Président de France Nature Environnement (FNE)
Actu-Environnement.com : Les programmes des deux candidats sont-ils à la hauteur des enjeux écologiques ?
Michel Dubromel : Il y a un décalage important. Il n'y avait aucun élément dans le programme de Marine Le Pen pour la présidentielle de 2012. Elle fait aujourd'hui des propositions ponctuelles, parfois contradictoires, reliées à un discours protectionniste. Emmanuel Macron, quant à lui, est dans la continuité des grandes lois du quinquennat sur la transition énergétique et la biodiversité. Son programme n'est pas assez ambitieux mais il y a une logique dans sa démarche.
AE : Quelles sont les contradictions que vous pointez dans le programme de Marine Le Pen ?
MD : Elle se positionne par exemple en faveur d'une amélioration de la qualité de l'air mais refuse de prendre des mesures coercitives sur la circulation automobile. En matière de mix énergétique, elle se prononce en faveur du développement des énergies renouvelables mais demande un moratoire sur l'éolien, la filière pourtant la plus dynamique. Sur le nucléaire, elle enjambe la situation actuelle en demandant de nouvelles investigations.
AE : En quoi le programme d'Emmanuel Macron est-il plus cohérent en matière de politique énergétique ?
MD : Même si la loi de transition énergétique aurait pu être plus ambitieuse, elle constitue un engagement que le candidat souhaite honorer. Son engagement à fermer les centrales à charbon fait partie des éléments concrets. L'annonce d'une réforme du marché carbone va également dans le bon sens. En revanche, Emmanuel Macron reste aussi prudent que le Gouvernement actuel sur la fermeture de Fessenheim en la conditionnant au démarrage de l'EPR, alors que cette fermeture doit être effective si l'on veut respecter l'objectif de 50% de nucléaire à l'horizon 2025. Elle permettra aussi d'ouvrir une nouvelle filière industrielle du démantèlement en France.
AE : Que pensez-vous des programmes des candidats en matière de santé environnementale ?
MD : Il n'y a pas grand chose dans le programme de Marine Le Pen. Emmanuel Macron a en revanche pris spontanément position en faveur d'une séparation des activités de vente et de conseil en matière de pesticides, ce que nous réclamons de longue date. Il envoie des signaux positifs de prise en compte des problèmes de santé environnementale, qu'il s'agisse de pesticides ou de perturbateurs endocriniens.
AE : Le positionnement des deux candidats sur l'agriculture vous convient-il ?
MD : Marine Le Pen applique la préférence nationale, les circuits courts pour protéger la filière agricole mais cela ne va pas résoudre les problèmes. Elle prend position contre les fermes usines mais dans une logique de lutte contre les multinationales sans dispositif opérationnel. Emmanuel Macron fixe des objectifs de bon sens comme les 50% de produits bio ou provenant de circuits courts dans les cantines scolaires même s'il ne donne pas de précision sur leur mise en œuvre. On ne comprend en revanche pas très bien sa proposition de rémunérer les services environnementaux rendus par les agriculteurs. Il est important de reconnaître ces services mais la rémunération pose problème. Dans cette logique, les associations pourraient aussi être rémunérées pour l'entretien des milieux naturels.
AE : Comment percevez-vous les programmes des candidats en termes de biodiversité, d'aménagement et d'infrastructures de transport ?
MD : Sur le projet emblématique de Notre-Dame-des-Landes, Emmanuel Macron adopte une position attentiste et souhaite faire un état des lieux. Nous sommes par contre intéressés par sa proposition de remettre en état les infrastructures de transport existantes, en particulier le réseau ferroviaire, qu'il s'agisse du fret ou des voyageurs. La loi biodiversité est un tournant, sa volonté de la mettre en œuvre, tout comme la loi de transition énergétique, est bénéfique. Du côté de Marine Le Pen, nous n'avons pas vu grand chose sur ces questions. Elle se positionne en faveur d'une protection des paysages, à laquelle on ne peut s'opposer, mais les mesures de protection de la biodiversité relèvent plus de l'effet d'annonce. De même, ses propositions en faveur de la protection des animaux sont ponctuelles et ne participent pas à la réflexion plus profonde sur le bien-être animal dans les élevages.
AE : Les investissements et les dispositifs fiscaux proposés sont-ils à la hauteur ?
MD : Emmanuel Macron annonce des financements significatifs pour la transition énergétique mais il faut voir les moyens réellement mis en œuvre, notamment dans le cadre du plan de rénovation des bâtiments publics. Le candidat se positionne en faveur du rattrapage du différentiel de fiscalité essence/diesel, alors que Marine Le Pen s'y oppose. Il propose également une prime de 1.000 euros pour l'acquisition d'un véhicule propre. C'est un premier pas vers les objectifs de l'Accord de Paris même si nous souhaiterions plus d'ambition pour le transport aérien et routier qui bénéficient d'aides fiscales non compatibles avec la transition énergétique. Pour Marine Le Pen, c'est un zéro pointé dans ce domaine.
AE : Quels sont les grands dossiers absents du programme des deux candidats ?
MD : C'est en premier lieu la révision du code minier. Emmanuel Macron s'est prononcé contre la délivrance de nouveaux permis d'exploration d'hydrocarbures mais seule la révision de ce code permettra d'éviter les recours d'entreprises. Il faut arrêter de creuser et envisager de réutiliser dans une logique d'économie circulaire.
Il faut ensuite réviser les règles de gouvernance en assurant la participation des associations de protection de l'environnement au Conseil national de l'industrie et à la Conférence sociale, de la même façon que les entreprises participent au Conseil national de la transition écologique.
Il faut enfin que le Gouvernement applique une feuille de route reprenant les objectifs de développement durable de l'ONU comme le fait la Norvège. Ces objectifs devront s'appliquer à tous les ministères et pas seulement à celui de l'Environnement.