déçu. Le point avec le député Dominique Potier, très engagé dans ces travaux.

Interview  |  Agroécologie  |    |  S. Fabrégat
   
"Si l'Etat n'affirme pas que la HVE est désormais la norme environnementale, il donne ce pouvoir au privé"
Dominique Potier
Député PS (Meurthe-et-Moselle)
   

Actu Environnement : L'Assemblée nationale vient de terminer l'examen du projet de loi sur l'agriculture. Le texte adopté semble bien loin des attentes générées par les Etats généraux de l'alimentation…

Dominique Potier : Les Etats généraux étaient une grande idée. Le précèdent mandat a été marqué par l'engagement de la transition agro- écologique;  le plan  Ecoantibio et Ecophyto 2, les programmes alimentaires territoriaux… Il a posé des actes majeurs mais il manquait un récit sur l'agriculture et l'alimentation. Et c'est ce qui a été fait lors du discours de Rungis par le Président de la République et pendant les Etats généraux de l'alimentation (EGA) par la société civile. Les échanges ont été d'une grande qualité, une vraie réussite. L'élan a été brisé si nous mesurons l'écart entre cet esprit de concorde et d'audace et le projet de loi. Le décalage est dû aux annonces du Gouvernement trop faibles et au calendrier trop distendu. Les débats parlementaires donnaient parfois le sentiment d'être pré EGA…

AE : Vous avez présidé l'atelier 11 qui a été très riche en propositions. Or, celles-ci n'ont été ni reprises lors du bilan des EGA par le gouvernement, ni dans la rédaction du projet de loi…

DP : L'atelier 11 posait la question : comment aller de la fourche à la fourchette ? Le début des travaux était marqué par un héritage de controverses incroyable, sur les OGM, le glyphosate, le bien-être animal… Le terrain était miné. Nous avons donc opté pour un changement de paradigme pour mettre à distance ces polémiques : comment nourrir la planète en 2050 ? Il s'agissait de parler d'une seule sante - sol, végétal, animal, humaine-, de la contribution climat, et de la manière dont la valeur des produits puisse être identifiée par les citoyens.Toutes ces questions ont été abordées avec l'appui des meilleurs experts. Il n'y a pas eu de débat sur l'opportunité ou non de la transition écologique, mais sur son rythme et ses modalités.

AE : Quelles sont les propositions qui ont fait consensus ?

DP : Dans la diversité des systèmes, la polyculture élevage a été identifiée comme un modèle de référence. Le renouveau des démarches collectives comme source d'économie. Enfin, la mise en place de labels publics forts, comme la haute valeur environnementale (HVE), est essentielle pour remettre de la clarté. Nous avons dessiné une nouvelle France agricole à l'horizon 2030 avec 30% en bio, 30% en HVE (niveau 3) et 30% engagée dans des certifications environnementales. Sur 70 participants à l'atelier, il y a eu une ou deux réserves sur les 12 axes adoptés ! Et encore, l'opposition n'était pas forte. Car ils permettent la rencontre entre les marchés émergents et les questions environnementales. En allant vers ce modèle, on économise en gestion de crise et on positionne la France sur les marchés du futur.

Sur la question des phytosanitaires, il est paru essentiel de revalider les procédures d'évaluation et d'autorisation et de réinstituer les lieux où les décisions sont prises. Il faut fixer une trajectoire pour la réduction des phyto et, à l'instar du médicament, ce n'est pas au Parlement de décider du calendrier de telle ou telle molécule... Dans une démocratie moderne, l'établissement des normes est une prérogative des autorités publiques, pas du marché ni de l'opinion.  Sur ces sujets, nous sommes parvenus à l'unanimité, avec les agriculteurs, les associations environnementales : mieux vaut prévenir par un changement de système que réparer dans la polémique. On a tous gagné en intelligence lors des EGA !

AE : Le gouvernement mise sur les plans de filières, le plan d'action pesticides etc… pour amorcer les changements...

DP : Bien sûr que tout ne relève pas de la loi et les plans de filières, les projets territoriaux sont une partie de la solution. Mais, faute d'être incohérent, l'Etat doit s'engager de façon plus volontariste. Cette petite musique de dire aux agriculteurs "organisez-vous, prenez-vous en main, ça dépend de vous ", c'est faire illusion. Il faut que l'Etat affirme ses ambitions et sa volonté d'accompagner les acteurs dans la transition. Un exemple : si l'Etat n'affirme pas que la HVE est désormais la norme environnementale, il donne le pouvoir de la norme au privé. Les efforts des filières sont fragiles face aux risques d'une PAC fragilisée et de la concurrence déloyale des traités internationaux à venir...

AR : Les travaux en commission puis en plénière ont-ils permis d'enrichir le texte ?

DP : Nous avons obtenus quelques avancées, sur les contrats tripartites (entre producteurs, transformateurs et distributeurs), la définition de l'agriculture de groupe ou encore la HVE.

Deux lignes rouges nous ont malheureusement amené à prendre nos distances avec ce texte : le fonds d'indemnisation des phytovictimes et la maîtrise du foncier. Et nous regrettons cette absence de dialogue.

Sur le fond d'indemnisation des victimes des phyto, il n'est plus temps de tergiverser. Une proposition de loi visant à l'instituer a été adoptée à l'unanimité par le Sénat. Le rapport d'inspection de l'Etat sur ce sujet est sans ambiguïté sur l'ampleur des attentes... Nous avons ensuite besoin d'une grande loi pour partager et protéger le foncier. C'est une question du temps long. Les dérives actuelles sont exponentielles, elles méritent d'être corrigées par des mesures d'urgence sans même attendre la grande loi foncière espérée. Cela pose la question des communs et des enjeux alimentaires et environnementaux associés. Des milliers d'hectares sont concernés par l'accaparement chinois ou non et la massification de l'agriculture déléguée. Ce phénomène d'agrandissement mène à l'appauvrissement collectif. Nous avons fait le choix inverse, celui d'une renaissance rurale.

Réactions3 réactions à cet article

Dominique Potier soulève de vrais problèmes, mais leurs complexité n'est pas appréhendée par la majorité des députés.
Remettre en cause 70 ans de politique agricole, de main mise de la FNSEA, de domination de l'agrochimie et de l'agroalimentaire est un travail énorme.
Ne lâchez rien Monsieur le député. Il y a urgence et en même temps c'est un travail de longue haleine.

La Métamorphose | 12 juin 2018 à 10h30 Signaler un contenu inapproprié

Quel est donc le grain de sable qui s'insère entre les EGA et le débat d'assemblée? C'est cela, le vrai cancer de la démocratie!
Pour une fois qu'elle était bien En marche!
On avance tout de même u peu? A voir les textes déficits votés.
Bonne chance à l'agriculture!

Uncinulanecator | 13 juin 2018 à 10h27 Signaler un contenu inapproprié

Comment s'étonner ensuite que la société civile fasse de moins en moins confiance à sa représentation nationale ?!
Il y a urgence à ce que le législateur se préoccupe d'encadrer strictement le lobbying de groupes de pression qui défendent des intérêts catégoriels et/ou industriels s'opposant à l'intérêt général. C'est une mesure de salubrité publique.

Pégase | 13 juin 2018 à 14h23 Signaler un contenu inapproprié

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