« Une croissance de l'accidentologie qui se poursuit. » Tel est le constat réalisé par le bureau d'analyse des risques et pollutions industriels (Barpi) du ministère de la Transition écologique et solidaire dans son dernier inventaire des accidents technologiques (1) publié le 10 septembre 2019. L'année 2018 a en effet été marquée par 1 112 accidents ou incidents, contre 978 en 2017, et 827 en 2016. Soit une augmentation de 34 % en deux ans. Curieusement, ces chiffres ne correspondent pas à ceux communiqués par le même ministère en mars dernier : ils montraient au contraire une légère baisse du nombre d'accidents.
« L'accidentologie des établissements Seveso contribue significativement à cette évolution », révèle le Barpi. Une information qui revêt toute son importance après l'incendie, survenu le 26 septembre à Rouen, dans l'usine Lubrizol classée « Seveso seuil haut ». Les établissements Seveso sont au nombre de 1 312 sur le territoire national, dont 705 classés « seuil haut » en raison des quantités de substances dangereuses qu'ils mettent en œuvre. Alors que ces établissements représentaient 15 % des accidents en 2016, ils en constituent 25 % en 2018. La répartition géographique des accidents est corrélée avec la densité des sites Seveso. Les départements les plus accidentogènes en 2018 sont en effet les Bouches-du-Rhône, le Rhône et la Seine-Maritime.
Insuffisances dans le contrôle des établissements
Avant le nouvel accident de Lubrizol, le ministère avait identifié des insuffisances dans le contrôle des établissements Seveso, par définition les plus dangereux. Dans la feuille de route de l'inspection pour 2019, formalisée dans une instruction du 4 décembre 2018, François de Rugy, alors ministre de la Transition écologique, demandait aux préfets « un contrôle accru de certaines mesures de maîtrise des risques ». Il mettait l'accent sur l'entretien des barrières de sécurité et sur les mesures de maîtrise des risques ressortant comme étant les plus critiques selon les études de dangers (EDD). L'instruction demandait aussi de contrôler le suivi des équipements sous pression (ESP) sur les sites ne disposant pas de services d'inspection reconnus. Après l'accident du 26 septembre, Élisabeth Borne a adressé une nouvelle instruction aux préfets en vue de rappeler aux exploitant leur « pleine responsabilité » sur la conformité de leurs installations au regard des engagements pris dans leur EDD, laissant entendre l'existence d'écarts importants.
Or le projet de loi de finances pour 2020 prévoit une baisse des effectifs de 797 dans les services du ministère de la Transition écologique et solidaire. Dans une lettre ouverte à Élisabeth Borne en date du 10 octobre, le Syndicat national de l'environnement (SNE-FSU) dénonce une baisse continue des effectifs des services dédiés au programme risque, même si la ministre a assuré que les inspecteurs des installations classées ne seraient pas concernés. Le syndicat dénonce aussi une « préfectoralisation » des décisions et le mouvement de simplification des procédures. Un double mouvement qui semble avoir fait primer les enjeux économiques sur la protection des riverains et de l'environnement.