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Loi relative à l'accélération des énergies renouvelables et artificialisation des sols : inévitable rencontre

La loi relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables (EnR) est au cœur de la réflexion autour de l'articulation de leur développement et de la réduction de la consommation d'espaces naturels, agricoles ou forestiers.

DROIT  |  Étude  |  Energie  |  
Droit de l'Environnement N°321
Cet article a été publié dans Droit de l'Environnement N°321
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Loi relative à l'accélération des énergies renouvelables et artificialisation des sols : inévitable rencontre
Grégory Gutierrez
Avocat associé, DS Avocats
   

Discuté en commission mixte paritaire (CMP) le 24 janvier dernier et adopté en dernière lecture par l'Assemblée nationale et le Sénat, ce texte n'est évidemment pas sans rapport avec les objectifs de la loi « Climat et Résilience », dont il est l'un des prolongements, notamment au sujet de l'artificialisation des sols.

Il faut bien admettre que la politique de lutte contre l'artificialisation des sols s'inscrit dans une transversalité nécessaire, de telle sorte que d'autres textes dans le futur visant à « accélérer » ou du moins favoriser le développement d'activités industrielles, fussent-elles vertueuses, devront passer l'épreuve de ce mouvement normatif visant à limiter la consommation des sols.

L'article 191 de la loi Climat et Résilience distingue notamment deux catégories d'objectifs de lutte contre l'artificialisation : un objectif national d'absence de toute artificialisation nette des sols en 2050 et un objectif intermédiaire de réduction du rythme de la consommation d'espaces naturels, agricoles et forestiers de 2021 à 2031.

En cela, la place des installations de production d'énergie photovoltaïque au sol et leur comptabilisation dans l'artificialisation des sols sont des questions récurrentes.

Au plan du droit européen, le règlement du Conseil du 22 décembre 2022 établissant un cadre en vue d'accélérer le déploiement des énergies renouvelables, dont la durée de validité est limitée à dix-huit mois, prévoit des règles temporaires d'urgence visant à accélérer la procédure d'octroi de permis applicables à la production d'énergie à partir de sources d'énergies renouvelables. Il confère à ces installations une présomption d'intérêt public supérieur et d'intérêt de la santé et de la sécurité publiques lors de la mise en balance des intérêts juridiques dans chaque cas (article 3). En résonnance avec ce texte, la loi EnR insère un nouvel article L. 211-2-1 du code de l'énergie conférant le caractère de raison impérative d'intérêt public majeur (RIIPM) au sens du c du 4° du I de l'article L. 411-2 du code de l'environnement aux projets d'installations de production d'énergies renouvelables au sens de l'article L. 211-1 du code de l'énergie, dès lors qu'ils satisfont aux conditions définies par décret en Conseil d'État : la conciliation des objectifs de protection des espèces et de développement des énergies renouvelables s'effectuera donc dans ce nouveau cadre. Ce décret sera donc l'un des textes les plus attendus sachant que le législateur en fixe d'ores et déjà les orientations : seront pris en compte le type de source d'énergie renouvelable, la puissance prévisionnelle totale de l'installation projetée et la contribution globale attendue au regard de la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) dont la prochaine mise à jour est annoncée après l'adoption, par le législateur français, de la loi de programmation d'ici à l'été 2023 – puis tous les cinq ans – en principe. Bien qu'il ne s'agisse pas de la seule condition requise par la législation sur les espèces protégées pour obtenir une dérogation, on peut saluer l'effort du législateur à propos d'une des conditions juridiques les plus difficiles à remplir jusqu'à présent pour les porteurs de projets d'EnR en l'état de la jurisprudence.

Dans le même esprit, l'article 9 de la loi EnR introduit un nouvel article L. 121-12-1 du code de l'urbanisme. Cette nouvelle disposition prévoit une dérogation à l'article L. 121-8 pour les ouvrages nécessaires à la production d'énergie solaire photovoltaïque ou thermique qui peuvent être autorisés sur des friches telles que définies à l'article L. 111-26. Cette dérogation intervient donc en faveur du réemploi des friches dans une logique d'utilisation durable des sols.

Cette dérogation à la loi Littoral pour permettre la réalisation du projet d'énergie solaire photovoltaïque ou thermique n'intervient qu'à condition « que le projet ne soit pas de nature à porter atteinte à l'environnement, notamment à la biodiversité ou aux paysages et à la salubrité ou à la sécurité publiques, en fonctionnement normal comme en cas d'incident ou d'accident ». De tels projets sont donc envisageables dans certaines friches littorales, dont « la liste (…) est fixée par décret, après concertation avec le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres ». Ce n'est donc pas une ouverture totale.

Un autre garde-fou est prévu : « l'autorisation est accordée par l'autorité administrative compétente de l'État, après avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites ». Le pétitionnaire doit, quant à lui, « justifier que le projet d'installation photovoltaïque ou thermique est préférable, pour des motifs d'intérêt général, à un projet de renaturation lorsque celui-ci est techniquement réalisable ».

Le texte permet également de déroger à la loi Montagne pour implanter des installations photovoltaïques sur des terrains dégradés : « II. Dans les communes qui ne sont pas couvertes par un schéma de cohérence territoriale comportant une étude mentionnée au I du présent article, la carte communale peut comporter une étude, établie dans les conditions mentionnées au premier alinéa du même I, relative à la réalisation d'ouvrages de production d'énergie solaire photovoltaïque ou thermique installés sur le sol en discontinuité de l'urbanisation existante. La carte communale délimite alors les secteurs où les constructions sont autorisées dans le respect des conclusions de cette étude » (article 10 de la loi EnR).

Le titre II modifie le code de l'urbanisme par l'introduction d'une section 9 « Installations de production d'énergie photovoltaïque sur des terrains agricoles, naturels et forestiers ». Une sous-section 2 envisage les installations compatibles avec l'exercice d'une activité agricole. Un nouvel article L. 111-28 du code de l'urbanisme témoigne de l'effort d'encadrement de l'utilisation des sols par le législateur. L'élaboration d'un document-cadre est prévue afin d'identifier les surfaces agricoles et forestières ouvertes à un projet d'installation mentionné au présent article et à l'article L. 111-29 du code de l'urbanisme ainsi que les conditions d'implantation de ces surfaces.

La procédure d'adoption est très encadrée, de telle sorte qu'il ne sera pas possible d'implanter des projets de centrales solaires au sol en dehors du périmètre ainsi défini dans ce document. Édicté par arrêté préfectoral, le document-cadre définissant les surfaces correspondantes sera pris après consultation de la commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers, des organisations professionnelles intéressées et des collectivités territoriales concernées sur proposition de la chambre départementale d'agriculture pour le département concerné. Un délai maximal de six mois est fixé entre la proposition de document-cadre et la publication de l'arrêté. Seuls peuvent être identifiés, au sein de ces surfaces, des sols réputés incultes ou inexploités depuis une durée minimale – fixée par décret en Conseil d'État – antérieure à la publication de la présente loi en cours de discussion.

Le nouvel article L. 111-29 du code de l'urbanisme indique que les futures installations de production d'énergie photovoltaïque « n'affectent pas durablement les fonctions écologiques du sol, en particulier ses fonctions biologiques, hydriques et climatiques ainsi que son potentiel agronomique, et que l'installation ne soit pas incompatible avec l'exercice d'une activité agricole, pastorale ou forestière sur le terrain mentionné au même article L. 111-28 sur lequel elle est implantée ».

Le législateur, tout en reprenant les termes de la définition de l'artificialisation énoncée à l'article L. 101-2-1 alinéa 2 du code de l'urbanisme, adopte donc une logique de compatibilité des enjeux d'accroissement des EnR et de lutte contre l'artificialisation des sols.

Cette logique est en adéquation avec l'objectif « d'utilisation économe des sols » énoncé depuis déjà plus de vingt ans par la loi Solidarité et Renouvellement Urbain (dite « SRU ») du 13 décembre 2000.

L'ensemble de ces dispositions tend donc à rendre effectif l'objectif plus global qui reste inchangé : rattraper le retard important de la France en matière d'EnR, qui ne représentent que 19,3% de la consommation finale brute d'énergie du pays… mais quand y parviendra-t-on ?

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