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Après un an d'expérimentation du compteur communicant Linky dans 250.000 foyers de la région lyonnaise et d'Indre-et-Loire, le gestionnaire du réseau ErDF juge les premiers résultats concluants et se dit prêt à le généraliser dans les 35 millions de foyers français. La décision de cette généralisation revient désormais au gouvernement. Celui-ci devrait se prononcer une fois les conclusions de cette expérience tirées. Pour cela, Eric Besson a annoncé l'installation, d'ici le mois de mai, d'un comité de suivi réunissant l'ensemble des parties prenantes. La commission de régulation de l'énergie (CRE) doit de son côté remettre, au mois de juin, les conclusion d'un audit, dont l'objectif est de ''confirmer les fonctionnalités envisagées par ErDF pour la généralisation du compteur Linky en vue notamment de quantifier les impacts sur le tarif d'utilisation des réseaux publics d'électricité, d'évaluer les gains apportés par ce système en termes de maîtrise de la demande en énergie, d'identifier les effets du déploiement d'un tel système sur l'ensemble de la chaîne électrique (gestionnaires de réseaux, fournisseurs, consommateurs, producteurs, prestataires de nouveaux services)''.
Mais d'ores et déjà, les grandes lignes de cette expérimentation se dessinent. Finalement, celle-ci aura permis de tester les conditions techniques d'une généralisation des compteurs intelligents sans toutefois permettre de tester leur utilité dans le cadre d'actions de maîtrise de l'énergie. Une information qui confirme les prévisions de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) qui estimait, dans une note de décembre 2010, que ''si le compteur Linky, tel qu'il est actuellement conçu, apporte des bénéfices en termes de comptage et de gestion du réseau électrique, voire de diminution du contenu CO2 du kWh électrique, ses bénéfices pour le consommateur en termes de maîtrise de la demande restent encore théoriques''.
La maîtrise de l'énergie, grande oubliée de l'expérimentation ?
La loi Grenelle 1 estimait que pour atteindre les objectifs d'efficacité et de sobriété énergétiques, la France devait mettre en place des mécanismes d'ajustement et d'effacement de consommation d'énergie de pointe, en passant notamment par ''la pose de compteurs intelligents pour les particuliers, d'abonnement avec effacement des heures de pointe''.
Les nouveaux compteurs devraient ainsi permettre à chacun de suivre sa consommation en temps réel. Mais pour l'instant, le seul avantage de Linky pour le consommateur réside dans le fait de recevoir des relevés de consommation en réel au lieu des estimations de factures et donc de ne payer que ce qu'il consomme. La question de la valorisation des informations fournies par Linky est restée en suspens et n'a pas été étudiée lors de l'expérimentation.
Celle-ci aura finalement seulement permis de valider le processus de déploiement du compteur à grande échelle, de développer le système d'information et de valider le business plan d'ErDF. ''On a sous-estimé l'importance de la communication auprès des clients'', admet Marc Boillot, directeur de la stratégie chez ErDF, lors d'un débat BIP-Enerpresse organisé le 12 avril.
À l'heure actuelle, Linky est donc un outil d'optimisation de gestion de réseau (gestion des pannes, réduction de déplacement des opérateurs, gestion des pertes non techniques…). Il facilitera la libéralisation du marché de l'électricité prévue dans la loi portant nouvelle organisation du marché de l'électricité (Nome), en permettant une diversification des offres tarifaires.
La maîtrise de l'énergie sous la responsabilité des fournisseurs ?
Pour favoriser la maîtrise de l'énergie, ''il faudra développer pour le consommateur l'affichage déporté, la facture détaillée, la mise en place de portails Internet…'', estime Florian Lewis, adjoint au chef du bureau des réseaux électriques à la DGEC (direction générale de l'énergie et du climat), précisant cependant que les études menées aujourd'hui sur l'intérêt des compteurs intelligents tiraient des conclusions contradictoires quant à leurs résultats réels dans les réductions de consommation.''Le compteur est une condition nécessaire à l'émergence de services innovants mais pas suffisante''.
Pour faciliter le développement d'offres innovantes, ''la prochaine génération de compteurs comptera un émetteur radio [permettant l'affichage déporté notamment] et permettra de piloter 8 appareils électriques'', précise Marc Boillot.
Mais pour Jean-Luc Dupont, président du Syndicat intercommunal d'énergie d'Indre-et-Loire (Sieil), qui a participé à l'expérimentation, ''laisser la question de la maîtrise de l'énergie aux seuls fournisseurs, c'est se tirer une balle dans le pied. Comment imaginer qu'ils mèneront des actions les privant d'une certaine marge ?''.
La loi Nome a cependant introduit, pour tous les fournisseurs, une obligation de capacité, c'est-à-dire une obligation pour chaque acteur de disposer de moyens de production suffisants pour couvrir la pointe de consommation de ses clients et de couvrir une partie de cette capacité par des effacements. Ils devront donc, à terme, proposer des services innovants, à l'instar de celui que développe Voltalis.