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Méthanisation : les unités à la ferme fonctionnent rarement de façon optimale

Faute de pouvoir maintenir dans le temps un approvisionnement conforme au plan prévisionnel, les unités de méthanisation s'éloignent souvent du fonctionnement optimal défini lors de leur construction.

Energie  |    |  P. Collet
Environnement & Technique N°337
Cet article a été publié dans Environnement & Technique N°337
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Les unités de méthanisation à la ferme peinent à respecter leur plan d'approvisionnement prévisionnel, en particulier s'agissant des intrants extérieurs à l'exploitation. Pourtant, ces derniers sont essentiels puisqu'ils compensent le faible pouvoir méthanogène du lisier. Faute de respecter le plan initial, les performances des unités sont dégradées.

Telle est l'une des principales conclusions de l'étude menée par l'association Biomasse Normandie relative à onze installations de méthanisation, dont six unités à la ferme, suivies sur douze à seize mois. L'enjeu est de taille, puisqu'en 2013 les unités à la ferme représentent la moitié du parc français et leur nombre devrait croître fortement.

Les résultats concernant les unités centralisées et à la ferme ont été présentés le 13 mai 2014 lors de la journée technique méthanisation de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe). L'étude passe en revue les aspects techniques, économiques, environnementaux et sociaux, avec pour objectif, notamment, de dresser un diagnostic afin d'optimiser les sites et de proposer des solutions aux futurs porteurs de projet.

Les installations suivies sont très variées, en particulier s'agissant des unités à la ferme. Si les six installations à la ferme utilisent la voie "liquide" ou "infiniment mélangée", la capacité de traitement varie de 3.600 à 8.600 tonnes par an, pour un volume du bioréacteur compris entre 675 et 2.000 m3. Enfin, les sites valorisent le biogaz par cogénération avec des puissances comprises entre 70 et 250 kilowatts (kW).

La concurrence pointée du doigt

Concernant la nature des intrants, l'étude fait apparaître que les unités agricoles recourent principalement aux effluents d'élevage qui représentent systématiquement la majorité des intrants. A cela, s'ajoutent des cultures énergétiques, pour en moyenne 17% avec un maximum à 51%. Quant à l'origine des intrants, Biomasse Normandie note qu'en moyenne 27% des flux ne sont pas produits sur l'exploitation, avec un maximum à 62%. A ce sujet, l'étude souligne que "l'impact [des apports exogènes] sur la production de biogaz (au regard de leur potentiel méthanogène) est notable". C'est un sujet qui nécessite une "grande vigilance", estiment les auteurs de l'étude puisque ces apports sont souvent indispensables au fonctionnement optimal des installations.

En conséquence, l'étude constate que les plans d'approvisionnement prévisionnels sont rarement tenus. Le développement de la méthanisation aidant, la concurrence entre les unités pour accéder à ces intrants essentiels au bon fonctionnement des unités devrait s'accroître, ce qui inquiète Biomasse Normandie. "Afin de pérenniser la filière et optimiser le fonctionnement des unités de méthanisation, il paraît indispensable de mettre en place des dispositifs de suivi adaptés, rigoureux et formatés", alerte l'association. Ces dispositifs peuvent être établis au niveau territorial et national et doivent, entre autres, permettre d'anticiper le risque de concurrence, porter un regard critique sur la faisabilité des projets ou encore limiter les risques de surdimensionnement.

Le retour d'expérience de Franck Rocher, gérant du GAEC du Roitelet (Haute-Loire), confirme la difficulté à maintenir dans le temps un plan d'approvisionnement. "En trois ans, les intrants peuvent varier sensiblement", a expliqué l'exploitant qui gère une unité de 250 kW électrique. Il a notamment expliqué qu'il s'adapte en permanence en fonction des opportunités territoriales. Actuellement, il consacre 35 hectares de culture de maïs pour couvrir un tiers des besoins de l'installation de méthanisation, une situation qu'il déplore mais qui est nécessaire à la bonne marche de son unité dans un contexte de "rentabilité tendue".

Spécifications constructeurs mal respectées

Les problèmes d'approvisionnement constatés se répercutent directement sur deux indicateurs essentiels du dimensionnement des installations : le temps de rétention hydraulique (TRH), c'est-à-dire le temps de séjour moyen des effluents dans l'unité de méthanisation, et la charge organique, qui mesure l'introduction de matière organique dans le digesteur.

En moyenne, le TRH prévisionnel des unités à la ferme étudiées était de 30 jours. La réalité est relativement éloignée puisque le TRH moyen est de 37 jours, avec des observations allant de 22 à 70 jours. Quant à la charge organique, elle varie de 1 à 3,3 kg de matière organique par jour et par m3 de digesteur.

"Le TRH est peu conforme aux spécifications des constructeurs", souligne Sandrine Blanville, directrice de la programmation chez Biomasse Normandie, insistant sur le fait qu'"on n'est pas dans l'optimum prévu", compte tenu de la variabilité de l'approvisionnement. Le dimensionnement des unités étant calculé pour obtenir une production optimale à partir d'une ration donnée, lorsqu'un écart apparaît par rapport au plan prévisionnel, l'unité s'écarte de son optimum. Etant donnés les problèmes d'approvisionnement évoqués précédemment, "il semble inévitable que les indicateurs techniques ne soient pas systématiquement à leur optimum", estime l'étude.

Enfin, la production annuelle moyenne d'énergie primaire s'élève à 3.500 mégawattheures (MWh) par an pour les six unités à la ferme étudiées. Elles affichent des rendements moyens de 38% pour l'électricité et de 43% pour la chaleur, selon les données avancées par les constructeurs.

Cependant, les pertes en énergie primaire réellement constatées sont de l'ordre de 29 à 44%. Cela s'explique en grande part par les difficultés rencontrées pour exploiter l'intégralité de la chaleur produite. Si 10 à 20% de l'énergie primaire est utilisée sous forme de chaleur pour du processus de méthanisation, l'excédent de chaleur n'est pas toujours bien utilisé faute de besoin sur l'exploitation.

Réactions9 réactions à cet article

y a-t-il aussi des données sur les fuites de méthane de ces installations, qui dégradent leur rendement, mais contribuent aussi violemment à l'effet de serre?

albert | 15 mai 2014 à 17h16 Signaler un contenu inapproprié

Des importants producteurs de matières méthanisables sont oubliés. Les habitants proches de ces unités, sont en effet producteurs d'aux moins une cinquantaine de KG de bio-déchets. Ces bio-déchets pouvant et donc devant être valorisés ne devraient pas se retrouver en décharge, ni d'ailleurs dans un incinérateur puisque humides ils dégradent les performances énergétiques. Une collecte séparée avec des contrats de traitement par les possesseurs de ces installations agricoles ferait du gagnant-gagnant.

Duport claude | 15 mai 2014 à 20h01 Signaler un contenu inapproprié

C'est ce qu'on appelle un plaidoyer pour justifier l'autorisation des cultures énergétiques. Remplacer 30 hectares de maïs par 60 de CIVE et la question ne se pose plus. Juste un peu de souplesse et d'adaptation.

JFK | 16 mai 2014 à 09h23 Signaler un contenu inapproprié

Des résultats bien préoccupants! Ce qui est particulièrement choquant est de devoir cultiver des plantes rien que pour faire tourner l'unité de méthanisation: clairement on est absolument pas dans la solution au problème. Le problème est de traiter des déchets et de limiter la consommation de ressources. La question de l'incinération du lisier reste posée: on sait la quantité de carburant, la destruction des matières organiques est assurée, la charge en Azote disparait aussi.
L'autre possibilité peut-être des centres collectifs si cela permet une autosuffisance du traitement.

ami9327 | 16 mai 2014 à 18h56 Signaler un contenu inapproprié

Cela confirme que la méthanisation ne peut se faire n'importe où, n'importe comment, est une affaire de professionnels sérieux, d'améliorations technologiques encore en cours et qu'il faut optimiser chaque site. Cela entraîne aussi une meilleure organisation des territoires, des réseaux et des utilisations. A noter également que l'électrolyse améliore sensiblement les rendements mais est encore très peu appliquée. Est également à simplifier et mieux organiser le problème de l'injection dans le réseau et des normes et contraintes parfois dépassées qui engendrent également des pertes de rendement et ne correspondent pas toujours aux réalités actuelles. Il est plus performant d'utiliser le biogaz pour une chaudière gaz haute performance que pour la vieille cuisinière de Tante Marguerite, ses cassoulets longs à cuire dans ses casseroles en fonte et où les normes biogaz ne sont plus à jour !

Energie+ | 17 mai 2014 à 04h10 Signaler un contenu inapproprié

ces installations sont censées valoriser la production des déchets, pas encourager la production de cultures énergétiques , on marche sur la tête, encore une fois une bonne idée mal mis en place et exploitée dans l'unique but de faire des bénéfices!!!

lio | 17 mai 2014 à 10h30 Signaler un contenu inapproprié

Re-lecture 5 mois plus tard !
L'article initial: ''Méthanisation : les unités à la ferme fonctionnent rarement de façon optimale''
Nouvel article suggéré: ''Méthanisation à la ferme: comment améliorer et tendre vers l'optimal !''
Il faut avancer, pardi !...en améliorant la maîtrise des choses!

A Philippe Collet, l'auteur de l'article de mai 2014, et à tous les lecteurs, commentateurs: quelle nouvelle lecture de cet article avec un recul de 5 mois? Quels progrès ont été faits et constatés dans la mise en oeuvre en France? REX?
Une suite de cet article me parait souhaitable.
Merci
A+ Salutations
Guydegif(91, 68 et 30)

Guydegif(91) | 01 octobre 2014 à 11h40 Signaler un contenu inapproprié

La méthanisation est une solution qui est difficile à mettre en place dans les conditions que le gouvernement et les citoyens le demandent.

Le gros problème sont les gisements de déchets organiques, l'agriculteur ne maîtrisent pas ces approvisionnements extérieures (souvent il paye chère ces intrants), il ne maîtrise rien ni le prix ni la date d'approvisionnement c'est trop aléatoire (contractualisation difficile) et quand ces gisements viennent à manquer, la seule solution est de produire soi-même ces intrants.

La réalité est que si cette agriculteur ne produisait pas de maïs pour son méthaniseur comment il produirait du gaz? les cultures intermédiaire sont un gouffre financier et ne produisent pas de gaz sinon on les utiliseraient pour l'alimentation animal.

Les ménages sont une solution mais les déchets organiques sont remplies de matières inertes (plastiques, métaux,...) par problème de trie. Voulons nous remplir nos champs de ces matières inertes?

Si on veut des productions renouvelables en quantités importante il va falloir trouver des solutions. Il est simple de dire à quelqu'un comment gérer son entreprise si on ne connaît pas ces contraintes.

Titi | 04 novembre 2014 à 12h03 Signaler un contenu inapproprié

Payer pour débarrasser les collectivités et les industriels de leurs déchets, c'est balaise! Quand on sait que cela leur coûte plusieurs centaines d'euros par tonne, il faut être un sacré négociateur.
Un conseil, travaillez plutôt vos dossiers, les cultures intermédiaires c'est une production supplémentaire, dont la biomasse se situe entre 5 et 15 tonnes de matière sèche. Vous avez aussi le droit d'être exigeant avec vos fournisseurs et de commencer à réfléchir à des solutions intermédiaires, plutôt que d'avaler les salades de la FNSEA, dont on sait qu'il y a longtemps qu'elle se souci d'avantage de l'avenir de l'industrie que de celui des paysans. Il serait d'ailleurs intéressant de connaitre la représentativité de leurs adhérents.

JFK | 04 novembre 2014 à 20h00 Signaler un contenu inapproprié

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