Des trois conventions issues du Sommet de la Terre de 1992, à Rio de Janeiro, c'est certainement la moins connue. La Convention des Nations unies sur la lutte contre la désertification (UNCCD) passe un peu sous le radar des médias, plus attirés par celles consacrées aux changements climatiques (Ccnucc) ou à la biodiversité (CDB). Elle a pourtant tenu sa 15e Conférence des parties (COP 15), du 9 au 20 mai, à Abidjan (Côte d'Ivoire).
Qu'est-il ressorti de cette COP qui a affiché l'objectif de restaurer un milliard d'hectares de terres dégradées d'ici à 2030 ? Un bilan assez décevant, à en croire les différents observateurs, les États parties à la Convention se contentant d'un engagement à accélérer cette restauration. Parmi les 38 décisions adoptées, on notera toutefois celle portant sur l'occupation des terres.
Une question cruciale pour combattre la désertification. « Ce n'est qu'en mettant le pouvoir entre les mains de personnes dont la vie dépend de la terre que nous pourrons parvenir à un développement inclusif et durable qui "ne laisse personne de côté" », explique la Coalition internationale pour l'accès à la terre (ILC), qui a adopté sa stratégie pour la période 2022 à 2030.
S'attaquer à l'insécurité foncière
« Les pays s'attaqueront à l'insécurité foncière », avaient annoncé le secrétaire exécutif de l'UNCCD, Ibrahim Thiaw, et le président de la COP 14, lors de la tenue de cette conférence en septembre 2019, à New Delhi (Inde). Les parties à la Convention avaient alors adopté une première décision portant sur cette question. Lors de la COP 15, elles ont adopté une nouvelle décision sur l'occupation des terres. Par ce document,elles appellent les 197 États parties à prendre en compte cette question dans les politiques de lutte contre la désertification et à soutenir les droits légitimes à cette occupation, en particulier par des populations vulnérables.
Mettre en œuvre un plan d'actions
La décision adoptée invite aussi le secrétariat de la Convention à mettre en œuvre une stratégie et un plan d'action relatifs à l'occupation des terres. Le fait qu'ait été abordé le régime foncier, qui est une question cruciale, mais politiquement sensible, que d'autres conventions ont tendance à éviter, est un signe du rôle joué par les organisations de la société civile dans l'agenda de cette COP, rapporte l'Institut international pour l'environnement durable (IISD).
« C'est bien, car cela donne mandat au secrétariat pour accompagner les États et les aider sur les questions foncières. Mais, ça n'est pas tellement engageant », explique Manon Albagnac. « On plaide pour que cette question foncière soit abordée de manière plus transversale. Il faudrait qu'un indicateur sur le foncier soit intégré dans les rapports que fournissent les pays sur la mise en œuvre de la Convention », ajoute la représentante associative.
Égalité des sexes pour une restauration des terres
Les participants à la COP 15 ont également adopté la Déclaration d'Abidjan sur « la réalisation de l'égalité des sexes pour une restauration réussies des terres ». Par cette déclaration, ils s'engagent à renforcer leurs efforts communs pour identifier et éliminer toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes dans le cadre de la lutte contre la désertification, la dégradation des terres et la sécheresse. Et ce, en lien avec la sécurité et l'accès au foncier, et les autres formes de propriété et d'héritage.
« Le problème, à l'échelle mondiale, c'est que ceux qui cultivent principalement la terre, à savoir bien souvent les femmes, ne sont pas propriétaires des terres », explique Manon Albagnac. « Il n'y a pas de règle idéale en la matière, nuance-t-elle, mais ce qui est important, c'est que la question foncière soit traitée dans les sujets qui concernent la dégradation des terres. On ne peut parler d'agroécologie si on ne parle pas de foncier. »
Reste à voir si ce message sera mieux pris en compte par les États à l'avenir. Rendez-vous est d'ores et déjà pris pour constater leurs progrès lors de la COP 16, en 2024, en Arabie saoudite.