
Un bilan défavorable pour la France
En France, entre 1990 et 2007, les émissions françaises de GES d'origine agricole ont diminué de 11% pour cause de diminution des effectifs de bovins, de la surface agricole totale et des apports d'engrais azotés. Le puits de carbone a quant à lui crû de 81% pour cause de sous-exploitation de la ressource forestière. La forêt française gagne en effet près de 70.000 ha par an. Malgré tout le bilan reste défavorable. Les émissions de GES d'origine agricole sont estimées à 96 millions de tonnes (données 2007, hors émissions dues aux consommations énergétiques) alors que les puits de carbone n'en absorbent que 72 millions. Et cette situation risque de s'aggraver à l'horizon 2020 selon les estimations réalisées récemment par l'Institut Nationale de la Recherche Agronomique (Inra).
L'Inra a envisagé plusieurs scénarii concernant à la fois les émissions de GES du secteur agricole et la capacité de stockage des puits de carbone en fonction de la politique agricole déployée en Europe et de l'exploitation des forêts. Dans tous les cas l'Inra estime que le puits forestier risque de diminuer d'ici à 2020. Alors que ce puits absorbait 77 millions de tonnes en 2005, il ne capterait plus que 48 millions de tonnes d'ici 2020 si la France se met à exploiter intensivement sa forêt notamment à des fins énergétiques (bois-énergie). L'augmentation des surfaces forestières ne suffit donc pas à compenser la perte de stockage liée aux augmentations de la récolte, explique Stéphane De Cara, directeur de recherche à l'Inra de Versaille-Grignon.
Côté émissions agricoles, les simulations de l'Inra prévoient une diminution des émissions entre 3,4% et 12% : 12% si l'activité agricole diminue d'elle-même à cause du ralentissement de la croissance économique et de l'ouverture accrue du marché communautaire ; 3,4% si au contraire l'agriculture s'intensifie à travers la suppression des jachères, des quotas laitiers et une forte réduction du budget agricole communautaire.
Pour les chercheurs, il est donc essentiel de préserver les puits de carbone forestier et de renforcer la baisse des émissions de carbone du secteur de l'agriculture. Il faut intégrer le prix des émissions de CO2 dans les décisions des agriculteurs, propose Stéphane De Cara en évoquant plusieurs outils comme l'instauration d'une taxe carbone, la rémunération du stockage de carbone ou encore le déploiement des quotas de CO2 au secteur.
L'objectif serait de mettre au point de nouveaux systèmes agricoles capables de fournir un rendement équivalent pour des impacts environnementaux limités. Mais il faut également des systèmes agricoles moins vulnérables aux changements climatiques, ajoute Stéphane de Cara. Selon Hervé Guyomard, directeur scientifique de l'Inra, ces considérations sont tout l'enjeu de la politique agricole commune de demain : à l'heure actuelle la question du CO2 est incluse dans la PAC mais à un faible niveau. Elle le sera de plus en plus dans les années à venir. Toute la question est de savoir à quelle vitesse et de quelle façon nous souhaitons gérer la transition du monde agricole.