
Candidate à la Présidentielle 2017 pour le Front national
Actu-Environnement : Comment vous inscrivez-vous par rapport à la transition énergétique lancée par le précédent quinquennat ?
Marine Le Pen : Je n'appliquerai pas l'ensemble de la loi de transition énergétique. Par exemple, je ne privatiserai pas les barrages français, qui constituent un bien commun, une infrastructure critique et essentielle à la transition énergétique. De même, il est irréaliste de réduire simultanément l'usage du nucléaire et des énergies fossiles. L'élimination des fossiles doit être la priorité.
Nous devons beaucoup plus utiliser les énergies renouvelables, mais pour que les Français soutiennent vraiment cette transition énergétique, elle doit créer de l'activité et des emplois sur notre sol. La loi de transition énergétique actuelle est une loi mondialiste : on va importer des panneaux solaires chinois et des éoliennes allemandes ou danoises. Je veux soutenir les entreprises installées en France. Nous créerons des filières puissantes grâce à la commande publique, au patriotisme économique et avec un minimum de planification. Les subventions et financements publics seront réorientés prioritairement vers les équipements produits en France. Comme les énergies renouvelables sont intermittentes, il faut aussi un vecteur de stockage qui puisse remplacer les hydrocarbures. Nous privilégions l'hydrogène, produit à partir d'électricité nucléaire et renouvelable, qui peut être utilisé dans des piles à combustible pour alimenter des moteurs électriques.
L'isolation des bâtiments est aussi un point essentiel. Nous proposons un prêt à taux zéro : la Banque de France financera à -0,25% les établissements privés qui prêteront à 0% sur 15 ans aux particuliers.
Enfin, au niveau international, la COP21 a été une réussite sur les plans de la discussion et de la négociation ; mais ce n'est pas la COP21 qui financera et mettra en œuvre la transition énergétique en France. Ce sera au gouvernement et à tous les Français de conduire et mettre en place cette transition énergétique, avec les atouts géographiques et techniques de la France. L'Etat stratège favorisera une accélération de cette transition énergétique avec en prime, la création de très nombreux emplois en France grâce au patriotisme économique et au protectionnisme intelligent. La diffusion internationale se fera par l'exemplarité : si la France montre qu'elle peut créer des emplois, nous contribuerons à la résorption du problème et nous serons suivis.
AE : La santé est une préoccupation majeure des Français. Que prévoyez-vous en matière de santé environnementale ?
MLP : C'est un sujet majeur. On le voit avec la question des perturbateurs endocriniens. On n'arrive pas à s'entendre au niveau européen et le projet a déjà quatre ans de retard. Je pense que nous pouvons avancer plus vite à l'échelle française. Ce fut le cas pour l'interdiction française du BPA dans les biberons, puis dans les contenants alimentaires, qui a précédé la restriction de mise sur le marché européen qui n'entrera en vigueur qu'en 2020. L'Union européenne gère mal ces sujets, on peut réguler ces problèmes plus facilement et plus rapidement à l'échelle nationale.
Plus généralement, l'Etat doit travailler avec les professionnels pour obtenir des produits qui ne soient pas nocifs et inventer les matériaux de demain. Il faut avancer pas à pas de façon résolue pour assurer une transition qui permette aux acteurs de s'adapter.
AE : Comment envisagez-vous l'évolution du modèle agricole français ?
MLP : A cause de la concurrence internationale, nos agriculteurs sont dans un état catastrophique. Lorsqu'on gagne 350 euros par mois (un tiers des agriculteurs en 2015), on est dans une situation d'urgence qui rend la préoccupation environnementale plus lointaine. Je veux en finir avec le libre-échangisme absolu qui les met dans une situation impossible. Les fermes usines, qui instrumentalisent les animaux, s'étendent partout : aux Etats-Unis, en Allemagne et en Chine. Les Français sont contre, mais comment faire pour que les viandes qui y sont produites ne se retrouvent dans nos assiettes ? Nous voulons que les cantines des écoles et des administrations donnent l'exemple en utilisant un maximum de produits français.
Le monde agricole est prêt à aller vers des productions plus respectueuses de l'environnement, mais il doit être accompagné : il faut le protéger contre la concurrence de l'agriculture hyper-industrielle, réformer l'enseignement agricole pour diffuser les nouvelles pratiques comme l'agriculture biologique et aider les chambres d'agriculture à organiser l'échange des bonnes pratiques. Je pense que l'avenir de l'agriculteur, sur le marché français comme à l'exportation, passe par l'excellence. C'est l'assurance de la qualité et de la sécurité alimentaire qui fait que les Chinois viennent acheter du lait en France.
AE : L'arrivée du phénomène de ZAD complique l'aménagement du territoire. Comment concilier développement économique local avec le respect des milieux ?
MLP : Notre-Dame-des-Landes symbolise ces oppositions locales. Nous pensons que le projet est inutile, il est contestable d'un point de vue écologique et économique. L'aéroport de Nantes aurait pu accroître sa capacité, il peut être facilement relié aux transports en commun et il ne pose pas de problèmes de sécurité. Notre-Dame-des-Landes va métropoliser Rennes et Nantes, au lieu de conserver deux villes établies et leurs campagnes. Cependant, les citoyens ont été consultés et on ne peut pas s'y opposer. Il faut un respect de l'autorité de l'Etat, à tous les niveaux : l'Etat doit être respecté, on ne peut pas accepter l'implantation de ZAD, mais l'Etat doit aussi respecter le vote des citoyens.
Plus globalement, ces problèmes d'opposition disent quelque chose d'important sur la crainte associée à l'artificialisation des sols. Il faut y répondre sans être trop autoritaire. La difficulté, c'est que le débat n'est pas forcément mûr.
AE : De quelle manière entendez-vous mettre en œuvre votre politique environnementale au sein de votre gouvernement ? Quel budget prévoyez-vous pour vos mesures et comment les financez-vous ?
MLP : L'écologie est transversale. Elle ne doit pas être au dessus de tout, mais le ministère de l'Environnement doit dialoguer avec tous les autres ministères. Par exemple, les sujets liés aux industries plus respectueuses de l'environnement doivent être résolus en concertation entre l'Industrie et l'Environnement. Il faut aussi un budget raisonnable. On voit qu'actuellement, il n'y a plus d'argent pour financer les conversions en agriculture biologique parce que l'enveloppe n'est pas suffisante.
Quant à la fiscalité, elle doit, parfois, être réorientée en faveur de l'environnement. Ce n'est pas l'alpha et l'oméga des politiques publiques, mais il y a un vrai débat. Il ne faut pas punir, il faut prévenir et laisser le temps aux acteurs de s'adapter en annonçant, par exemple, "dans deux ans la fiscalité avantagera tels produits respectueux de l'environnement". Il faut établir une fiscalité favorable aux produits agricoles respectueux de l'environnement. Par exemple, nous voulons relever la TVA des produits issus des fermes usines. On protège ainsi nos agriculteurs des importations déloyales et on s'assure que ces fermes ne se développent pas en France. De la même manière, il faut envisager une fiscalité plus favorable aux voitures hydrogènes et électriques.