A la suite du dépôt de trois questions écrites du Parlement européen sur le projet de Sivens, la Commission européenne a lancé une procédure précontentieuse EU-pilot. Mais les échanges qu'elle a eu dans ce cadre avec les autorités françaises lui semblant peu satisfaisants, la Commission a adressé une lettre de mise en demeure, le 26 novembre dernier. Elle estime que la France a manqué à ses obligations au regard de la directive cadre sur l'eau (DCE) car le projet de retenue d'eau "occasionne une nouvelle modification de la masse d'eau provoquant à son tour la détérioration de l'état écologique de cette masse d'eau". Selon elle, il "ne pouvait valablement être autorisé sans s'assurer que les conditions imposées étaient remplies". Le gouvernement dispose d'un délai de deux mois pour y répondre.
Le ministère de l'Ecologie, qui a publié cette lettre, précise que, "suite au rapport remis par le Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) le 27 octobre 2014, la Ministre a mandaté une mission de conciliation afin de faire aboutir, dans le cadre d'un projet de territoire, une nouvelle proposition pour remplacer le projet initial d'ici la fin de l'année".
Augmentation des pressions
L'exécutif européen estime que "le projet contesté va à l'encontre des objectifs environnementaux fixés à l'article 4 [de la DCE]". Il pointe du doigt les prélèvements supplémentaires qui ne permettront pas d'améliorer l'état écologique et chimique de cette masse d'eau. Au contraire, en augmentant la pression, ces prélèvements risquent de le dégrader, "alors que préexistait à ce projet un risque de non atteinte des objectifs environnementaux". La rivière du Tescou a été évaluée en état moyen en 2006-2007, rappelle l'exécutif. Or, "les autorités n'ont pas démontré dans le plan de gestion de district hydrographique, que, malgré cette augmentation, cette pression sera maitrisée de telle façon à ce que le bon état puisse être atteint en 2021".
Sur les mesures de compensation prévues, notamment le soutien du débit d'étiage du cours d'eau, la Commission estime que "les autorités françaises n'ont pas démontré que le régime hydrologique régulé par le barrage sera effectivement compatible avec l'atteinte du bon état en 2021".
Le gouvernement français a, semble-t-il, dans ses échanges avec la Commission, justifié un report de l'atteinte du bon état en 2021 "notamment par l'hydromorphologie et plus particulièrement par le dynamisme sédimentaire, la morphologie et l'hydrologie, ainsi que par les pollutions diffuses d'origine agricole". Mais, pour la Commission, la France aurait dû démontrer que le projet n'aggravera pas la situation ou ne retardera pas l'atteinte du bon état du cours d'eau en 2021.
Nombreux impacts sous-évalués
Concernant l'état écologique, la France n'est pas en mesure de justifier que le projet ne conduira pas à une dégradation du cours d'eau, note la Commission. Elle n'aurait pas fourni d'informations sur les paramètres biologiques de cette masse d'eau. De plus, sur les critères de qualité examinés, "en termes d'échelle, les impacts sont analysés en amont et/ou en aval de la retenue, mais aucune évaluation n'apparait avoir été menée de manière intégrée à l'échelle de la masse d'eau". Enfin, l'analyse ne permet pas de juger si le projet conduit à un changement de classe de la masse d'eau.
"Alors que la demande de la Commission portait explicitement sur ce point, la France n'a pas fourni l'analyse de l'impact du projet sur l'état écologique de la masse d'eau concernée par le projet contesté selon des méthodes conformes à la définition de cet état écologique par la [DCE], ce qui tend à prouver que cette analyse n'a pas été réalisée".
La Commission pointe également du doigt la rupture de la continuité écologique occasionnée par le projet : "La hauteur de la digue et l'absence de dispositif de franchissement (passe à poisson) la rendront infranchissable par les espèces piscicoles". Ce point avait été souligné dans l'étude d'impacts.
En revanche, les impacts sur les habitats aquatiques, l'hydrologie et la continuité piscicole auraient été sous-évalués, "à la fois en minimisant certains aspects et n'évaluant pas d'autres aspects pertinents, alors que, comme démontré supra, l'impact sur l'état écologique de la masse d'eau est significatif".
Sur l'évolution des débits du cours d'eau, "la Commission soutient que la construction du projet contesté entrainera une modification des caractéristiques physiques de la masse d'eau".