Le lait et les produits laitiers de cinq départements (1) touchés par l'incendie de l'usine Lubrizol (2) à Rouen (Seine-Maritime) devraient être bientôt à nouveau commercialisés : la Direction générale de l'alimentation (DGAL) a demandé aux préfets de lever les mesures de restriction en vigueur sur ces denrées, ainsi que sur l'accès des animaux au pâturage. « Un avis de l'Anses est attendu dans les prochains jours pour les autres productions, indique dans un communiqué le ministère de l'Agriculture. Dans l'attente, les mesures de restriction pour le miel, les œufs, les poissons et les végétaux sont maintenues ».
Le 25 septembre dernier, un incendie se déclarait dans l'établissement classé Seveso seuil haut Lubrizol. Les retombées des panaches des fumées ainsi que les produits brûlés avaient conduit à une mise sous consigne du lait, des œufs, du miel et des poissons d'élevage, ainsi que de l'ensemble des productions végétales destinées à l'alimentation humaine ou animale des communes concernées. En parallèle, des vérifications des niveaux de contaminations dans ces productions agricoles ont été engagées. La DGAL a axé ces premières analyses sur une recherche de dioxines et furanes, les polychlorobiphényles (PCB), les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) et des éléments « traces métalliques » (notamment cadmium, plomb, mercure).
Elle a communiqué le résultat des prélèvements réalisés entre le 29 septembre et le 7 octobre à l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses). L'objectif ? Arbitrer sur une éventuelle levée des mesures d'interdiction de la collecte du lait.
Un avis sur un contrôle de conformité
« Ce premier niveau d'analyse des résultats montre que les concentrations en dioxines, furanes, et PCB détectés dans les prélèvements de productions de lait de la région impactée par le panache n'excèdent pas les teneurs maximales règlementaires », constate-t-elle.
Les HAP ne sont pas réglementés mais l'Anses estime négligeable le risque de transfert vers le lait. De la même manière, parmi les éléments traces métalliques, seul le plomb est encadré. « L'avis relatif à la hiérarchisation des dangers chimiques en alimentation animale (4) avait estimé comme notable le transfert du cadmium vers le lait, faible pour le mercure, et négligeable pour le plomb », note l'Anses.
Elle souligne néanmoins que les prélèvements réalisés par la DGAL présentent des valeurs inférieures à celles qui ont pu être mesurées lors de précédents accidents industriels ou des pollutions chroniques importantes.
Des incertitudes à prendre en compte
Vérifier l'accumulation potentielle des polluants
Une surveillance renforcée de la zone doit être mise en œuvre pour estimer l'accumulation potentielle au long cours de polluants dans les denrées animales et végétales. « Durant cette phase, il sera proposé de vérifier si les rejets de contaminants (en en précisant davantage la nature) peuvent avoir un impact sur les concentrations dans les denrées alimentaires d'origine animale (DAOA) et dans les denrées alimentaires d'origine végétale (DAOV), et peuvent induire un risque pour le consommateur », précise l'Anses.
Pour la suite des analyses, l'Agence préconise également de prendre en compte le décalage avec lequel la contamination est transmise dans le lait.
« Les prélèvements effectués couvrent une période entre J+3 et J+11 après passage de la contamination potentielle, concentrée dans le temps, qui semble inférieure au délai nécessaire pour qu'une contamination environnementale atteigne son maximum de transfert vers le lait, explique-t-elle. Dans le cas d'une exposition continue, par exemple via des surfaces fourragères contaminées, ce maximum pourrait être atteint entre 30 et 45 jours après le début de la contamination ».
Elle note également une méconnaissance de la variabilité spatiale de la dispersion de la pollution.
Un dispositif renforcé de surveillance est préconisé
Pour accompagner la levée des restrictions sur le lait, l'Anses préconise la mise en place d'un dispositif de surveillance renforcée. Celui-ci devra permettre une détection précoce pour qu'une augmentation des teneurs soit identifié avant de dépasser les taux maximums définis par la réglementation. Elle souligne également la nécessité d'éliminer (6) correctement les produits « qui ont fait l'objet de mesures de restriction ».
« Le plan de surveillance va être réorienté tel que proposé par l'Anses, afin d'assurer désormais une surveillance au long cours, venant compléter les plans de surveillance et de contrôle d'ores et déjà existant au niveau national, a assuré dans un communiqué le ministère de l'Agriculture. Cette surveillance permettra de vérifier si ces résultats favorables se maintiennent dans le temps. »