Ce jeudi 30 septembre, la Cour des comptes a publié les conclusions de son « audit flash » portant sur l'aide publique MaPrimeRénov' distribuée par l'Agence nationale de l'habitat (Anah). Le bénéfice de cette prime a été étendu en janvier 2021 aux propriétaires (occupants comme bailleurs) et aux copropriétaires pour les aider à mener la rénovation énergétique de leurs logements. Lancée au printemps 2020, cette aide était d'abord réservée aux propriétaires modestes occupant leur logement.
Le démarrage « réussi » de la prime
« Depuis 2021, la quasi-totalité des propriétaires peuvent recevoir une aide dégressive selon leur niveau de revenu », rappelle la Cour des comptes, qui salue la mise en œuvre « réussie » du dispositif. Au 30 juin 2021, 574 000 dossiers ont été déposés, dont près de 300 000 demandes acceptées en un peu plus d'un an. Soit un montant de 862 millions d'euros de primes versées, relève l'institution. « Ces résultats montrent un véritable intérêt de la part des propriétaires et des entreprises et attestent d'un démarrage réussi ».
Par conséquent, le programme MaPrimeRénov' « répond bien aux objectifs de massification de la rénovation énergétique », estime la Cour. Et « poursuivant un objectif de 500 000 logements par an (rénovés), ce dispositif a été confié, de façon cohérente et légitime, à l'Anah ». De même, « une (de ses) forces » repose sur sa « simplicité » d'accès, ajoute-t-elle. Les demandes sont en effet déposées en ligne, par le propriétaire ou par un intermédiaire qu'il a choisi. MaPrimeRénov' est basée « sur des délais de réalisation réduits, compte tenu du caractère simple des travaux engagés et prévoit en outre une mise en paiement sous quinze jours, dès remise des factures attestant de la fin des travaux ».
Pérenniser le financement du dispositif
Fort du succès de la prime, le Premier ministre prévoit d'allouer 2 milliards d'euros supplémentaires au dispositif l'année prochaine et il vise 800 000 bénéficiaires en 2021. Ces crédits sont inscrits dans le projet de loi de finances pour 2022. Pour autant, « aucune visibilité n'existe à ce jour quant à la poursuite du programme à compter de 2023 », préviennent toutefois les Sages de la rue Cambron. Sa « soutenabilité financière n'est pas avérée ». La Cour rappelle que l'Anah a dû notamment augmenter ses effectifs de 60 % pour répondre aux demandes. MaPrimeRénov' « répond à une attente des propriétaires, si l'on en juge par leur recours grandissant à cette aide. Parallèlement, les objectifs publics de rénovation énergétique ont été revus à la hausse. La réussite du dispositif dans le temps devra, en conséquence, s'accompagner d'un financement stable et pérenne », juge la Cour.
Une aide qui ne favorise pas l'éradication des passoires thermiques
L'institution s'interroge toutefois sur la capacité de MaPrimeRénov' à financer « sur le long terme des travaux lourds ». Cette aide répond à des travaux « simples et souvent uniques, tels que le changement de chauffage ou l'isolation de fenêtres, ce qui ne favorise pas le bouquet de travaux complémentaires qui permettrait souvent d'éliminer les passoires thermiques (logements en étiquettes F et G) », souligne la Cour des comptes. Et « aucun gain de consommation énergétique minimal n'est requis ».
Par ailleurs, les aides de MaPrimeRénov' « ne visent pas prioritairement à réduire la précarité énergétique des propriétaires très modestes », ajoute l'institution. Elle appelle le gouvernement à réévaluer « à court terme » l'impact de cette prime en faveur des ménages précaires. De même, la Cour lui recommande de mener « une évaluation des bénéfices environnementaux du programme d'ici à 2023 ».
Dans sa réponse adressée à la Cour et publiée dans le rapport d'audit, le Premier ministre Jean Castex indique que les ménages très modestes et modestes restent « les principaux bénéficiaires » du dispositif. Au premier semestre 2021, ils représentent respectivement 60 % et 22 % du volume financier de la prime engagée par l'Anah (17 % pour les ménages aux ressources intermédiaires, 1 % pour les ménages aux ressources supérieures).
« La prochaine évaluation ex post de l'efficacité des aides à partir des données de consommations individuelles, engagée par le ministère de la Transition écologique, devrait permettre de confirmer et de préciser l'apport décisif des aides à la rénovation énergétique pour lutter contre la précarité énergétique », assure aussi M. Castex. « La politique d'aide à la rénovation énergétique doit conserver comme objectif d'aider prioritairement les ménages les plus modestes, et je souhaite que le dispositif de suivi et de pilotage de MaPrimeRenov' permette d'y veiller. Une évaluation complète au plus tard en 2023 me paraît donc souhaitable, comme le recommande la Cour », souligne le Premier ministre.