C'est une loi chère à Nicolas Hulot qui a voulu en faire un texte exemplaire pour le reste du monde. La loi visant à mettre fin progressivement à la production d'énergies fossiles sur le territoire national d'ici 2040 a été votée définitivement par l'Assemblée nationale ce mardi 19 décembre.
"Production résiduelle d'hydrocarbures"
Quels sont les reproches formulés à l'encontre de ce texte ? "Ce projet de loi n'aura d'autre effet que de mettre fin au produire en France, en dégradant la balance commerciale et le bilan carbone au prétexte d'envoyer un improbable signal au monde", a dénoncé la sénatrice LR Elisabeth Lamure, auteure de la question préalable ayant conduit la chambre haute à rejeter le texte. La majorité sénatoriale avait voulu défendre "une vision pragmatique et ambitieuse", estimant que l'atteinte des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre ne pouvait se faire par l'interdiction d'une production résiduelle d'hydrocarbures (équivalant à moins de 1% de la consommation nationale) mais par une action immédiate sur la consommation. Ce en quoi elle rejoignait une critique formulée par plusieurs ONG en pointe dans la discussion du projet de loi.
Mais la chambre haute avait traduit cette approche "pragmatique" par l'octroi de très nombreuses dérogations, en faveur des hydrocarbures à usage non énergétique, des productions connexes, de la recherche, de l'outre-mer, ainsi que par la préservation des droits sur les permis en cours d'instruction et du droit de suite.
Même si ces différents assouplissements ne figurent plus dans le texte, les ONG pointent les faiblesses de la loi finalement adoptée. "Comprenant trop d'exemptions (gaz de Lacq, gaz de couche, possibilité de prolonger les concessions sur motifs purement économiques, etc.) et pas assez d'ambition (droit de suite insuffisamment encadré, date de 2040 "non étanche", refus de s'attaquer aux droits acquis des industriels et aux importations des hydrocarbures, etc.), ce projet de loi (…) est donc loin d'être la loi exemplaire et historique initialement annoncée", s'indigne Maxime Combes d'Attac France.
"Un texte pas que symbolique"
Pour d'autres, le vote de cette loi constitue une réelle avancée. Et en premier lieu pour celui qui a porté le texte. "Il n'est pas que symbolique", a défendu Nicolas Hulot devant le Sénat. "Il fallait envoyer un signal de cohérence", a ajouté le ministre dont l'objectif était de mettre en cohérence la politique nationale de gestion des hydrocarbures avec l'Accord de Paris et l'objectif de neutralité carbone à horizon 2050 affiché dans le plan climat présenté en juillet dernier.
L'avocat Arnaud Gossement, auteur en 2011 d'un rapport sur la réforme du code minier, estime aussi que "la copie votée est une bonne copie". Le juriste, interrogé par France Info, juge le texte assez clair. D'une part, parce qu'il permet selon lui une consolidation de l'interdiction de la fracturation hydraulique en raison d'une inversion de la charge de la preuve. Ce sera en effet aux exploitants de prouver qu'ils ne font pas appel à cette technique, explique-t-il. Et, d'autre part, parce qu'elle permet selon lui une vraie sortie de la production d'hydrocarbures en 2040.
"Ce texte n'est pas l'alpha et l'omega de la transition climatique et énergétique, il faudra aller plus loin", a toutefois convenu Nicolas Hulot. "En même temps nous devons réduire notre consommation d'hydrocarbures, nos importations, développer les énergies renouvelables", a-t-il précisé.
Pour Arnaud Gossement, ce texte constitue malgré tout une loi "fondatrice parce qu'elle prépare une réforme plus importante qui est celle du code minier". Une réforme qui pourrait toutefois encore se faire attendre. "J'aurais aimé vous convaincre que le Gouvernement n'est en rien opposé à la recherche et à la connaissance de notre sous-sol, comme nous le verrons en principe l'an prochain à propos du Code minier", a déclaré Nicolas Hulot devant le Sénat. Un "en principe" qui laisse à penser que cette refonte n'est pas forcément la priorité de l'exécutif pour 2018.