« Comment doit-on habiter la France demain pour répondre à l'urgence climatique et au besoin de loger les Français ? » C'est à cette question qu'Emmanuelle Wargon, ministre du Logement, a tenté de répondre en concertant les citoyens et les acteurs concernés. Lancée en février 2021, l'opération « Habiter la France de demain » vise à diffuser et valoriser des modèles d'aménagement et de construction « durables ». Après avoir consulté, cet été, le public, puis organisé plusieurs tables rondes sur le sujet, la ministre a présenté, le 14 octobre, ses dix « idées » (1) issues de cette démarche.
« Faire de la qualité, la contrepartie de la densité »
Sa feuille de route vise, dans un premier temps, à « redorer l'image » du logement collectif et des quartiers denses, plus sobres en foncier. « Nous devons gagner la bataille culturelle qui consiste à préférer l'intense à l'étalement, le collectif à l'individuel, la sobriété foncière à l'artificialisation des terres naturelles. Pour cela, la qualité et l'esthétique des logements, en particulier collectifs, sont essentielles », indique Emmanuelle Wargon. Pour y parvenir, cette dernière a lancé, avec la ministre de la Culture, Roselyne Bachelot, un appel à manifestation d'intérêt (2) (AMI) baptisé « Engagés pour la qualité du logement de demain ». Les équipes candidates, constituées d'un maître d'ouvrage public ou privé, d'une collectivité et d'un architecte, ont jusqu'au 18 février 2022 pour répondre à cet AMI. L'objectif est de « concevoir des logements, alliant exigence esthétique et environnementale, tout en maîtrisant les coûts. De nouvelles solutions architecturales doivent être inventées, et expérimentées, en intégrant au mieux la collectivité et les habitants », a expliqué le ministère de la Culture. Un soutien financier en ingénierie sera apporté aux projets lauréats par la Caisse des dépôts.
Les logements neufs vendus à partir de 2023, et destinés à être loués avec l'avantage fiscal « Pinel + », devront aussi répondre à des critères de qualité d'usage. Toutefois, le pôle habitat de la Fédération française du bâtiment (FFB) regrette « le durcissement du dispositif Pinel (surface minimale par typologie de logement, présence systématique d'un espace extérieur et double exposition à partir du T3), d'autant qu'il intervient dans un contexte où les porteurs de projets se trouvent déjà confrontés à la RE 2020, à la REP et à une multiplication de surenchères d'exigences (via des chartes locales notamment) ». Et la fédération pointe à nouveau « des surcoûts qu'il faudra prendre en charge ».
La place de la maison individuelle questionnée
Dans un communiqué paru le 15 octobre, la ministre a cependant modéré ses propos et elle assure « qu'il n'est pas question d'en finir avec la maison individuelle ». Mme Wargon « continuera de défendre tous les modèles d'habitats durables qui, sans s'opposer à la maison individuelle, donnent des perspectives d'avenir pour réconcilier l'impératif écologique et celui de loger les Français là où ils en ont besoin », précise le ministère.
Les maisons individuelles « ont toutes leur place » pour habiter la France de demain, réitère le ministère. Et il cite plusieurs exemples comme les « écoquartiers associant maisons et immeubles, les maisons de ville bénéficiant d'un accès aux transports en commun, les corps de fermes transformés en logements pour vivre en ruralité sans empiéter sur de nouvelles terres naturelles, etc. ».
Relancer le logement neuf et baisser les coûts de construction
Pour relancer la construction de logements neufs dans les grandes villes, la feuille de route prévoit, en outre, de fixer des objectifs de construction dans certains quartiers. Une aide de 1 500 euros par logement sera distribuée, en 2022, aux communes qui respecteront leurs quotas. Le gouvernement a aussi signé un protocole avec le mouvement HLM et ses partenaires pour produire 250 000 logements sociaux en deux ans.
Le ministère du Logement veut également baisser les coûts de construction, en développant la filière bois, en promouvant la construction hors site et les modèles d'aménagement « innovants ». Pour ce faire, il prévoit de mobiliser 675 millions d'euros issus des programmes d'investissements d'avenir (PIA). « Des moyens supplémentaires » sont aussi prévus dans le cadre du plan France 2030.
Télétravailler dans les tiers-lieux
Par ailleurs, la majorité des citoyens consultés a expérimenté le télétravail durant la crise sanitaire. « La question du télétravail s'est ouverte sur celle des tiers-lieux, un phénomène en pleine expansion, observé avec attention par les aménageurs », souligne le ministère. Il souhaite que ces espaces partagés se développent « dans les rez-de-chaussée des immeubles existants et neufs, dans les quartiers et les cœurs de ville ».
De même, l'essor du télétravail représente « une opportunité pour la transformation de bureaux en logements », ajoute le ministère. Son objectif est de transformer quatre fois plus de bureaux en logements en dix ans, soit 1,4 million de mètres carrés par an.