La loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, publiée cet été, crée un nouveau régime de protection des alignements d'arbres qui bordent les routes. Les dispositions organisant cette protection, supprimées par les députés en mars, ont été réintroduites par les sénateurs en mai et sont désormais inscrites dans le code de l'environnement. Un sort bien plus enviable que celles visant à protéger les chemins ruraux torpillées par le Conseil constitutionnel, malgré leur objectif commun de préserver les continuités écologiques.
Les plantations d'alignement du réseau routier de la Haute-Garonne représentent près de 67.000 arbres, constitués à 90% de platanes, répartis sur près de 1.000 kilomètres. Soucieux de préserver ce patrimoine, le conseil départemental s'est engagé depuis une vingtaine d'années dans une démarche de surveillance et d'entretien phytosanitaire de ces arbres. Pour cela, il a mis en œuvre des procédures à l'attention de toutes les personnes en charge de leur entretien : instruction des demandes d'abattages, guide de bonnes pratiques d'élagage, lutte contre la maladie du chancre coloré du platane, etc.
Parmi les lauréats du concours figurent également la commune de Beaurecueil (Bouches-du-Rhône) pour son projet de restauration d'une allée de mûriers et l'association de Sauvegarde du patrimoine de Joué-du-Plain (Orne) pour son projet de renouvellement d'une allée d'arbres.
"Patrimoine culturel et source d'aménités"
Selon le texte voté, les allées et alignements d'arbres qui bordent les voies de communication constituent "un patrimoine culturel et une source d'aménités, en plus de leur rôle pour la protection de la biodiversité" et, à ce titre, "font l'objet d'une protection spécifique".
La loi interdit de porter atteinte aux arbres constitutifs d'un alignement sauf si leur état présente un danger pour la sécurité des personnes et des biens, pour la santé des autres arbres, ou "lorsque l'esthétique de la composition ne peut plus être assurée et que la préservation de la biodiversité peut être obtenue par d'autres mesures". La protection n'est donc pas absolue d'autant que le texte prévoit également la possibilité de dérogations "pour les besoins de projets de construction".
Le fait de porter atteinte aux arbres composant un tel alignement doit donner lieu à des mesures compensatoires locales, y compris en cas d'autorisation ou de dérogation, prévoit également la loi. Cette compensation comprend un volet en nature, c'est-à-dire des plantations, et un volet financier destiné à assurer leur entretien.
D'autres dispositifs de protection
Au cours de la discussion, des parlementaires avaient fait part de leur crainte d'une sanctuarisation des allées d'arbres empêchant tous travaux. Ces dispositions visent simplement à donner à ces alignements un régime de protection, a expliqué Mme Blandin, ce qui "n'empêche pas de les abattre en cas de problèmes de sécurité, de problèmes sanitaires ou de maladies pouvant contaminer les arbres voisins", a-t-elle rappelé. En tout état de cause, "on ne peut pas sanctuariser un arbre, qui est un être vivant", réagit l'ingénieur Chantal Pradines.
Une autre critique portait sur le fait que de nombreux dispositifs de protection existaient déjà par ailleurs. "Les documents d'urbanisme peuvent déjà les protéger de tout arrachage, au travers des espaces boisés classés ou des éléments de paysage, ou encore de la trame verte et bleue, qui identifie, via les schémas régionaux de cohérence écologique, les continuités écologiques. Des dispositions peuvent aussi être prises par les préfets pour les protéger", avait expliqué le rapporteur du projet de loi au Sénat, Jérôme Bignon.
Des arguments partagés par la secrétaire d'Etat à la biodiversité, Barbara Pompili, qui s'en était toutefois remise à la sagesse du Sénat en se disant "évidemment favorable, par principe, à la protection de ces alignements".
"Hors de la directive paysagère des Alpilles, les allées françaises ne bénéficient pas d'un régime de protection généralisé", avait au contraire expliqué Marie-Christine Blandin. La protection comme monuments historiques ou comme sites classés n'est plus utilisée, la protection dans les PLU n'est pas adaptée aux arbres des routes départementales, et ces régimes de protection ne répondent pas aux préconisations énoncées par le Conseil de l'Europe, avait fait valoir avec succès la sénatrice écologiste.
"La France était l'un des rares pays européens à ne pas avoir un régime de protection adapté aux alignements d'arbres", confirme Chantal Pradines, qui se félicite de cette avancée.