Quel est le paysage français de la méthanisation des boues de stations d'épuration ? Pour le connaître, l'Institut national de recherche en sciences et technologies pour l'environnement et l'agriculture (Irstea), en collaboration avec le groupe de Recherche Rhône Alpes sur les Infrastructures et l'Eau (Graie), ont lancé un questionnaire à l'ensemble des stations équipées d'un digesteur.
L'équipe a identifié 96 stations d'épuration équipées d'un digesteur, ainsi que neuf nouveaux projets. « Seules trente-cinq stations nous ont répondu, a indiqué Jean-Marc Perret, ingénieur en charge de l'étude sur la digestion des boues des station d'épuration à l'Irstea, lors d'un colloque du Graie dédié à ce sujet le 12 décembre. Toutefois les stations ayant répondues sont représentatives du parc ».
L'enquête montre que la majorité (66 %) des stations d'épuration ne sont équipées que d'un seul digesteur, 26 % en disposent de deux, et 8 % de trois. Dans ce cas, ces derniers sont en général en parallèle.
Peu de co-digestion
« Pour ce qui concerne les intrants, il y a peu de co-digestion », souligne Jean-Marc Perret. Parmi les types de matières acceptées par des digesteurs : les boues de la station arrivent en tête (36 des répondants) suivies par les graisses de la station ou celles externes (pour 13) et, à un niveau identique pour trois répondants, les boues externes ou les matières d'origine agroalimentaire.
« Les boues sont prétraitées soit par tamisage soit par broyage, avant d'alimenter le digesteur », note Jean-Marc Perret. Une petite part, 6 % des stations, recourt aux deux techniques.
Pour la quasi-totalité des stations (sauf deux) la méthanisation est mésophile (1) . Le chauffage du digesteur est assuré par du biogaz pour 47 % des répondants, du biogaz et du gaz naturel pour 23 %, du biogaz et du fioul pour 21 %, grâce à la chaleur du four d'incinération pour 6 %, et enfin du fioul pour 3 %.
« Les exploitants suivent les matières entrantes. Le plus faible pH remonté est 5,4 et le plus élevé, 7,8. Certain ajoutent de la chaux pour atteindre le pH », précise Jean-Marc Perret.
La concentration des matières en suspension peut aller de 27 à 64 g/l, et le taux de matières volatiles sèches (MVS) varie entre 65 et 86 %. Plus celui-ci est élevé, plus les boues sont susceptibles de fermenter rapidement et de produire du biogaz.
Une moyenne de temps de séjour de 32 jours
« La moyenne pour le temps de séjour se situe à 32 jours, ce qui est supérieur à des préconisations, de 25 jours, retrouvées dans la littérature, pour un fonctionnement optimal des digesteurs », pointe M. Perret.
Le brassage des boues est assuré, à part égale, soit de manière mécanique soit grâce à du biogaz.
Les points de rejets en sortie s'avèrent moins suivis qu'en entrée. Toutefois, l'enquête a montré, en moyenne, une réduction de 40 % des matières en suspension (MES) et 49 % des MVS. « Les productions de biogaz et de biométhane sont du même ordre que celles remontés par des enquêtes précédentes d'agences de l'eau, soit respectivement de 924 Nm3/T de MVS éliminée et 580 Nm3 de biométhane/T de MVS éliminée », constate Jean-Marc Perret.
« Pour quatre stations, l'augmentation de la concentration en métaux lourds et la pollution aux PCB (polychlorobiphényles) a conduit à une impossibilité du compostage », souligne M. Perret.
L'enquête a également montré le développement de l'injection et l'abandon d'une valorisation uniquement thermique.
Elle s'est également intéressée aux difficultés auxquelles sont confrontés les gestionnaires de ces installations. Ces derniers ont fait remonter des problèmes de bouchage par des filasses pour neuf stations. Parmi celles-ci, cinq étaient équipées de broyeurs ou de tamis.
Autres contraintes soulignées : l'entretien et le nettoyage des débitmètres, du dilacérateur et une usure des pompes. L'enquête montre également que le flux d'azote des retours en tête de station est à considérer dans le dimensionnement pour continuer à respecter les normes de rejets.