Le Conseil d'Etat a invalidé jeudi 1er aout l'arrêté français interdisant la mise en culture du maïs génétiquement modifié de Monsanto, le MON 810, seul OGM autorisé à la culture en Europe. La France avait défendu à Bruxelles la nécessité de réévaluer l'autorisation européenne selon les arguments suivants : "des publications scientifiques postérieures à l'avis de l'AESA [ndlr : EFSA] du 15 juin 2009, ainsi qu'un nouvel avis de cette même agence en date du 8 décembre 2011 concernant le maïs Bt11, transposable au MON810, remettent ces conclusions [favorables à la culture du MON 810] en question."
Le Conseil d'Etat (1) estime pour sa part que les références françaises ne sont pas convaincantes. Il rappelle notamment que l'avis de l'Efsa de décembre 2011 (2) "ne conclut pas que le maïs MON 810 présenterait un risque important pour l'environnement, ne fait état d'aucune urgence et n'adresse aucune recommandation à la Commission, de suspendre ou de modifier d'urgence l'autorisation de mise sur le marché du maïs MON 810". Selon lui "le ministre a commis une erreur manifeste d'appréciation". L'Etat est par ailleurs condamné à verser la somme de 1.500 euros à chacune des parties plaignantes : l'Association générale des producteurs de maïs (AGPM), la Fédération nationale de la production de maïs et de sorgho, l'EARL de Commenian et à l'EARL de Candelon, et la somme de 3.000 euros à l'Union française des semenciers.
Et maintenant ?
Interrogé sur RTL sur la question il y a quelques jours, le ministre de l'Agriculture Stéphane Le Foll a rappelé sa position : "nous resterons ferme sur les principes, sur le maïs MON810, cela a été dit pendant la campagne présidentielle, et nous n'y reviendrons pas, quelle que soit la décision du Conseil d'Etat", ajoutant "les avantages que nous pouvions retirer des OGM sont aujourd'hui plus que discutables : on a présenté cela comme la grande révolution de demain, que les OGM auraient la capacité de diminuer l'utilisation d'un tas de produits, d'économiser les ressources et de répondre au problème de l'alimentation dans le monde, c'est faux, tout le monde le sait… Le débat est derrière nous".
Le ministère ne semble pas inquiet. Celui-ci avait expliqué à Actu-environnement début juillet qu'en cas d'annulation, il disposerait "d'un peu de temps car les prochains semis de maïs n'auront pas lieu avant la fin de l'hiver". Dans un communiqué, les ministères de l'Agriculture et de l'Environnement demandent "à leurs services de travailler sur de nouvelles pistes pour créer un cadre réglementaire adapté durablement au respect de ces objectifs" assurant qu'une décision sera prise avant les prochains semis qui auront lieu entre avril et juin 2014.
Le ministère envisage par conséquent de déposer une nouvelle clause de sauvegarde quitte à provoquer une nouvelle levée de bouclier juridique de la part du monde agricole. Un jeu déjà employé par le gouvernement précédent en 2012. C'est en effet la deuxième fois depuis 2008 que la France essuie une annulation d'une mesure de protection contre le MON 810. Ce jeu semble exaspérer plusieurs organisations agricoles, apicoles et environnementales (3) qui, dans un communiqué commun, demandent une "interdiction définitive de la culture d'OGM".
Même son de cloche du côté de l'AGPM qui demande une "reprise du dialogue" sur le dossier des OGM plutôt que de repartir dans un nouveau "ping-pong juridique". "Il faut réengager des programmes de recherche publics comme privés et ne plus s'interdire des essais en champs", plaide sa porte-parole. "La France était leader en la matière et maintenant elle n'a plus rien", regrette l'association. L'AGPM et d'autres organisations agricoles "ont convié par courrier les ministres de l'Agriculture et de l'Environnement au dialogue, force est de constater que ce n'est pas la voie qu'ils ont choisi de privilégier".