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Loi ENR : adoption d'un cadre législatif pour le développement de l'agrivoltaïsme

La loi relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables (ENR), adoptée le 7 février 2023 par le Parlement, instaure pour la première fois un cadre légal à l'agrivoltaïsme.

DROIT  |  Commentaire  |  Energie  |  
Droit de l'Environnement N°320
Cet article a été publié dans Droit de l'Environnement N°320
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Loi ENR : adoption d'un cadre législatif pour le développement de l'agrivoltaïsme
Magalie Dejoux
Avocate, De Gaulle Fleurance
   

Une définition de l'agrivoltaïsme au service de la production agricole

Le nouvel article L. 314-36 du code de l'énergie prévoit qu'une installation agrivoltaïque doit répondre aux conditions cumulatives suivantes :

-     contribuer durablement à l'installation, au maintien ou au développement d'une production agricole ;

-     apporter directement à la parcelle agricole au moins l'un des services suivants : l'amélioration du potentiel et de l'impact agronomiques, l'adaptation au changement climatique, la protection contre les aléas, l'amélioration du bien-être animal ;

-     garantir une production agricole significative et un revenu durable à l'exploitant agricole ;

-     la production agricole doit être l'activité principale de la parcelle agricole et l'installation agrivoltaïque doit avoir un caractère réversible.

La définition ainsi adoptée répond à l'objectif de développement de l'agrivoltaïsme tout en assurant un équilibre nécessaire entre les enjeux liés à l'indépendance alimentaire et à l'indépendance énergétique.

Ainsi, l'agrivoltaïsme permettra de maintenir et de développer durablement une production agricole mais également de faciliter l'installation de jeunes agriculteurs en leur apportant un revenu complémentaire et durable.

Les installations agrivoltaïques apporteront également un service direct à la production agricole, ce qui nécessitera une adaptation de la conception technique des centrales photovoltaïques pour permettre aux cultures de bénéficier d'un ensoleillement suffisant ou de les protéger en cas d'intempéries. Un service pourra également être rendu aux animaux par la mise en place d'équipements spécifiques afin de favoriser leur bien-être (équipements de grattage pour soulager les démangeaisons et se débarrasser des parasites, abri en cas de forte chaleur, etc.).

Il appartient donc aux développeurs de projets agrivoltaïques ainsi qu'aux bureaux d'étude de prendre en compte les spécificités de l'agrivoltaïsme lors de la conception technique de leurs projets.

La mise en application de la définition posera inévitablement des questions pratiques et il reviendra au pouvoir réglementaire d'apporter certaines précisions dans le cadre du décret en Conseil d'État à venir, notamment s'agissant de l'appréciation des services apportés à la production agricole ainsi que la méthodologie définissant la production agricole significative et le revenu durable issu de cette production.

Un cadre strict pour l'implantation d'installations photovoltaïques « non agrivoltaïques » sur des surfaces agricoles

La loi ENR introduit une distinction entre :

-     les installations considérées comme « nécessaires » à l'activité agricole (les installations agrivoltaïques) ; et

-     les installations seulement « compatibles » avec l'exercice d'une activité agricole (les autres installations solaires).

Pour ces dernières, la loi ENR prévoit un cadre plus strict, dans la mesure où ces autres installations solaires pourront être implantées uniquement sur des terres incultes ou non exploitées depuis une durée fixée par décret identifiée dans un document-cadre (le texte initial prévoyait une durée de dix ans). Un arrêté préfectoral établira, sur proposition de la chambre départementale d'agriculture, un document-cadre dans chaque département concerné.

Ainsi, en dehors des surfaces identifiées dans ces documents-cadres, il ne sera pas possible d'implanter des installations photovoltaïques sur des terres agricoles à l'exception des installations agrivoltaïques répondant aux conditions du nouvel article L. 314-36 du code de l'énergie. La loi ENR fixe donc désormais un cadre juridique plus précis mais également plus contraignant pour les développeurs.

La nécessité d'un avis conforme de la Commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF)

Les installations agrivoltaïques seront autorisées après avis conforme de la CDPENAF. Cet avis vaut pour toutes les procédures administratives nécessaires aux projets d'installations agrivoltaïques au sens de l'article L. 314-36 du code de l'énergie.

Il résulte des travaux parlementaires que l'avis préalable de la CDPENAF a pour objectif de garantir que de faux projets d'agrivoltaïsme ne puissent être développés. Toutefois, la nécessité d'un tel avis conforme peut constituer un frein au développement de l'agrivoltaïsme. En revanche, les autres installations solaires implantées sur les surfaces du document-cadre feront uniquement l'objet d'un avis simple de la CDPENAF.

La possibilité pour les exploitants agricoles de bénéficier des aides de la Politique agricole commune (PAC)

La loi ENR introduit un nouvel article L. 314-39 au sein du code de l'énergie prévoyant que la présence d'installations agrivoltaïques, au sens de l'article L. 314-36, sur des surfaces agricoles ne fait pas obstacle à l'éligibilité de ces surfaces aux aides de la PAC.

Cette nouvelle disposition était très attendue par les développeurs et les agriculteurs car jusqu'à présent, l'installation de panneaux solaires sur des terres agricoles faisait perdre à l'exploitant agricole l'admissibilité des parcelles aux aides de la PAC, ce qui constituait un véritable frein au développement des projets agrivoltaïques.

Des questions en suspens

Plusieurs questions devraient rapidement se poser sur la mise en œuvre des projets agrivoltaïques, notamment sur l'implication de l'agriculteur dans le financement du projet. En effet, d'après certains acteurs du secteur (énergéticiens, agriculteurs…), il pourrait être intéressant que l'agriculteur soit au cœur du projet agrivoltaïque en permettant à ce dernier d'investir directement dans la société porteuse du projet et ainsi permettre un partage de la valeur générée par l'installation.

La question du montant du loyer versé au propriétaire du foncier par le développeur devrait également se poser. À cet égard, certains acteurs du secteur seraient favorables à un encadrement des loyers afin d'éviter toute spéculation foncière qui nuirait à la profession agricole.

Par ailleurs, la création d'un modèle de « bail agrivoltaïque » comportant des clauses spécifiques encadrant la mise à disposition du foncier et les conditions d'exploitation pourrait permettre de sécuriser les acteurs concernés.

En effet, en l'état actuel du droit, il est généralement prévu la conclusion des contrats suivants :

o un bail rural ou prêt à usage visant à mettre le terrain à disposition de l'exploitant agricole ;

o un bail emphytéotique visant à mettre le terrain à disposition du développeur ;

o une convention relative à l'exploitation de l'installation agrivoltaïque visant à encadrer la cohabitation entre l'exploitation agricole et l'installation photovoltaïque.

Toutefois, ce schéma contractuel repose sur des modèles de contrats préexistants mais pas nécessairement adaptés à l'agrivoltaïsme. La création d'un modèle de contrat ad hoc pourrait permettre à l'ensemble des acteurs de bénéficier d'un encadrement spécifiquement prévu pour l'agrivoltaïsme.

À défaut d'adoption d'un tel contrat, il conviendrait de préciser dans la convention relative à l'exploitation de l'installation agrivoltaïque (à conclure entre l'exploitant agricole, le bailleur et le développeur), les droits et obligations des différents acteurs amenés à cohabiter ainsi que les conditions dans lesquelles des modifications portant sur la nature ou les modalités de la production agricole pourraient intervenir afin d'offrir un cadre stable et sécurisant, indispensable pour assurer le financement de ces projets.

La loi ENR vient donc apporter des précisions essentielles pour assurer un développement durable de l'agrivoltaïsme, tout en préservant l'autonomie alimentaire de notre pays.

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