Robots
Cookies

Préférences Cookies

Nous utilisons des cookies sur notre site. Certains sont essentiels, d'autres nous aident à améliorer le service rendu.
En savoir plus  ›
Actu-Environnement

Lanceurs d'alerte : la nouvelle loi devrait contribuer à combattre les atteintes à l'environnement

L'accord trouvé en commission mixte paritaire ouvre la voie à l'adoption d'une nouvelle loi sur la protection des lanceurs d'alerte. Ce texte devrait permettre de mieux protéger ceux qui signalent des dysfonctionnements portant atteinte à l'environnement.

Gouvernance  |    |  L. Radisson
Lanceurs d'alerte : la nouvelle loi devrait contribuer à combattre les atteintes à l'environnement

Les alertes environnementales seront-elles plus faciles à lancer à l'avenir ? Sans doute, grâce à la loi (1) que le Parlement s'apprête à adopter après l'accord trouvé en commission mixte paritaire, mardi 1er février. « C'est un excellent texte, nous avons la meilleure loi sur la protection des lanceurs d'alerte en Europe ! » s'est félicité Sylvain Waserman (Modem – Bas-Rhin), auteur de la proposition de loi déposée en juillet 2021 et cosignée par de nombreux députés de la majorité.

Son ambition était de « construire un environnement clair et protecteur pour les lanceurs d'alerte ». Et, accessoirement, de transposer en droit national la directive européenne de 2019 sur la protection des personnes qui signalent les violations du droit de l'UE. Une transposition à laquelle les États membres devaient procéder avant le 17 décembre… 2021. Le retard risquait de faire un peu tâche, au moment même où la France prenait la présidence du Conseil de l'UE.

Garde-fou démocratique et citoyen

« Chaque citoyen qui veut lancer une alerte peut techniquement le faire. La question qui se pose, au-delà de l'impact du signalement, porte (…) sur les conséquences auxquelles ils s'exposent en lançant l'alerte et donc sur la protection que nous devons leur apporter », expliquent les auteurs de la proposition de loi. Ces personnes, ajoutent-ils, représentent « un garde-fou démocratique et citoyen dans nos États de droit, notamment sur des enjeux majeurs, comme la lutte contre la corruption, les atteintes à l'environnement ou les questions de libertés individuelles ».

Plusieurs affaires donnent l'illustration de ce rôle de garde-fou en matière d'environnement. C'est le cas dans le domaine des pollutions industrielles avec, par exemple, un ancien cadre de la centrale nucléaire du Tricastin (Drôme) qui a révélé une politique de dissimulation des incidents par la direction, d'un sous-traitant d'Arcelor Mittal qui avait dénoncé un déversement d'acide et de déchets non traités sur son site de Florange (Moselle), l'affaire des bébés sans bras, des cancers pédiatriques ou, plus récemment, concernant le dysfonctionnement de masques anti-amiante. Ce peut être aussi le cas dans le domaine des procédures de consultation du public, comme l'a montrée la radiation du commissaire enquêteur Gabriel Ullmann pour avoir rendu trop d'avis défavorables sur les projets dont il avait organisé les enquêtes publiques. Mais le problème est encore plus sensible en matière de pollutions liées à l'agriculture intensive. Qu'il s'agisse de Valérie Murat, condamnée à des dommages-intérêts record pour avoir publié une étude indépendante révélant la présence de résidus de pesticides dans des vins certifiés « haute valeur environnementale » dans le Bordelais, des journalistes Inès Léraud et Morgan Large qui dénoncent les effets de l'industrialisation de l'agriculture bretonne au prix de menaces et d'intimidations, ou encore des militants de l'association L214 qui fustigent les mauvaises pratiques dans les élevages intensifs.

La protection des lanceurs d'alerte ne va pourtant pas de soi. En témoignent les travaux de la mission d'information de l'Assemblée nationale sur « les moyens de juguler les entraves et obstructions opposées à l'exercice de certaines activités légales ». « Nous assistons depuis quelques années à une multiplication d'actions d'entrave à des activités agricoles, cynégétiques, d'abattage ou de commerce de produits d'origine animale », déplore le député LR Xavier Breton dans le rapport (2) issu des travaux de cette mission, publié en janvier 2021. Parmi les recommandations formulées : une meilleure réponse pénale ou encore la mise en place d'une véritable stratégie par les services de renseignements afin « d'anticiper les velléités de passage à l'acte de mouvements animalistes ». Avant ces travaux parlementaires, la mise en place de la cellule Demeter de suivi des atteintes au monde agricole n'était pas là pour faciliter le travail des lanceurs d'alerte. Si sa mission visant à prévenir les infractions pénales apparaît tout à fait légale, la justice administrative vient d'enjoindre le ministre de l'Intérieur de mettre fin à ses activités qui visent à la prévention et au suivi des « actions de nature idéologique ».

Offrir un statut de facilitateur aux associations

Que va apporter le nouveau texte de loi ? Il précise, en premier lieu, la définition du lanceur d'alerte contenue dans la loi Sapin II, ainsi que la nature des informations qui peuvent être divulguées. Cette loi, « qui a marqué un tournant dans la protection des lanceurs d'alerte », selon Sylvain Waserman, devait toutefois être renforcée et tirer les conséquences de l'évolution du droit et des travaux européens en la matière. Un rapport d'information (3) parlementaire de juillet 2021 avait d'ailleurs identifié plusieurs améliorations possibles. Ce texte n'était pourtant pas le premier, puisque le Parlement français avait adopté, en avril 2013, une proposition de loi écologiste, qui avait notamment créé la Commission nationale de déontologie et des alertes en matière de santé publique et d'environnement (CnDAspe).

“ Une des nouveautés de la loi, c'est de pouvoir offrir un statut de facilitateur aux associations ” Blandine Sillard, Maison des lanceurs d'alerte
La nouvelle loi ambitionne d'améliorer la protection des personnes physiques et morales liées au lanceur d'alerte. « Sur les alertes environnementales, il n'est pas rare qu'une association soit impliquée. Une des nouveautés de la loi, c'est de pouvoir offrir un statut de facilitateur aux associations », explique Blandine Sillard, chargée du développement à la Maison des lanceurs d'alerte, qui, avec une coalition de 36 associations et syndicats, a œuvré à l'adoption de ce texte.

La responsable associative se félicite également que la réduction du champ d'application de la loi, un tant envisagée par les sénateurs, n'ait pas été retenue. « Le fait d'enlever de la définition les menaces et préjudices graves pour l'intérêt général et de restreindre l'alerte au champ professionnel auraient exclu plusieurs alertes environnementales, car celles-ci sont souvent lancées par des riverains, qui constatent des pollutions, ou par des militants associatifs », explique-t-elle.

Toute une série de mesures vise ensuite à protéger le lanceur d'alerte lui-même : conditions de divulgation de son identité, protection contre les représailles et les procédures bâillons. « Le principe des poursuites bâillons, c'est que ça prend du temps, de l'argent, et que ça démoralise les lanceurs d'alerte. Et si l'entreprise ne gagne pas son procès, ce n'est pas grave pour elle. Le problème pour Valérie Murat, c'est, qu'en plus, ça a marché et qu'elle est condamnée. C'est comme une double peine », s'indigne Mme Sillard.

Sanctions augmentées

Le texte contient également des dispositions qui visent spécifiquement les lanceurs d'alerte en milieu professionnel, et leur protection, y compris les agents publics. Il leur permet de s'adresser directement à une autorité externe à leur entreprise et de faciliter la divulgation publique d'informations. Actuellement, « des entreprises font signer des clauses de confidentialité à des lanceurs d'alerte pour éviter que les faits soient divulgués contre une plus ou moins grosse enveloppe », témoigne Mme Sillard.

La nouvelle loi augmente les sanctions infligées aux entreprises qui tentent d'étouffer les alertes, se félicite-t-elle. « C'est un progrès, même si on était favorable à des sanctions encore plus dissuasives. On doute en effet que le montant soit réellement dissuasif pour les plus grosses entreprises », nuance la représentante associative.

Reste aux deux chambres à valider le texte de compromis trouvé en commission mixte paritaire. La Maison des lanceurs d'alerte salue, en tout état de cause, « un signal fort donné en faveur de la vigilance citoyenne ». Mais la coalition d'associations et de syndicats qu'elle a réunie se dit vigilante quant aux suites données à ce texte. « Nous continuerons à porter à l'avenir des revendications novatrices, notamment celle d'un fonds de soutien financier qui serait un dispositif inédit en Europe et dans le monde », préviennent les organisations.

1. Télécharger la proposition de loi issue de la commission mixte paritaire
https://www.actu-environnement.com/gestion/gestion_news/previsualisation/1643908407-15b4398-proposition-loi.pdf
2. Télécharger le rapport
https://www.actu-environnement.com/gestion/gestion_news/previsualisation/1643908407-15b3810-rapport-information1.pdf
3. Télécharger le rapport d'information
https://www.actu-environnement.com/gestion/gestion_news/previsualisation/1643908407-15b4325-rapport-information2.pdf

Réactions2 réactions à cet article

Il est en effet plus que temps que notre pays sorte de cette tendance dangereuse, observée depuis quelques temps, à la criminalisation des ambulanciers et à l'impunité des pyromanes. Mais beaucoup de chemin reste encore parcourir pour rétablir un semblant d'équilibre entre les forces.

Pégase | 04 février 2022 à 10h04 Signaler un contenu inapproprié

Cette protection des lanceurs d'alerte est absolument nécessaire, tant les entreprises, ou certains élus, se permettent d'outrepasser les lois. Les infractions sont de plus en plus nombreuses, certains corrupteurs ou pollueurs opèrent même quasiment au grand jour , et personne , à part quelques citoyens courageux, ne se lève pour les arrêter. D'ailleurs il est très alarmant qu'une société en soit réduite à compter sur de simples citoyens pour dénoncer des malversations que les préfectures ou la police devraient surveiller et sanctionner, et qu'elle soit obligée de voter des lois pour les protéger...cela en dit long sur la déliquescence dans laquelle notre pays est tombé.

gaïa94 | 20 février 2022 à 01h07 Signaler un contenu inapproprié

Réagissez ou posez une question au journaliste Laurent Radisson

Les réactions aux articles sont réservées aux lecteurs :
- titulaires d'un abonnement (Abonnez-vous)
- inscrits à la newsletter (Inscrivez-vous)
1500 caractères maximum
Je veux retrouver mon mot de passe
Tous les champs sont obligatoires

Partager

Green Save Planet, faciliter la rénovation énergétique des foyers précaires AXDIS PRO