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Marché carbone : quel avenir pour les mécanismes de flexibilité du protocole de Kyoto ?

Alors que le marché européen de quotas de CO2 (ETS) reste le principal marché du carbone, l'avenir des mécanismes de flexibilité s'assombrit et la perspective de voir émerger un marché mondial uniformisé s'éloigne. Explications.

Gouvernance  |    |  P. Collet
   
Marché carbone : quel avenir pour les mécanismes de flexibilité du protocole de Kyoto ?
© Cornelius
   
A l'occasion de la conférence de Copenhague deux décisions officielles ont été prises afin d'améliorer la transparence et le fonctionnement du Mécanisme pour un développement propre (MDP) et de la Mise en œuvre conjointe (MOC), deux des mécanismes de flexibilité du protocole de Kyoto. Cependant, au-delà de ces décisions techniques, l'absence de décision politique concernant la pérennisation du protocole de Kyoto laisse planer des incertitudes quant à l'avenir de ces mécanismes qui permettent de compenser à l'étranger une partie des émissions des Etats et des quelques 11 500 entreprises européennes soumises aux quotas de CO2.

MOC et MDP dans l'incertitude

Des deux mécanismes, la MOC est probablement celui sur lequel plane le plus d'incertitudes. En effet, les crédits CO2 obtenus via la MOC, pour des réductions d'émissions effectuées dans les Etats soumis au protocole de Kyoto, entrainent l'annulation d'un nombre équivalent de quotas de CO2 attribués à l'Etat concerné dans le cadre du protocole. Or, sans engagement sous le protocole de Kyoto ou sans accord de remplacement pour la période débutant en 2013, aucun quota CO2 ne sera attribué aux Etats et le mécanisme même de la MOC serait remis en cause ''Cependant, si un accord international du type de Kyoto était signé avec les pays émergents et leur attribuait quelque objectif, alors une réforme de la MOC pourrait l'étendre et le mécanisme serait renforcé'', tempère Isabelle Curien, analyste carbone à la Deutsche Bank.
S'agissant du MDP, fournissant des crédits pour des projets entrepris dans les pays en développement n'ayant pas de contrainte sous le protocole de Kyoto, un problème de double comptabilité des réductions pourrait se poser. En effet, un projet d'efficacité énergétique ou de production d'énergie renouvelable fournirait des crédits CO2 à l'entreprise européenne qui le financerait tout en réduisant l'intensité carbone de l'Etat dans lequel il serait réalisé. Est-ce l'entreprise qui le finance ou l'Etat concerné qui pourra comptabiliser cet effort de réduction ? La question risque de se poser si, comme le prévoit l'Accord de Copenhague, les engagements formulés par les pays en développement devaient être ''mesurés, reportés et vérifiés'' selon des règles qui restent à préciser.
En l'état le flou qui entoure l'avenir du protocole de Kyoto et la suite qui sera donnée à l'Accord de Copenhague place donc les mécanismes de flexibilité dans une situation précaire, alors même que les investisseurs n'apprécient guère l'incertitude.

Vers des mécanismes de compensation à la carte ?

Lors de l'élaboration de la directive encadrant l'ETS d'ici 2020, l'Union européenne (UE) avait anticipé une possible évolution des règles entourant les mécanismes de flexibilité du protocole de Kyoto. Différentes options existent selon le type de projet et sa date de validation. Tout d'abord, les projets MDP enregistrés avant le 31 décembre 2012 donneront droit à des crédits utilisables sur le marché européen et ceux enregistrés après cette date ne seront valables que s'ils proviennent des pays les moins avancés économiquement. Alors que la Chine, l'Inde et le Brésil ont accueilli près de 70% des projets enregistrés, cette règle risque de sensiblement modifier le marché à l'approche de la fin 2012. Par ailleurs, la directive européenne précise qu'en cas d'absence d'accord international au 31 décembre 2009, il sera possible d'établir des accords bilatéraux entre l'UE et des Etats tiers afin d'obtenir des crédits CO2 négociables sur le marché européen. Cette close sera-t-elle activée ? Isabelle Curien estime qu'''il est peu probable que l'UE fasse jouer cette clause avant que toute chance d'aboutir à un accord international ait définitivement disparu'', précisant qu'''elle devrait au moins attendre la conférence de Cancún en décembre 2011''.
D'autre part, les Etats-Unis développent eux aussi le même type de stratégie. En effet, Todd Stern, l'Envoyé spécial des Etats-Unis pour les changements climatiques, n'a eu de cesse de répéter à Copenhague qu'aucun argent public américain ne financerait les réductions d'émissions chinoises. Cependant, il n'a pas fermé la porte à des investissements privés qui pourraient être réalisés par les entreprises américaines qui souhaiteraient acquérir des crédits CO2 pour remplir leur éventuelle obligation dans le cadre d'un marché de quotas CO2 aux Etats-Unis. Pour l'instant, le texte adopté à la Chambre des représentants fait la part belle aux crédits forestiers et stipule que l'Agence de protection de l'environnement (EPA) sera chargée d'établir, selon des règles qualitatives, quels autres crédits pourraient être utilisés.
Finalement, la survie des mécanismes de flexibilité, sous une forme ou sous une autre, pourrait être l'objet d'intenses négociations politiques. Pour l'analyste de la Deutsche Bank, ''la close de la directive européenne prévoyant de possibles négociations bilatérales est clairement un outil de marchandage dans le cadre des négociations internationales visant à attirer les pays émergents vers un accord global.'' Si les pays les moins développés seront probablement préservés, les pays émergents pourraient bénéficier au cas par cas des investissements réalisés par les entreprises via les mécanismes de flexibilité. Par ailleurs, la nature même des projets retenus pourraient évoluer vers des critères qui seraient plus rigoureux et qui varieraient selon les politiques mises en place dans les pays concernés.
Finalement, si les négociations internationales ne progressent pas vers un cadre satisfaisant l'ensemble des Etats, il existe un risque de voir apparaitre un ensemble de règles hétérogènes encadrant les réductions réalisées à l'étranger par des entreprises soumises aux marchés du carbone. Alors que l'Europe ambitionnait une harmonisation internationale des marchés du carbone, la directive européenne prévoyant même d'établir des liens avec les autres marchés de l'OCDE d'ici 2015, cette perspective ne semble pas d'actualité. Facteur aggravant, alors que sur le marché européen un crédit MDP ou MOC compense un quota européen, les Etats-Unis prévoient actuellement un échange de cinq crédits MDP ou MOC pour quatre quotas.

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