L'Assemblée nationale a adopté (1) ce vendredi 1er décembre en nouvelle lecture le projet de loi de Nicolas Hulot visant à mettre fin à la production d'hydrocarbures sur le territoire national d'ici 2040. Cette adoption fait suite au détricotage du texte par le Sénat et à l'échec de la commission mixte paritaire qui s'en est suivie.
L'enjeu de la discussion a surtout tourné autour d'une disposition controversée portant sur l'interdiction des hydrocarbures non conventionnels. Les députés ont adopté un amendement (2) présenté par le rapporteur LREM Jean-Charles Colas-Roy qui, selon le Gouvernement et les députés de la majorité, vise à améliorer la rédaction de l'interdiction des techniques non conventionnelles.
Une sécurisation de l'interdiction ou sa violation ?
Le député LREM Matthieu Orphelin, proche du ministre de la Transition écologique, se félicite de l'adoption de cette nouvelle définition qui permet de "sécuriser l'interdiction des méthodes non conventionnelles".
Mais le son de cloche est totalement différent du côté de certaines ONG dont les arguments ont été vainement relayés dans l'hémicycle par des députés de l'opposition de gauche. "Cet amendement très technique masque surtout un choix politique, le fait que l'exploration et l'exploitation des gaz de couche pourront continuer", alerte Juliette Renaud des Amis de la Terre. Avec cet amendement, le Gouvernement et Nicolas Hulot "valident donc l'exploration et l'exploitation d'hydrocarbures non conventionnels", réagit Maximes Combes d'Attac qui juge cette disposition "inacceptable".
"Le lobbying de la spéculatrice Française de l'énergie a bien marché, au détriment du climat, de l'environnement et des populations", s'indigne la chargée de campagne sur les industries extractives des Amis de la Terre.
"Aucune justification scientifique"
Les deux ONG, associées au collectif du Pays Fertois "Non au pétrole de schiste", 350.org et Apel 57, avaient adressé la veille un courrier aux députés pour les interpeller sur le risque de voter une telle disposition. Les signataires y rappelaient que les gaz de couche étaient les seuls hydrocarbures non conventionnels qui faisaient actuellement l'objet de forages exploratoires. La Française de l'énergie détient en effet plusieurs permis d'exploration en Lorraine.
Cette exception "n'a aucune justification scientifique", estiment les associations, s'agissant d'hydrocarbures non conventionnels dont l'exploitation présente des risques "même plus importants [NDLR : que le gaz de schiste], en termes de contamination des nappes phréatiques (…) et de fuites de méthane".
Elle pourrait en revanche avoir une explication financière liée aux risques de compensation susceptible d'être réclamée par la Française de l'énergie. Si une telle compensation était demandée, elle ne serait "a priori pas exorbitante" selon les associations pour lesquelles tous les forages réalisés par la société "n'ont pas permis de prouver la possibilité d'extraire ces gaz de couche sans recours à la fracturation hydraulique".
Le gaz de couche traité comme le conventionnel
Pourquoi le Gouvernement et le groupe LREM ne reconnaissent-ils pas publiquement le choix de protéger les intérêts industriels en Lorraine ?, demandaient les ONG. Sur ce point, l'exécutif aura au moins répondu à leurs attentes. Avec cet amendement, réagit Maxime Combes, le Gouvernement et Nicolas Hulot reconnaissent souhaiter que "l'exploitation du gaz de couche se poursuive en Lorraine et dans le Nord de la France".
"Le Gouvernement a souhaité que le gaz de couche soit traité comme le conventionnel, c'est-à-dire que les permis existants pourront se poursuivre avec une technique conventionnelle mais ne pourront avoir recours à la fracturation", a clarifié Nicolas Hulot devant le représentation nationale. Un plaidoyer dont Delphine Batho a reconnu la bonne foi mais qui n'apporte pas toutes les garanties pour l'avenir selon l'ancienne ministre de l'Environnement, dont un amendement proposant une rédaction jugée plus sûre a été repoussé.
Le texte de loi doit maintenant faire un dernier détour au Sénat avant d'être adopté définitivement par l'Assemblée nationale le 19 décembre.