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Loi ENR : l'éolien en mer facilité

La loi sur l'accélération de la production d'énergies renouvelables du 10 mars 2023 apporte des innovations en matière d'éolien en mer.

DROIT  |  Commentaire  |  Energie  |  
Droit de l'Environnement N°321
Cet article a été publié dans Droit de l'Environnement N°321
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Loi ENR : l'éolien en mer facilité
Béatrice Boisnier
Docteur en droit, juriste, De Gaulle Fleurance
   

La programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) est ambitieuse sur le développement de l'éolien en mer en prévoyant une capacité installée de 5,2 à 6,2 gigawatts (GW) à l'horizon 2028. Cet objectif est cohérent avec le potentiel technique exploitable des façades maritimes qui fait de la France le premier gisement (1) de vent pour l'éolien en mer de l'Union européenne. Pour autant, l'exploitation de ce potentiel technique peut être mis à mal par les contraintes juridiques qui encadrent le développement de l'éolien. La loi relative à l'accélération des énergies renouvelables (la loi) du 10 mars 2023, tente de remédier à ces contraintes en prévoyant diverses mesures pour faciliter le développement des projets industriels.

I. La création d'une cartographie des zones maritimes et terrestres prioritaires

L'article 56 de la loi ENR met en place une « cartographie des zones maritimes et terrestres prioritaires » pour l'implantation d'éoliennes, incluse dans le document stratégique de chaque façade maritime. Cette cartographie, qui pourra être révisée en dehors des périodes de révision du document stratégique, devra définir des « zones prioritaires pour le développement de l'éolien en mer à l'horizon 2050 » de manière à atteindre les objectifs de la PPE.

Sur le plan théorique, la création de zones prioritaires est la bienvenue. Sur le plan pratique, l'élaboration de ces zones prioritaires va mettre en présence des intérêts divergents. Rappelons que l'article L. 219-5-1 du code de l'environnement dispose que la planification de l'espace maritime « est un processus par lequel l'État analyse et organise les activités humaines en mer, dans une perspective écologique, économique et sociale ».

D'un point de vue social, au regard des difficultés en termes d'acceptabilité limitée que connaît la filière éolienne, y compris maritime, l'intérêt social voudrait que les zones prioritaires soient implantées le plus loin possible des côtes pour réduire l'impact visuel des éoliennes. Autrement dit, l'implantation idéale se situerait en zone économique exclusive (ZEE) (2) , ce qui justifie que la loi prévoit que pour « l'élaboration de la cartographie (…) sont ciblées en priorité des zones prioritaires situées dans la zone économique exclusive ». Cet intérêt social peut se mêler à l'intérêt économique de l'État qui percevra la taxe annuelle sur les installations de production d'électricité prévue par l'article 1379 du code général des impôts uniquement si les installations sont implantées en ZEE.

L'intérêt financier des communes littorales d'où sont visibles les installations, ainsi que celui des comités de la pêche maritime et des élevages marins tels que visés par l'article 1519 C du code général des impôts sera quant à lui tout autre : cet article dispose que ces bénéficiaires percevront la taxe annuelle sur les installations de production d'électricité uniquement si les installations sont implantées dans les eaux intérieures ou la mer territoriale, c'est-à-dire à une distance moindre qu'en ZEE.

Or, l'enjeu fiscal n'est pas négligeable dans la mesure où cette taxe est calculée annuellement et en fonction du nombre de mégawatts (MW) installées pour chaque éolienne. À titre d'exemple, pour le parc de Saint Nazaire composé de 80 éoliennes de 6 MW, la taxe annuelle approche les 9 millions d'euros.

II. La protection de la biodiversité

À ce point s'ajoute la difficile appréhension de « l'objectif de préservation et de reconquête de la biodiversité » qui doit être pris en compte lors de l'établissement des zones prioritaires pour le développement de l'éolien en mer. Il est évident que la planification « ne peut se faire en silo sans une juste prise en compte (3) de la protection des milieux marins ». Pour autant, cet objectif de préservation et de reconquête est une notion relativement large, voire floue, notamment si l'on souligne l'usage du terme « reconquête » qui laisse supposer un renvoi à la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité. Ce renvoi peut alors être louable dans le sens où il permet de donner des indications sur les objectifs à prendre en compte, et de cautionner l'application de la méthode ERC, à savoir « Éviter, Réduire, Compenser » qui autorise les pertes de biodiversité dès lors que des mesures compensatoires sont prévues. Pour autant, pour certains, la référence à l'objectif de préservation et de reconquête ne semble pas suffire (4) , l'article 12 (article 56 en réalité) en ce qu'il prévoit une accélération du déploiement des parcs éoliens en mer serait alors contraire à l'article 5 de la Charte constitutionnelle de l'environnement, portant sur le principe de précaution. Le Conseil constitutionnel a pourtant refusé cette interprétation en considérant que les dispositions « contestées n'ont ni pour objet ni pour effet de déterminer les règles d'implantation des éoliennes ou d'en autoriser l'implantation. Le grief tiré de la méconnaissance du principe de précaution ne peut donc qu'être écarté ».

En conclusion, l'établissement de ces cartographies ne semble en rien aisé. Il devra pourtant être au cœur de l'attention des collectivités locales, des pêcheurs et des riverains de façades maritimes puisque le projet de loi impose la publication des cartographies « en 2024 » d'une part, et que les procédures de mise en concurrence prévues à l'article L. 311-10 doivent cibler « en priorité des zones prioritaires situées dans la zone économique exclusive » d'autre part.

III. Des mesures de simplification : les études et les autorisations

Les articles 58, 59, et 61 de la loi introduisent des mesures de simplification du droit pour les porteurs de projet à deux égards.

Tout d'abord, l'article 58 impose à l'État la réalisation des « études techniques et environnementales nécessaires à l'élaboration des projets par les candidats et à la réalisation de l'étude d'impact ». Ces études devraient permettre aux porteurs de projet de connaître les caractéristiques géophysiques, géotechniques et métocéaniques des zones d'implantation des futurs parcs éoliens qui font l'objet d'une mise en concurrence, ce qui constitue un préalable indispensable à l'émission de toute offre commerciale.

Afin de faciliter ces études, l'article 59 prévoit ensuite une exemption de la redevance annuelle due à l'OFB (5) pour les activités qui permettent la réalisation desdites études techniques et environnementales pour le compte de l'État ou du gestionnaire de réseau de transport.

Enfin, les articles 59 et 61 du projet de loi simplifient les démarches administratives nécessaires à l'obtention des autorisations, déclarations et autres titres nécessaires à la construction, l'exploitation, l'utilisation et le démantèlement des installations de productions créant notamment un régime d'autorisation unique. Facteur de « réduction de risques pour les porteurs de projet », de « meilleure efficacité et performance administratif » et de « meilleure lisibilité des procédures », sont autant d'arguments (6) qui justifient la création de cette autorisation unique dans un domaine où les autorisations à terre et celles spécifiques aux projets en mer se cumulent. Cette dernière devrait ainsi regrouper :

- l'autorisation environnementale sur le domaine public maritime et la partie terrestre ;

- l'arrêté approuvant la concession d'utilisation du domaine public maritime ;

- l'autorisation unique et l'agrément pour l'implantation et l'occupation des ouvrages en ZEE.

IV. Un régime juridique propre aux installations et ouvrages flottants

L'article 30 de l'ordonnance du 8 décembre 2016 assimilait les éoliennes flottantes à des navires, avec pour conséquence de les soumettre à des lois et règlements en pratique inapplicables puisque les éoliennes, bien que flottantes, sont reliées électriquement à la terre « ce qui est incompatible avec la définition du navire (7)  ».  La loi supprime donc cet article 30 pour le remplacer par un régime spécifique relatif aux « statut et à la sécurité des îles artificielles, des installations et des ouvrages flottants dans les espaces maritimes ». Ces nouvelles règles imposent notamment des obligations (8) en termes de sécurité maritime, de sûreté de l'exploitation et de prévention de la pollution qui devront être fixées par voie réglementaire. Il conviendra donc d'être attentif au(x) décret(s) d'application qui imposera(ront) le respect de ces obligations aux porteurs de projets, et/ou exploitant des installations et ouvrages flottants, d'autant que des contrôles pourront être effectués pour veiller au respect desdites obligations.

Si l'on ajoute l'adaptation du droit du travail pour le personnel travaillant sur les projets industriels éolien en mer et à terre (article 64), et la volonté d'adapter les ports au développement des énergies renouvelables en mer (article 65 qui a été déclaré inconstitutionnel pour défaut de portée normative, ce qui n'enlève toutefois rien à la volonté de l'État) – cette loi revêt donc un caractère central pour le développement de l'éolien en mer en France qui pourrait enfin prendre le large.

1. MTE, site internet eoliennesenmer.fr2. La ZEE est définie par l'article 60 de la Convention de Montego Bay. Elle se situe au-delà de la mer territoriale et jusqu'à 200 miles (370 km) de la ligne de base.3. Exposé sommaire de l'amendement au projet de loi n° 443 n° CE1353 déposé le 23 novembre 20224. Saisine du Conseil constitutionnel par les députés du groupe les républicains et des députés non-inscrits de l'Assemblée nationale sur la loi d'accélération de la production d'énergies renouvelables5. Telle que prévue par l'article 27 de l'ordonnance n° 2016-1687 du 8 décembre 2016 au Journal officiel du 9 décembre 20166. Exposé sommaire de l'amendement au projet de loi n° 443 n° CE1361 déposé le 23 novembre 20227. Étude d'impact, Projet de loi relatif à l'accélération de la production des énergies renouvelables, 23 sept. 2022, p. 1348. L'identification de l'intérêt de ces domaines d'obligations est cohérente au regard du rapport de juin 2021, page 24, du Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD), de l'Inspection générale des affaires maritimes (Igam) et de l'Inspection générale des finances (IGF), intitulé « Éoliennes en mer en zone économique exclusive (statut juridique et fiscal) ».

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