« La méthanisation est utile à la transition énergétique », mais « un modèle français [peine] encore à s'affirmer », estiment les sénateurs de la mission d'information sur la méthanisation dans le mix énergétique. Leur rapport (1) , remis ce mardi 5 octobre, formule 61 propositions qui « [définissent] les contours d'un modèle français de la méthanisation, fondé, tout à la fois, sur un développement maîtrisé, cohérent avec les territoires et leurs capacités propres, respectueux de l'environnement et utile aux agriculteurs ».
Éviter les projets « XXL »
La méthanisation a connu « une très forte croissance », passant de 1 à près de 7 térawattheures (TWh) de capacité de production entre 2007 et 2019. Fin 2020, la France comptait 1 075 installations : 214 injectent du biométhane (pour une capacité annuelle totale de 3,9 TWh) et 861 produisent de l'électricité (pour une production annuelle de 2,6 TWh). Pour autant, des freins persistent, estiment les sénateurs : « Le cadre de soutien [présente] des limites et des ambiguïtés » ; les coûts de production restent élevés ; et « la méthanisation [reste] source de débats, en raison de risques environnementaux et agricoles ».
Pour remédier à ces problèmes, la mission sénatoriale défend le développement d'un « modèle français ». Il ne s'agit pas d'accélérer le pas en créant des installations de très grande taille, expliquent les sénateurs qui rejettent « les projets de méthanisation "XXL" » et le modèle allemand basé sur des cultures énergétiques. Mais il s'agit tout de même de « favoriser une production de gaz bénéfique pour assurer la transition énergétique ».
Il faut d'abord clarifier les politiques publiques
Cette clarification doit d'abord aboutir sur une mise en cohérence de la législation et de la programmation pluriannuelle (PPE) de l'énergie (la loi de transition énergétique de 2015 fixait un objectif de 10 % de gaz renouvelable en 2030, alors que la PPE ne vise que 7 à 10 % assortis d'importantes baisses de coûts). Elle doit aussi préparer la prochaine planification quinquennale pour la période 2023-2028, en prévoyant la réévaluation de l'objectif de 10 % de gaz renouvelable d'ici à 2030.
Le troisième volet de cette clarification concerne les dispositifs de soutien. Les sénateurs défendent une consolidation de l'obligation d'achat et du complément de rémunération, le maintien du soutien accordé à la cogénération et de celui spécifique à l'injection du biométhane issu des boues d'épuration, ainsi que l'intégration du biogaz au plan de relance (et cela, dès le projet de loi de finances pour 2022).
Territorialisation du développement de la méthanisation
Le second axe proposé doit permettre de structurer la filière. Cela passe d'abord par une gouvernance renforcée : la consolidation de la démarche qualité (avec la diffusion du label Qualimétha et la création d'un label Exploitation) et une planification énergétique et climatique (SNMB (2) , PPE et SNBC (3) ) élaborée avec la filière du biogaz sont souhaitées. La structuration de la filière passe aussi par une diversification des techniques (pyrogazéification, gazéification hydrothermale et power to gas) et usages (notamment pour la décarbonation des transports).
Bien sûr, le rapport recommande aussi que le « modèle français » mette l'accent sur la territorialisation des projets. Pour cela, il suggère de mobiliser les collectivités (en renforçant l'information préalable sur les projets, en informant et consultant les citoyens, etc.) et les services déconcentrés de l'État (via la mise en place d'un guichet unique pour le porteur de projets). Le rapport propose aussi la création d'une base de données des installations, sous l'égide de l'Agence de la transition écologique.
Mieux évaluer les externalités
Les deux derniers axes concernent les pratiques et le fonctionnement des installations. Il s'agit tout d'abord de renforcer les externalités positives en exploitant des ressources non agricoles et en acquérant des connaissances sur les impacts de la méthanisation. Les Safer (4) pourraient notamment réaliser un suivi des effets de la massification de la méthanisation sur le prix du foncier agricole. Le renforcement des externalités positives concerne aussi les impacts environnementaux, avec le maintien du plafond de 15 % de culture réservée et une meilleure définition des Cive (5) .
Enfin, la prévention des risques clôt la série des propositions sénatoriales. En l'occurrence, le rapport évalue le sujet à la lumière de l'accident survenu à Châteaulin (Finistère), qui a privé d'eau potable 180 000 personnes. Pour éviter de tels accidents, il propose d'élaborer un cadre « risque » approprié, en évaluant la simplification du régime des installations classées (ICPE) et son impact économique. Il faut aussi « développer une culture de la prévention des risques », notamment en renforçant les offres de formation continue.