Une étude publiée par l'Observatoire de l'immobilier durable cible dix mesures phares de la loi Climat d'août 2021 et leurs impacts sur les métiers de l'immobilier. Des dispositions similaires existent en Europe, dont certaines moins exigeantes.
Promulguée le 24 août 2021, la loi Climat et résilience comporte plusieurs dispositions sur le secteur de l'immobilier dont celles relatives à la sobriété foncière pour les promoteurs et les aménageurs. Elle s'attaque aussi aux logements anciens les plus énergivores pour responsabiliser les propriétaires. L'Observatoire de l'immobilier durable (OID) a identifié les dix mesures phares de la loi qui impactent les acteurs du secteur. Chacune des mesures fait l'objet de comparaison avec des exemples d'application similaires en Europe, selon son étude dévoilée, fin mars dernier. Elle a été réalisée en partenariat avec les étudiants du Master 2 DDMEG (Développement durable management environnemental et géomatique) de l'université Paris-I Panthéon-Sorbonne.
Rénovation des passoires thermiques
Cinq mesures concernent le titre « se loger » de la loi. Parmi elles, figure l'éradication des logements passoires thermiques d'ici à 2028 qui s'appuie sur le diagnostic de performance énergétique (DPE) (réformé en juillet 2021). Ainsi, à partir de 2023, il sera interdit d'augmenter le loyer des logements des classes F et G du DPE. En 2025, les logements classés G ne pourront plus être loués, puis, en 2028, ceux classés F, et, en 2034, ceux classés E, car ils seront considérés comme des logements indécents. Le locataire pourra exiger de son propriétaire qu'il effectue des travaux de rénovation.
Une mesure similaire est déjà appliquée au Royaume-Uni sous le nom de « decent homes standard ». « Son contenu est un peu moins exigeant que la mesure française car seuls les logements sociaux sont concernés en Angleterre et les échéances ne sont pas rigoureusement chiffrées comme on peut l'avoir en France. Cette mesure se contente d'identifier seulement les fournitures nécessaires pour qu'un logement soit considéré comme décent », précise Allan Bellali, l'un des étudiants, auteur de l'étude.
Lutte contre l'artificialisation des sols
La loi Climat inscrit également l'objectif zéro artificialisation nette à l'horizon 2050, avec un objectif intermédiaire de – 50 % d'ici à 2030. Cette mesure, en vigueur depuis le 25 août 2021, interdit la construction de nouveaux centres commerciaux de plus de 10 000 m2, sur des sols naturels. Les zones d'urbanisation de plus de 5 000 habitants devront respecter une part minimale de surfaces non imperméabilisées ou écoaménageables. Des mesures de compensation sont également prévues et seront prioritairement mises en œuvre au sein de zones de renaturation.
Une mesure semblable est notamment appliquée en Allemagne dans le cadre de la loi fédérale relative à la protection de la biodiversité et à la construction. Mais « elle est, encore une fois, moins exigeante qu'en France et a seulement pour but d'encadrer les nouveaux projets d'artificialisation des sols ainsi que de mettre en place des stratégies de compensation de perte de biodiversité, mais avec des spécificités selon les régions (Länder) concernées », explique l'étudiant.
Diagnostic des déchets du bâtiment
Décarboner les bâtiments en Europe
Dans une étude publiée le 21 avril, l'OID propose un tour d'horizon des stratégies de décarbonation applicables au secteur du bâtiment mises en place dans neuf pays d'Europe : France, Angleterre, Allemagne, Italie, Espagne, Belgique, Luxembourg, Pays-Bas et Danemark. Engager la transition énergétique vers des sources d'énergie moins carbonées, s'atteler à faire progresser la performance énergétique des bâtiments neufs ou restructurés, ou permettre la bascule du parc existant en soutenant la rénovation des bâtiments. Tels sont les leviers de décarbonation recensés par l'OID selon des modalités différentes en Europe.
Autre mesure de la loi française : la nouvelle obligation de traiter un maximum de déchets provenant de travaux de déconstruction ou de rénovation. Le maître d'ouvrage est tenu de
réaliser un diagnostic relatif à la gestion des produits, matériaux et déchets issus des travaux significatifs. Il fournit les informations relatives à leur réemploi ou, à défaut, à leur valorisation, en indiquant les filières de recyclage recommandées. Afin d'en garantir l'impartialité, le diagnostic doit être réalisé par un organisme indépendant. Cette obligation est entrée en vigueur depuis le 25 août 2021.
« Cette mesure trouve un écho en Suède. La Fédération suédoise de la construction publie depuis 2007 et met à jour un guide contraignant pour réaliser ce type de diagnostic », ajoute Camille Billot, étudiante et auteure de l'étude. Elle recommande aux acteurs concernés de s'aider de ce guide européen en attendant la publication du décret qui précisera l'obligation française.
Des toitures plus utiles
Par ailleurs, la loi prévoit l'obligation d'équiper des toitures en installations de production d'énergies renouvelables (EnR) ou par des systèmes de végétalisation. Sont concernées les constructions ou les rénovations lourdes des bâtiments à usage commercial, industriel ou artisanal de plus de 500 m2. Idem pour les bâtiments à usage de bureaux de plus de 1 000 m2 et pour les parkings extérieurs de plus de 500 m2. Cette obligation est portée à au moins 30 à 50 % de leur surface. Elle entrera en vigueur à partir du 1er juillet 2023. « En Suisse, la municipalité de Bâle impose déjà, depuis 2006, que tout nouveau bâtiment à toit plat soit végétalisé », cite par exemple l'étudiante.
Délit d'écocide
Enfin, les auteurs de l'étude mettent en avant le délit d'écocide créé par la loi Climat. Une mesure qui pourrait sanctionner les promoteurs et les aménageurs, en cas d'atteintes les plus graves commises intentionnellement à l'environnement. « Depuis le 25 août 2021, le fait de polluer intentionnellement les eaux superficielles souterraines ou d'abandonner des déchets entraînant des nuisances graves et durables à la santé, la flore ou la faune, est considéré comme un écocide. La peine encourue peut atteindre jusqu'à dix ans d'emprisonnement et 4,5 millions d'euros d'amende au minimum. Le montant de l'amende peut être porté jusqu'au décuple de l'avantage tiré de l'infraction », indique Allan Bellali. Cette mesure n'a pour l'instant pas fait l'objet de poursuites. De son côté, « la Belgique souhaite déposer un amendement à la Cour pénale internationale (CPI) pour réviser le statut de Rome et ajouter les atteintes graves à l'environnement aux crimes de génocide, crimes contre l'humanité, crimes de guerre et crimes d'agression », souligne-t-il.
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Note Télécharger l'étude de l'OID : les dix mesures phares de la loi Climat et résilience Plus d'infosArticle publié le 25 avril 2022