Par un jugement (1) du 23 juillet 2021, le tribunal administratif de Rouen a condamné l'État à indemniser un maraîcher situé sur la commune de Morgny-la-Pommeraie (Seine-Maritime) suite à l'incendie des installations de Lubrizol et Normandie-Logistique le 26 septembre 2019.
L'agriculteur, qui avait débuté son activité au printemps 2019, avait subi un préjudice du fait des mesures de restriction de mise sur le marché de produits agricoles prises par le ministère de l'Agriculture dans les communes impactées par le panache de fumée de l'incendie en raison d'une suspicion de contamination liée aux retombées polluantes. La commercialisation des productions agricoles avait été suspendue entre le 26 septembre et le 18 octobre. Une suspension qui avait concerné 3 000 agriculteurs. Le préfet avait repoussé une demande indemnitaire du maraîcher et l'avait invité à adresser une demande au Fonds national agricole de mutualisation du risque sanitaire et environnemental (FMSE). Le recours à ce fonds avait résulté d'une convention d'indemnisation signée, le 25 novembre 2019, entre son président et celui de Lubrizol. Le montant de 50 millions d'euros d'indemnisation avait été avancé avant d'être démenti par l'industriel.
Pour se défendre devant le tribunal suite au recours de l'agriculteur contre sa décision de refus, le préfet avait fait valoir le défaut de mise en œuvre des obligations déclaratives de l'exploitant auprès du fonds et sa situation irrégulière à la date du sinistre. Des moyens repoussés par le juge administratif, les services de la préfecture n'ayant pas adressé à l'exploitant une mise en demeure de régulariser sa situation.
« Les mesures édictées par le préfet de la Seine-Maritime ont emporté des conséquences qui doivent être regardées comme ayant constitué un aléa excédant ce que comporte nécessairement une exploitation agricole. Ces mesures ont imposé au requérant un préjudice anormal et spécial de nature à engager la responsabilité sans faute de l'État », juge le tribunal. Celui-ci l'a donc condamné à verser 4 354 euros au maraîcher, dont 3 654 euros en raison des pertes de maraîchage et 500 euros pour le préjudice moral lié à « l'impact psychologique d'une perte de récolte en début d'activité ».