Le ministère de la Transition écologique a engagé depuis plusieurs années un programme de « modernisation et d'harmonisation » des textes relatifs aux canalisations à risques. C'est dans ce cadre que sont parus au Journal officiel du 4 juillet un décret et un arrêté relatifs à la sécurité des canalisations de gaz, d'hydrocarbures et de produits chimiques.
« Le réseau français de canalisations de transport mesure 51 000 km, dont 37 000 km pour le gaz naturel, 10 000 km pour les hydrocarbures, et 4 000 km pour les produits chimiques », rappelle le ministère. « Les retours d'expérience réalisés à la suite de plusieurs accidents récents ont montré que la fréquence et la nature des actions de surveillance étaient certainement insuffisantes », a expliqué Jacques Vernier, président du Conseil supérieur de la prévention des risques technologiques (CSPRT) lors de l'examen de ces textes en novembre dernier.
L'année 2019 a en effet été marquée par plusieurs accidents sur des canalisations : rupture d'un pipe-line dans les Yvelines suite à une fissuration, fuite d'une canalisation à Belle-Île-en-Mer suite à une corrosion externe, fuite d'une canalisation à la raffinerie de Donges en raison de plusieurs défauts combinés, fuite d'une canalisation de kérosène de la Société de manutention des carburants d'aviation sur la plateforme de Roissy-Charles-de-Gaulle… Les risques étaient identifiés puisque la surveillance et la maintenance des canalisations étaient inscrites parmi les priorités de l'inspection des installations classées pour l'année 2019, et de nouveau cette année. Mais, de la même manière qu'en matière d'installations classées (ICPE), la réforme répond à un double mouvement ; d'une part, de renforcement des prescriptions de surveillance et de maintenance à travers l'arrêté et, d'autre part, de simplification des procédures d'autorisation à travers le décret.
Identifier l'ensemble des défauts à surveiller
Le nouvel arrêté, qui vient modifier l'arrêté du 5 mars 2014, renforce tout d'abord les dispositions constructives. Les nouvelles canalisations doivent être conçues pour permettre le passage de racleurs instrumentés permettant le contrôle périodique de leur intégrité. Leur sectionnement doit aussi être conçu de manière à limiter la quantité de fluide rejetée en cas d'accident.
Le texte renforce aussi la surveillance des ouvrages, en précisant la liste des défauts à surveiller et les paramètres à suivre dans le cadre du plan de surveillance et de maintenance (PSM). « L'objectif est d'allouer davantage de moyens et d'identifier l'ensemble des défauts qui doivent être surveillés (défauts géométriques, perte de métal, fissures longitudinales et transversales) », a expliqué Christophe Pecoult, rapporteur du projet devant le CSPRT. « L'arrêté est plus prescriptif en termes de moyens, en cohérence avec les différents accidents qui se sont produits récemment », ajoute le représentant du ministère de la Transition écologique.
Une fréquence minimale de contrôle de quatre ans, contre six ans actuellement, est imposée aux canalisations dont la première mise en service date de plus de trente ans. L'arrêté prévoit que des mesures devront être mises en œuvre pour stopper l'alimentation d'une section de canalisation concernée par une fuite de liquide dans un délai de vingt minutes à compter de la détection.
Suppression de la procédure d'autorisation des petites installations
Le décret, quant à lui, porte sur les procédures. La procédure d'autorisation est supprimée pour les canalisations qui ne font pas l'objet d'une évaluation environnementale, c'est-à-dire celles d'une longueur inférieure à 2 km, d'une superficie inférieure à 500 m2, et dont la pression maximale en service est inférieure à 4 bar.
Le CSPRT avait considéré que la suppression du régime d'autorisation pour ces installations « n'était pas suffisamment bordée en l'absence de mise en place d'un régime de type "déclaration avec possibilité d'opposition". ». Mais, dans le même temps, il avait admis cette possibilité compte tenu de celle donnée au préfet de fixer des prescriptions techniques particulières pour ces installations. Ces prescriptions pourront porter sur leur exploitation, leur surveillance, la réalisation de contrôles techniques, d'analyses ou d'expertises, y compris une étude de dangers. Le représentant de l'État pourra consulter le Coderst « lorsqu'il l'estime nécessaire en raison des enjeux ».
Le texte transfère par ailleurs la compétence de délivrance des autorisations du niveau ministériel au niveau préfectoral, sauf pour les canalisations transfrontalières ou relevant de la défense nationale, et limite le nombre de consultations obligatoires.
Il introduit également « d'autres ajustements concernant notamment les procédures de modification, les servitudes d'utilité publique "risque", les études de dangers, la mise à jour des données cartographiques, ainsi que le dossier de mise en service », indique le ministère de la Transition écologique. Ainsi, le texte permet de consulter les maires en lieu et place du Coderst sur les servitudes d'utilité publique « risques » lorsque la modification a une portée géographique limitée. « Un nouveau "coup de canif" dans la concertation avec les parties prenantes et les représentants de la société civile », peste Jacky Bonnemains de l'association Robin des bois.