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Lubrizol : la commission d'enquête sénatoriale pointe un défaut d'information généralisé

Huit mois après la catastrophe de Rouen, les sénateurs déplorent de graves manquements dans la prévention des accidents industriels, l'information du public et le suivi sanitaire à long terme.

Risques  |    |  L. Radisson
Lubrizol : la commission d'enquête sénatoriale pointe un défaut d'information généralisé

« La chance ne sourit qu'aux esprits bien préparés. » C'est par cette citation de Louis Pasteur que la commission d'enquête du Sénat a choisi de conclure son rapport (1) sur les conséquences de l'incendie de l'usine Lubrizol du 26 septembre 2019. Manière de dire que la préparation des services de l'État dans la gestion de cette catastrophe laissait beaucoup à désirer, en particulier sur l'information des risques liés au fonctionnement de cet établissement classé Seveso seuil haut, mais aussi dans le suivi sanitaire des populations victimes de l'accident.

Dépassant le seul cas de l'incendie de l'usine Lubrizol, le commission émet une quarantaine de recommandations tournant autour de la création d'une véritable culture du risque industriel, d'une meilleure coordination avec les collectivités territoriales et d'une application du principe de précaution au suivi sanitaire des populations.

Mauvaise information généralisée

Si les sénateurs reconnaissent « une grande maîtrise opérationnelle » des équipes de pompiers sous l'autorité du préfet, qui a permis d'éviter des morts et des blessés directs, ils déplorent « la mauvaise information généralisée sur les dangers qui peuvent exister à proximité d'un site Seveso », selon les mots d'Hervé Maurey, président centriste de la commission d'enquête.

Une information défaillante vis-à-vis du grand public, des élus locaux et des professionnels de santé. Les chiffres rapportés par la commission sont éloquents : 10 % des Français seulement affirment savoir comment réagir si un accident se produisait près de chez eux ; 62 % des élus consultés par la commission déplorent un manque d'information sur les risques industriels. « L'accident de Rouen révèle une demande sociale non satisfaite », pointe le rapport.

Les sénateurs fustigent « les défauts majeurs » du système d'alerte des populations basé sur un dispositif de sirènes dépassé et appellent l'État à mettre en œuvre le système de Cell Broadcast (2) . « Le Sénat l'avait préconisé dès 2010 », rappelle Christine Bonfanti-Dossat, co-rapporteure de la commission. La sénatrice LR pointe aussi les prises de parole intempestives des représentants du Gouvernement qui ont cherché à « rassurer à tout prix plutôt qu'à informer ».

Pour améliorer l'information du public, la commission préconise d'achever la formalisation des plans de prévention des risques industriels et de mieux associer le public. « Les outils sont dans la loi, avec les plans intercommunaux de sauvegarde (PICS) et les documents d'information communale sur les risques majeurs (Dicrim), mais ils ne sont pas appliqués par les métropoles », fait remarquer le sénateur Ronan Dantec (RDSE).

« Une certaine mansuétude de l'Administration »

« Il est invraisemblable que les industriels eux-mêmes et les services de l'État chargés de contrôler les installations potentiellement dangereuses n'aient pas une connaissance précise, en temps réel, des produits qu'ils utilisent et entreposent », s'indignent les sénateurs, alors que près de 10 000 tonnes de produits chimiques sont partis en fumée le 26 septembre. « Lubrizol n'est pas isolé. De nombreux exploitants ne savent pas ce qu'il y a chez eux », assure Nicole Bonnefoy, sénatrice socialiste et co-rapporteure de la commission d'enquête.

“ Dépassant le seul cas de l'incendie de l'usine de Lubrizol, le commission émet une quarantaine de recommandations tournant autour de la création d'une véritable culture du risque industriel. ”
Les sénateurs déplorent aussi la mauvaise information sur les résultats des contrôles effectués par les Dreal (3) et les lacunes dans le suivi de ces contrôles. « Il est assez extraordinaire que des recommandations aient été faites dix-huit mois avant les événements et que l'on n'en ait pas tenu compte », tacle Hervé Maurey. De manière générale, les parlementaires pointent l'absence de suivi d'effet des prescriptions formulées par les services de l'État, le nombre réduit de sanctions prononcées et leur faiblesse. « Une certaine mansuétude de l'Administration vis-à-vis des sites industriels » qui affecte la crédibilité de la politique de prévention, constate la sénatrice LR Christine Bonfanti-Dossat.

La commission pointe à ce propos la baisse des contrôles effectués par l'État et la diminution tendancielle des crédits alloués à la prévention des risques technologiques. Paradoxalement, « depuis quinze ans, les effectifs des services chargés de la police des ICPE (4) ont augmenté alors que le nombre de contrôles a pratiquement été divisé par deux », rappellent les membres de la commission. À cet égard, le sénateur centriste juge « non sérieuse » l'annonce de la ministre de la Transition écologique d'une augmentation de 50 % des contrôles d'ici 2020, à effectifs constants.

Contrairement aux conclusions du président de la mission d'information de l'Assemblée nationale, les sénateurs rejettent l'idée de créer une autorité administrative indépendante spécialisée dans le contrôle des sites Seveso. « Il sera plus efficient de renforcer les structures existantes », tranche Hervé Maurey. La commission retient en revanche l'idée de créer un bureau d'enquête accidents annoncée par Élisabeth Borne en février dernier. Elle se positionne également en faveur d'un meilleur encadrement de la sous-traitance et un contrôle plus strict des activités des logisticiens. Le groupe Lubrizol, dont on apprend qu'il va demander une réouverture complémentaire de ses activités, entend privilégier le « juste à temps ». « Ce qui pose la question de la circulation des matières dangereuses sur les routes », souligne Nicole Bonnefoy, qui pointe aussi le problème des gares de triage, « no man's land au milieu d'un PPRT (5)  ».

Disparition d'échantillons

Autre angle mort de la politique des pouvoirs publics : le suivi sanitaire des populations. « Les manquements constatés dans la gestion des conséquences sanitaires de l'accident constituent la suite logique des erreurs des premiers jours », cingle la commission. Le défaut de connaissance sur la composition des produits partis en fumée et les éventuels effets cocktails ont empêché l'agence régionale de santé (ARS) de mener au mieux sa mission.

La commission déplore également la multitude des intervenants en la matière : Santé Publique France (SPF), Ineris, Anses, Atmo, ARS, préfecture, Dreal… « On a l'impression que ça se chevauche, ça se marche sur les pieds », pointe Hervé Maurey. Et les dernières informations apprises de SPF par la commission ne sont pas là pour rassurer : les échantillons de terre prélevés dans les Hauts-de-France par un laboratoire missionné par Lubrizol ont disparu tandis que d'autres se révèlent inexploitables. L'agence sanitaire a annoncé fin mai qu'elle mènerait son enquête au cours du troisième trimestre. « Cela traîne en longueur, angoissant les populations », critique Christine Bonfanti-Dossat, qui réclame la mise en place de deux registres de morbidité, l'un sur les cancers, l'autre sur les malformations congénitales.

En tout état de cause, les informations recueillies par la commission rejoignent celles de l'association Rouen Respire dévoilées le 18 mai, souligne Nicole Bonnefoy : une zone géographique touchée plus grande que celle où l'ARS est intervenue et des effets sanitaires sans doute plus importants que ne laissait penser la communication lénifiante du Gouvernement.

1. Télécharger le rapport de la commission d'enquête
https://www.actu-environnement.com/media/pdf/news-35592-rapport-lubrizol-juin2020.pdf
2. Dispositif permettant d'adresser un message instantané sur l'ensemble des téléphones portables d'une zone concernée.3. Direction régionale de l'Environnement, de l'Aménagement et du Logement4. Installation classée pour la protection de l'environnement5. Plan de prévention des risques technologiques

Réactions2 réactions à cet article

Appliquons le même cadre de sécurité aux industries classiques qu'au nucléaire : ce genre de déboires ne pourra plus advenir...

dmg | 06 juin 2020 à 09h02 Signaler un contenu inapproprié

Très bien ce constat du Sénat mais qu'est ce qui changera ? Rien comme d'habitude puisqu'il ne s'agit que de recommandations et tout le monde sait très bien que l'argent n'ira pas dans une augmentation du nombre d'inspecteurs: l'incurie généralisée et organisée à tous les niveaux doublée de corruption qui ne dit pas son nom, comme ça les industriels sont tranquilles. Des échantillons de terre ont disparu! On se croirait dans un bon polar , ceux qui captivent les foules avec leur cohorte de pourris.

gaïa94 | 10 juin 2020 à 17h05 Signaler un contenu inapproprié

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