« Nous avons besoin d'une vision de trois à cinq ans, a souligné Pascal Alexandre, directeur technique chez Saint Gobain PAM lors d'une des deux journées techniques, organisées par Hydreos pour le compte du pôle de compétitivité France Water team et consacrées à la refonte de la Directive eau potable pour les matériaux et objets en contact avec l'eau potable. Le lancement de nouveaux produits prend du temps : il est indispensable de connaître en amont les orientations et attentes des agences sanitaires », s'inquiète le fabricant. Car si les grandes lignes de la réforme sont connues, le texte final n'est pas encore publié.
Les ministres européens de l'Environnement ont validé le 5 mars 2020 l'accord politique trouvé le 5 février par le comité des représentants permanents des gouvernements des États membres de l'Union européenne. Désormais le projet de Directive est en cours de traduction et d'analyse juridique. Il pourrait être publié au mois de décembre 2020. A partir de cette date, les États-membres auront deux ans pour le transposer dans leur réglementation nationale (avec des exceptions possibles).
Parmi les principales évolutions apportées par le texte pour les matériaux et objets en contact avec l'eau potable : la mise en œuvre d'un système d'évaluation commun au niveau européen qui intègre des méthodologies, des tests de migration, mais également l'établissement d'une liste positive de produits autorisés pour la composition des matériaux.
Par rapport à la réglementation française actuelle, une différence est à noter : la Directive demande à ce que les matériaux ne puissent pas contribuer à faire proliférer les micro-organismes.
Une première liste à l'horizon 2024
Pour ce qui concerne le calendrier, la première liste européenne devrait voir le jour à l'horizon 2024. Celle-ci se fera sur la base des données fournies par les États membres à l'Agence européenne des produits chimiques (Echa). « L'Echa transmettra aux États-membre un outil pour notifier leur liste nationale positive », a expliqué Panagiotis Zarogiannis, responsable de la réglementation à l'Echa. Ces derniers auront alors six mois après la publication de la Directive pour communiquer leurs éléments. L'Echa exploitera également les travaux et les listes établies par l'initiative des 4MSI.
Ensuite, au plus tard trois ans après l'entrée en vigueur de la directive, les méthodes pour tester les substances à inclure dans les listes positives européennes ainsi que les tests pour les matériaux finaux devraient être disponibles. Et un an après, ce sera au tour des produits chimiques autorisés (pour la composition de ces matériaux), d'être listés pour chaque groupe, métaux, émaux, céramique, etc. Au final, la première liste européenne devrait regrouper environ 1500 molécules, selon l'Echa. « La liste intégrera la date d'expiration pour chaque entrée, les conditions d'utilisation et les limites de migration », a précisé Panos Zarogiannis. Ces dates pour la révision seront établies en fonction de la date d'intégration dans la liste, la disponibilité, la qualité et la mise à jour de l'évaluation des risques mais également le statut réglementaire et les connaissances sur leurs propriétés.La seconde phase opérationnelle devrait ensuite s'ouvrir en 2025 avec le processus de révision de cette liste.
Des actes délégués viendront compléter les dispositions
Des précisions sur le texte pourraient arriver dans le même horizon. « L'article 11 de la Directive eau potable [qui encadre les matériaux et objets en contact avec cette ressource], sera complété par des actes délégués d'ici trois à quatre ans qui viendront préciser les dispositions, dans l'attente, ce sera la réglementation nationale qui restera en vigueur, a indiqué Nathalie Franques, du bureau de la qualité des eaux du ministère de la Santé. La transposition se fera en gardant à l'esprit ces textes qui viendront plus tard ».Aujourd'hui c'est notamment l'arrêté du 29 mai 1997 qui encadre les matériaux et objets en contact avec l'eau : il établit par groupe de matériaux les règles qui permettent de vérifier leur conformité. Selon les types, différentes preuves sont demandées : l'attestation de la conformité sanitaire, le certificat de conformité avec les listes positives, une déclaration sur l'honneur de conformité avec la réglementation.
Une offre de laboratoire à consolider
« La France a beaucoup travaillé sur la recherche de position commune. L'objectif désormais est de revoir la réglementation française pour l'aligner sur le texte européen, a noté Jean Baron, représentant français des 4 MSI. C'est aujourd'hui en cours notamment à travers les listes concernant les matériaux métalliques ou l'application des normes européennes pour les tests de migration ». Les avancées ne sont toutefois pas rapides. « Pour les matériaux métalliques, il n'y a pas encore de laboratoire français qui réalise des tests de migration selon les normes européennes », a pointé Anne Novelli, adjointe au chef d'unité scientifique d'évaluation des risques liés à l'eau de l'agence nationale de sécurité sanitaire (Anses).Cette offre des laboratoires devra être étoffée à l'avenir. « Les capacités de tests pour les différents pays ne sont aujourd'hui pas suffisantes par exemple, en Allemagne les laboratoires sont saturés sous la demande, a illustré Pascal Alexandre, directeur technique chez Saint Gobain PAM. Les laboratoires devront être accrédités en nombre suffisant pour permettre une réponse rapide. Ils devront également aider les industriels à sélectionner les produits au stade de développement ». En complément de la révision de la Directive, la Commission devrait demander à un ou plusieurs organismes européens de normalisation, d'élaborer une norme européenne pour des essais et une évaluation uniforme des produits en contact avec l'eau destinée à la consommation humaine. « Lorsque les nouvelles procédures seront publiées, il y aura un label européen pour distinguer les matériaux et objets et faciliter la surveillance du marché » a précisé Michel Sponar, représentant de la DG Environnement au sein de la Commission européenne.