Après une phase d'élaboration des recommandations caractérisée par les ambitions divergentes des membres du Conseil national de la transition énergétique (CNTE), le ministère de l'Ecologie a finalement tranché. Il a présenté mardi 10 décembre à la commission spécialisée du CNTE, les principales orientations retenues pour la construction de la future loi de programmation sur la transition énergétique.
Ce document de travail pose un premier socle et réaffirme les objectifs de long terme de la transition énergétique : la réduction des émissions de gaz à effet de serre par un facteur 4, la diminution de 50% de la consommation d'énergie à l'horizon 2050, la volonté d'abaisser de 30% la consommation de combustible fossile à l'horizon 2030 ainsi que la diversification du mix électrique à travers le développement des énergies renouvelables. Malgré les fortes oppositions qui sont ressorties lors des débats, la réduction de la part du nucléaire à 50% à l'horizon 2025 a été également maintenue.
En revanche, pas de trace de l'objectif de – 40% d'émissions de gaz à effet de serre à l'horizon 2030, au niveau Européen annoncé lors du discours d'ouverture de la conférence environnementale du Président de la République.
Création d'un Conseil d'orientation de la transition énergétique et climatique
Pour ce qui concerne la boîte à outil du projet, le Gouvernement souhaite élaborer des "budgets carbone" : ces derniers fixeront les limites d'émissions pour la France. Conçus sur trois périodes de cinq ans consécutives, ils devront intégrer les enjeux de compétitivité et de croissance de l'économie ainsi que la "stratégie de développement bas carbone" (qui se substituera à l'actuel plan climat).
Nouvelle pierre à l'édifice, le Conseil d'orientation de la transition énergétique et climatique sera saisi pour avis sur ces outils ainsi que sur la programmation pluriannuelle énergétique.
A propos de la question de la territorialisation de la transition énergétique, le projet présenté se limite à une esquisse de réponse. "Il est envisagé des évolutions des Schéma régional climat air énergie (SRCAE) et des Plans Climat Energie Territorial (PCET) avec une articulation national – local, une simplification, ainsi que la modernisation de la gouvernance de la distribution électrique, sans remise en cause de la péréquation", indique le document.
Des outils de financement trop peu développés
Coté financement, le projet prévoit qu'une partie des recettes de la hausse progressive de la fiscalité du carbone alimente la transition énergétique. Le document confirme également une des annonces du Premier ministre lors de la conférence environnementale : mobiliser une partie des gains financiers perçus sur le parc nucléaire à cet objectif. Un mécanisme de tiers-financement sera également mis en place.
Autre piste qui mériterait d'être explicitée : "La gouvernance et le pilotage de la contribution au service public de l'électricité (CSPE) seront réformés pour un meilleur contrôle des engagements et des charges, et une meilleure efficacité de la dépense publique, avance le document, les différents financements et mécanismes de soutien énergétiques et climatiques (la CSPE) seront rendus plus lisibles, plus efficaces au regard des objectifs fixés, et réorientés pour contribuer davantage au développement des filières et des emplois".
Enfin la Caisse des Dépôts devrait initier un fonds national de garantie de la rénovation thermique. "Les acteurs obligés au titre des certificats d'économie d'énergie pourront s'acquitter d'une partie de leurs obligations en abondant ce fonds", précise le document.
Parmi les premières associations à réagir, la Fondation Nicolas Hulot (FNH) regrette que les outils de financement soient "trop peu développés" et insuffisants, selon elle.
L'association salue notamment la possibilité d'un dispositif de soutien aux ménages en situation de précarité ainsi que l'introduction d'une obligation de travaux de rénovation énergétique lors de moments importants de la vie du bâtiment (réfection de toiture, ravalement).
Zoom sur la mobilité électrique et hybride
Concernant les transports, un "projet de loi précisera les objectifs en matière de développement de la mobilité électrique et hybrides, et des dispositions visant à favoriser des moyens de transport bas-carbone, hybrides, les infrastructures de recharge qui leurs sont nécessaires et les biocarburants avancé", note le document.
"Rien sur le soutien aux nouveaux services de mobilité et d'organisation du travail, le lancement d'un programme 2 personnes par véhicule, l'étude de l'impact d'une baisse des vitesses, un nouveau plan d'action pour le fret… Autant de sujets consensuels dans le débat et pourtant absents", déplore FNH.
Concernant les énergies renouvelables, le document annonce des aménagements concernant l'organisation du renouvellement des concessions hydroélectriques, du cadre législatif des installations de production d'énergie renouvelable en mer sans apporter de réelles précisions.
De la même manière "la question de l'auto-consommation/auto-production, pourrait nécessiter des aménagements législatifs, au moins pour créer un cadre potentiel. Une meilleure efficacité de ces soutiens sera un des objectifs de la loi", indique le document.
Sur ce sujet, FNH met en avant "une rédaction trop centrée sur l'électricité et aucune mention du développement de la chaleur renouvelable (notamment biomasse, méthanisation) pourtant si essentielle pour atteindre les objectifs, le débat recommandait par exemple de renforcer l'accès au fonds chaleur".
Le calendrier prévoit qu'après la remise de l'avis du CNTE, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) et le Conseil d'État seront saisis du projet de texte. "La loi sera présentée au printemps, discutée durant l'été et devra être conclue d'ici la fin de l'année 2014", assure dans un communiqué le Gouvernement.