Vendredi 29 mars, Dephine Batho, ministre de l'Ecologie, et Stéphane Le Foll, ministre de l'Agriculture, ont présenté un plan "Energie Méthanisation Autonomie Azote" (EMAA). Objectif ? "Développer en France, à l'horizon 2020, 1.000 méthaniseurs à la ferme", avancent les ministères ajoutant qu'il "mobilisera 2 milliards d'euros d'investissement et permettra de créer environ 2.000 emplois pérennes". Fin 2012, il y avait 90 unités de méthanisation agricole en France et le rythme des nouveaux projets est de 70 par an depuis 2011. Le plan EMAA vise un quasi-doublement de ce rythme avec 130 nouveaux projets par an entre 2013 et 2020.
Le plan doit permettre de "développer un « modèle français de la méthanisation agricole » pour faire de la méthanisation agricole collective de taille intermédiaire un complément de revenus pour les exploitations agricoles, en valorisant l'azote et en favorisant le développement de plus d'énergies renouvelables ancrées dans les territoires, dans une perspective d'agriculture durable et de transition énergétique et écologique", synthétisela présentation du plan. (1)
A noter qu'en février 2010, le gouvernement de François Fillon avait déjà proposé un plan d'action de lutte contre les algues vertes basé notamment sur la méthanisation des effluents agricoles afin de réduire les "fuites de nitrates".
Appel à projets, simplification et création d'une filière
Un appel à projets "gestion collective et intégrée de l'azote" sera lancé en juin 2013. Il sera initié dans deux bassins pilotes (non-précisés) et il visera à "promouvoir des démarches collectives à l'échelle d'un territoire ou d'une filière, de réduction de l'usage d'azote notamment minéral". Un fonds de 10 millions d'euros lui sera consacré et les projets seront retenus selon "les objectifs de résultats qu'ils se fixent, les moyens proposés pour y parvenir, le caractère innovant des mesures, les financements demandés, ainsi que sur les modalités de suivi qu'ils prévoient". De même, le tarif d'achat pour l'électricité produite à partir de biogaz devrait être "[optimisé] pour favoriser les projets de méthanisation collective à la ferme".
Le gouvernement promet aussi une simplification des procédures administratives et un meilleur accompagnement des porteurs de projets. Le chantier est vaste puisque le plan prévoit notamment de lever les freins statutaires ou fiscaux de la méthanisation agricole, un relèvement de 50 à 60 tonnes d'intrants par jour du seuil du régime d'autorisation dans le cadre de la réglementation relative aux installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE), une possible mise en place d'un guichet unique dans le cadre de la politique générale de simplification administrative et la mise en place d'un dossier type pour les demandes d'aides et pour les démarches réglementaires.
Le plan prévoit enfin que le Programme investissement d'avenir soutienne la création d'une filière nationale d'équipements de méthanisation et de valorisation des digestats, afin de structurer la filière. Les équipements de méthanisation agricole seront donc inclus dans le prochain appel à manifestation d'intérêt (AMI) de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) sur la valorisation des déchets et les appels à projets "structuration de filières" seront mobilisés.
Compétitivité et écologie
Les ministres expliquent que ce plan répond à une double logique : réduire les apports en azote minéral et participer à la transition énergétique défendue par le gouvernement.
Avec ce nouveau plan, le gouvernement entend favoriser une réduction globale du recours aux intrants et la substitution de l'azote minéral par l'azote issu des effluents d'élevage grâce à une "démarche agronomique fondée sur le respect de l'équilibre de la fertilisation". Il doit permettre "une « gestion globale de l'azote » sur les territoires, en valorisant l'azote organique et en diminuant la dépendance de l'agriculture française à l'azote minéral".
L'agriculture sera ainsi "à la fois plus compétitive et plus écologique", estiment les ministres. Elle sera plus compétitive car le recours à la méthanisation des effluents azotés réduira les coûts de fertilisation et permettra d'assurer aux agriculteurs un revenu complémentaire ou un accès à l'énergie à moindre coût. L'agriculture sera plus écologique car la méthanisation "limitera la pollution liée à l'azote en mettant à profit les excédents d'azote organique et réduira le recours aux engrais minéraux".
Quant au développement de la production d'énergies renouvelables, le gouvernement indique que "ce plan a été présenté dans le cadre du débat national sur la transition énergétique qui donnera lieu à une loi de programmation à l'automne".
Quid des apports carbonés ?
Ce plan "risque de transformer en « énergiculteurs » ceux dont le métier est de produire des aliments", déplore la Confédération paysanne qui craint que "des activités annexes [de méthanisation puissent] vite devenir principales". Même crainte pour France Nature Environnement (FNE) qui juge que "l'agriculture ne doit pas être un sous-produit d'une politique énergétique".
Un autre point soulevé par la Confédération paysanne concerne la composition de la biomasse méthanisée. "C'est en y ajoutant des sources riches en carbone que le processus de méthanisation est le plus efficace", explique le syndicat agricole qui rappelle que "cela se passe massivement en Allemagne qui incorpore plus d'un million d'hectares de maïs dans les digesteurs".
Une critique reprise par FNE qui "met (…) en garde concernant l'utilisation de ressources agricoles à des fins énergétiques". "La méthanisation ne doit pas avoir recours à des cultures dédiées, ce qui engendrerait un changement d'affectation des sols", estime la fédération qui indique "[ne pas vouloir] du modèle allemand : de grosses unités de méthanisation nécessitant des milliers d'hectares de maïs pour les alimenter". FNE demande donc que soient précisés les termes "modèle français" et "méthanisation agricole collective de taille intermédiaire".
Par ailleurs, "FNE rappelle que, par définition, la méthanisation ne réduit pas les quantités d'azote présent dans les digestats". Pour FNE le plan ne serait pas une réponse au problème des nitrates "dû à une trop grande concentration d'élevage et une importation de massive de soja, aliment riche en azote".