Les premières pistes d'évolution de la réglementation, suite à l'accident de l'usine Lubrizol du 26 septembre 2019, sont désormais connues. La ministre de la Transition écologique a identifié trois chantiers à l'issue d'une séance du Conseil supérieur de la prévention des risques (CSPRT), qu'elle a présidé ce lundi 13 janvier.
Ces chantiers sont, en premier lieu, le renforcement de la prévention du risque incendie sur les sites industriels, en particulier les sites Seveso. L'établissement sinistré à Rouen est en effet une installation Seveso seuil haut. L'arrêté préfectoral de mise en demeure du 8 novembre a montré qu'il ne comportait pas de détecteurs anti-incendie sur ses stockages extérieurs. Par ailleurs, le dispositif de détection incendie de son bâtiment A5, qui abritait les unités de conditionnement et d'enfûtage, n'était pas conforme, à en croire le réquisitoire supplétif du parquet de Paris daté du 19 décembre.
Moderniser les outils de dialogue et de concertation
Élisabeth Borne préconise ensuite une modernisation des outils de dialogue et de concertation. Malgré la mise en place par le Gouvernement d'un comité de dialogue et de transparence après le sinistre, celui-ci a révélé de nombreuses carences en termes de communication et de partage des informations avec les riverains du site industriel. « Il est nécessaire d'avoir de vrais outils de dialogue », estime Ginette Vastel, co-pilote du réseau risques et impact industriel de France Nature Environnement (FNE).
Ces évolutions pourraient passer par un changement dans la composition des Coderst, instance consultative sur les risques présente au niveau départemental. « L'Administration pourrait ne pas prendre part au vote », suggère Ginette Vastel, alors que l'on sait que le Coderst de Seine-Maritime a voté, le 10 décembre, en faveur de la réouverture du site de Lubrizol par 19 voix sur 24, avec une large représentation des services de l'État. L'évolution pourrait également concerner les commissions de suivi de site (CSS), mais aussi les secrétariats permanents pour la prévention des pollutions industrielles (SPPPI). « Ils ne fonctionnent pas partout alors qu'ils présentent l'intérêt d'avoir une vision plus large que celle d'un établissement unique », explique la représentante de l'ONG.
En troisième lieu, la ministre souhaite travailler « sur une plus grande efficacité dans le suivi immédiat d'un incendie ». Ce qui passerait par « la disponibilité, en tout lieu et toute circonstance, des moyens nécessaires aux mesures de toxicité ou aux mesures dans l'environnement dans les plus brefs délais ». La catastrophe de Rouen a en effet montré, avec un panache de fumée long de 22 kilomètres et des retombées de polluants jusque dans les Hauts-de-France, que la question des mesures apparaissait primordiale. De nombreuses questions se sont posées et se posent toujours sur les possibles contaminations de l'air, de l'eau et des produits alimentaires.
« Revisiter périodiquement les scénarios de dangers ayant été écartés au départ »
Pour dégager ces pistes d'actions, la ministre s'est appuyée sur les premières conclusions de la mission d'inspection, qui ont été présentées au CSPRT par l'ancien président de l'Autorité de sûreté nucléaire, Pierre-Franck Chevet. Élisabeth Borne a en effet demandé à quatre hauts-fonctionnaires de tirer les enseignements de l'accident et de renforcer l'encadrement national des sites les plus à risques. La ministre s'est aussi basée sur une série de propositions formulées par le CSPRT lui-même. Au nombre de 46, celles-ci visent à anticiper les conséquences d'un grand incendie, limiter son développement, améliorer la gestion de crise et renforcer la culture du risque.
« Éviter de refaire le monde »
Philippe Prudhon, directeur des affaires techniques de France Chimie, se dit en phase avec plusieurs des évolutions proposées qui peuvent être réalisées à court terme. Elles concernent l'accès à un inventaire en temps réel des substances dangereuses, la rédaction d'un recueil des bonnes pratiques applicables aux entrepôts (conception, distances entre bâtiments, sûreté), au contrôle des dispositifs de lutte contre l'incendie ou à l'intensification des exercices avec une meilleure articulation entre plan d'opération interne (POI) et plan particulier d'intervention (PPI). « Mais il est nécessaire de se focaliser sur l'accident de Rouen et éviter de refaire le monde », estime M. Prudhon, qui rappelle que la réglementation est déjà très complexe.
Élisabeth Borne annonce la présentation du plan d'actions du Gouvernement « dans les prochains mois », de manière à prendre en compte les résultats de la mission d'inspection et les propositions du CSPRT, mais aussi les conclusions de la commission d'enquête sénatoriale et de la mission d'information de l'Assemblée nationale. « Ces délais sont cohérents », explique Ginette Vastel, qui se réjouit que « le sujet soit bien pris en main » par la ministre, même si elle attend de voir ce qui va réellement sortir de ces travaux.