Adoptée définitivement par le Sénat, mercredi 9 février, la loi 3DS compte parmi ses nombreux thèmes la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations (Gemapi). Cette compétence, désormais obligatoire, a été attribuée, depuis 2018, au bloc communal par la loi Maptam. Elle couvre plusieurs missions : l'aménagement d'un bassin hydrographique, l'entretien et l'aménagement des cours d'eau, canaux, lacs ou plans d'eau, la défense contre les inondations et contre la mer, mais également la protection et la restauration des écosystèmes aquatiques et des zones humides ainsi que des ripisylves, ces formations boisées présentes sur les rives de cours d'eau.
Pour permettre leur financement, un outil a été créé : les communautés urbaines, de communes, d'agglomération ou métropole (EPCI à fiscalité propre) peuvent, en effet, lever la taxe Gemapi. Non obligatoire et plafonnée à un équivalent de 40 euros par habitant et par an, elle est affectée exclusivement au financement de la Gemapi. Les collectivités territoriales ont également la possibilité de s'appuyer sur des syndicats mixtes pour l'exercice de ces missions : les établissements publics territoriaux de bassin (EPTB), pour les actions de coordination, et les établissements publics d'aménagement et de gestion de l'eau (Epage), pour les initiatives opérationnelles. Dans ce cas, elles reversent les contributions aux syndicats.
Mais, sur le terrain, la mise en œuvre de cette compétence rencontre toujours des difficultés, notamment liées aux moyens financiers. « Dans un contexte de bouleversement climatique, où les incidents tendent à se multiplier, il est urgent de donner aux territoires les moyens de protéger nos concitoyens, a ainsi interpellé Maryse Carrère, sénatrice du groupe du Rassemblement démocratique et social européen (RDSE) des Hautes-Pyrénées, à l'occasion des débats parlementaires sur la loi 3DS. Aujourd'hui, le montant de 40 euros par habitant est parfois insuffisant. »
Une expérimentation pour le financement de la Gemapi
La loi 3DS ouvre une nouvelle possibilité concernant le financement : les EPTB pourront désormais passer par une contribution fiscalisée assise sur le produit de l'impôt qui – point non négligeable – n'est pas plafonnée à 40 euros.
Selon le cabinet, un cumul de la taxe Gemapi et de la contribution fiscalisée de l'EPTB semble acquis dans deux cas. Première option : l'EPCI-FP adhère au syndicat pour une partie seulement de ses compétences gemapiennes (au moins une partie de l'item 5) avec maintien, au moins en partie, de la contribution syndicale. Seconde possibilité : l'EPCI-FP est uniquement en lien de délégation par convention avec l'EPTB pour l'item 5 (il exerce certaines compétences lui-même ou via d'autres syndicats).
« Plus complexe est, en revanche, la situation où l'EPTB exerce aussi de la "Gema". Il est probable alors que ces autres actions demeurent financées par la contribution de l'EPCI, qui lèvera alors, s'il le souhaite, toujours la taxe pour financer ces actions, mais les délibérations des différents acteurs devront être précises, complète Éric Landot. Par ailleurs, il est possible que le produit de la taxe doive être révisé pour prendre en compte l'existence de la contribution fiscalisée. »
Cette expérimentation sera possible pour une durée de cinq ans. Au plus tard six mois avant la fin de cette période, la loi prévoit que le gouvernement remet au Parlement un rapport d'évaluation de l'expérimentation en vue d'une éventuelle généralisation.
« Maintenant, ceux qui ont des problèmes de crues et d'inondations auront vraiment intérêt à avoir donné une bonne partie de la compétence à un EPTB », estime l'avocat. Cette évolution demandera peut-être une communication supplémentaire auprès des citoyens.
« Seule la taxe Gemapi est plafonnée (à 40 euros par habitant) et la contribution fiscalisée pourra permettre de mobiliser une ressource fiscale supplémentaire. Ce n'est pas absurde, car le coût de la mise en œuvre de la Gemapi a été largement sous-dimensionné, confirme, quant à lui, Régis Taisne, chef du département cycle de l'eau de la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR). Mais il va falloir faire preuve de pédagogie. Car sur sa feuille d'imposition, le contribuable aura deux colonnes pour la protection contre les inondations, une pour l'EPCI à fiscalité propre, l'autre pour l'EPTB. »
Un syndicat mixte pourra être Epage, EPTB ou les deux
Autre souplesse apportée par la loi 3DS : un positionnement EPTB et Epage sera possible pour un même syndicat mixte, pour des portions différentes de territoire. « Des syndicats sont à cheval sur plusieurs bassins ou fractions de bassin de cours d'eau. Sur certaines parties, ils peuvent prétendre être EPTB et, sur d'autres, Epage. Jusqu'à présent, la loi prévoyait qu'un syndicat mixte était Epage ou EPTB, mais pas les deux », souligne Régis Taisne.
La loi 3DS revient également sur les participations des membres d'un syndicat mixte pour l'investissement dans des grands projets. « Les règles de subvention publique aux collectivités imposent que la collectivité maître d'ouvrage finance au moins 20 % de l'investissement sur ses fonds propres, rappelle Régis Taisne. Pour les syndicats mixtes qui n'ont pas de fiscalité propre, cela posait question. La loi clarifie les choses et indique que les concours financiers versés par les membres d'un syndicat mixte entrent dans le calcul des 20 % minimum de fonds propre. » Ainsi, pour un EPTB avec quatre membres qui a un projet de programmes d'action de prévention des inondations (Papi) par exemple, les contributions versées par chaque EPCI à fiscalité propre sont à considérer comme des fonds propres du syndicat. « Cela va permettre de dépasser des interprétations qui pouvaient être un peu bloquantes », estime la FNCCR.