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Engagements climatiques : une mission flash de l'Assemblée nationale pour un meilleur suivi

Dans le cadre d'une mission flash, deux députés ont étudié le suivi des engagements de la France en termes de réduction de ses émissions de gaz à effet de serre. Leur bilan mitigé s'accompagne de propositions pour fiabiliser la démarche.

Gouvernance  |    |  N. Gorbatko
Engagements climatiques : une mission flash de l'Assemblée nationale pour un meilleur suivi

La France condamnée pour inaction climatique ? « Pas pour ma pomme », avait rétorqué le président de la République, Emmanuel Macron, dans une vidéo publiée en novembre 2022 sur les réseaux sociaux, en défendant son bilan depuis 2017. L'Assemblée nationale a souhaité examiner le sujet d'un peu plus près. En mars dernier, la commission du développement durable de l'Assemblée nationale a donc confié une mission flash aux députés Laurence Heydel Grillere (Renaissance) et Antoine Vermorel-Marques (LR) avec pour objectif d'étudier comment la France respecte ses engagements en matière climatique, comment elle effectue son reporting et de quels moyens disposent les parties prenantes pour évaluer l'adéquation des actions avec les objectifs.

Mercredi 12 avril, les deux élus ont rendu leur rapport, élaboré après de nombreuses auditions : au sein des services de l'État et de ses agences, du Haut Conseil pour le climat (HCC), du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec), d'élus, de chercheurs ou encore de groupes de réflexion.

Très cher réchauffement climatique

Mesurer le coût du manque d'actions face au changement climatique s'avère difficile, tant les données sont disparates, France Stratégie s'est néanmoins essayée à un état des lieux sur plusieurs secteurs clés, à l'horizon 2050, dans son rapport « Coût de l'inaction face au changement climatique en France : que sait-on », publié le 28 mars. Les dommages liés aux catastrophes naturelles dans l'agriculture pourraient s'élever à un milliard d'euros par an, tandis que le stockage de carbone annuel dans l'écosystème forestier diminuerait de 40 % par rapport à aujourd'hui. Selon les sources, entre 5 000 et 150 000 logements seraient directement menacés par l'érosion côtière ou la submersion marine pour une valeur entre 1 et 50 milliards d'euros.
L'entretien des réseaux routiers enregistrerait des surcoûts de 1,5 milliard d'euros par an entre 2035 et 2050. Globalement, le montant moyen des sinistres liés aux catastrophes naturelles devrait doubler, passant de 2,4 milliards d'euros par an jusqu'en 2019 à 4,6 milliards par an. La surmortalité due aux vagues de chaleur aurait coûté entre 16 et 30 milliards entre 2015 et 2020 en France métropolitaine, auxquels s'ajoutent 6 milliards pour les pertes de bien-être.

Les déficiences du reporting

Leur bilan est mitigé. Si les députés concluent que l'État français s'est bien doté d'outils de mesure et de suivi des émissions du pays et de leur trajectoire [budgets carbone de la Stratégie nationale bas carbone (SNBC), inventaire du Citepa, rapport du HCC, feuilles de route par secteur d'activité…], cet ensemble présente un certain nombre de failles. Ainsi, les émissions des transports aériens et maritimes internationaux ne sont pas prises en compte. De nombreuses filières n'ont pas encore élaboré leurs feuilles de route de décarbonation, attendues pour le 1er janvier dernier. Les crédits carbone échangés sur le marché sont loin d'être fiables. Une bonne partie, censée financer des actions de compensation dans les forêts, pourrait même être carrément « fantôme ».

Quant aux puits de carbone forestiers, ils se seraient réduits de 60 % par rapport à l'hypothèse retenue dans la SNBC. Jugés capables de séquestrer 50 millions de tonnes de CO2 dans les années 2000, ils n'en stockeraient aujourd'hui plus que 15 millions en raison des sécheresses et des maladies affectant les arbres. L'initiative « 4 pour 1 000 », lancée en 2015 pour augmenter la capture du carbone dans les sols agricoles, pourrait compenser 12 % des émissions nationales. Mais un système d'évaluation reconnu sur le plan international doit encore être défini. Enfin, les émissions importées restent importantes. Leur réduction ne figure pourtant pas dans les objectifs de la SNBC. L'empreinte carbone de la France n'intègre pas non plus la déforestation importée.

Des progrès insuffisants

En termes de résultats comptabilisés, les rapporteurs notent que les émissions françaises ont effectivement diminué de 2,5 % en 2022 par rapport à 2021. Ce bilan bénéficie cependant de facteurs conjoncturels – un hiver doux et des prix de l'énergie très élevés –, et n'est de toute façon pas en phase avec la trajectoire imposée par la SNBC. En théorie, le rythme annuel de réduction devrait déjà être doublé dès maintenant pour atteindre 4,7 % par an jusqu'à 2030. En réalité, l'effort devra encore être plus intense puisque les objectifs européens ont été rehaussés de - 40 % à - 55 % en 2030, par rapport aux niveaux de 1990.

Le salut ne viendra sans doute pas des territoires : selon une analyse de la Caisse des dépôts et consignations, citée par le rapport, le cumul des émissions de gaz à effet de serre (GES) des régions à l'horizon 2050, d'après les objectifs de leurs schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (Sraddet), serait presque deux fois supérieur à l'objectif national. La société civile, de son côté, peine à se saisir de ces enjeux ressentis comme menaçants mais lointains. Les instances spécialisées dans le climat, comme le HCC, l'Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique (Onerc) ou le Conseil national de la transition écologique (CNTE), leur restent d'ailleurs assez méconnues. Quant aux solutions proposées, qui reposent souvent sur l'innovation, elles négligent le volet social et sociétal du changement.

Des pistes d'amélioration

Afin de gagner en efficacité sur tous ces points, les députés avancent plusieurs propositions susceptibles, d'après eux, d'être retranscrites dans la loi ou les règlements. Ils suggèrent d'abord de mettre en place une « véritable planification écologique » : en améliorant les moyens d'action du Secrétariat général missionné pour cette tâche, en mai 2022, et en élaborant une loi de planification écologique assortie d'une programmation pluriannuelle des financements. Un principe également évoqué par le Conseil économique social et environnemental (Cese), en février dernier. « C'est une demande forte, y compris des groupes politiques, des acteurs privés et des collectivités locales qui ont besoin de visibilité », insiste Antoine Vermorel-Marques.

“ On ne peut pas exclure de nouvelles condamnations de la France pour manque d'actions climatiques ” Antoine Vermorel-Marques, député

Le duo conseille aussi de renforcer le rôle du Parlement, via la création en son sein d'une instance de suivi de la mise en œuvre des engagements français et l'élargissement des compétences de la commission du développement durable, notamment. Chaque année, le HCC pourrait présenter aux députés un rapport sur l'avancement de la trajectoire, suivi d'un débat. Pour les rapporteurs, plus de moyens financiers et humains devraient d'ailleurs être octroyés à ce Conseil. « Les États, comme la Suède, où les engagements sont les plus respectés sont ceux où le pouvoir de leur HCC est le plus fort, note Antoine Vermorel-Marques. En France, le nôtre compte 15 permanents quand celui du Royaume-Uni en a le double. ».

Un véritable dialogue attendu

Autres préconisations pour accélérer la transition : réviser annuellement les budgets carbone prévus par la SNBC, renforcer la partie environnementale des études d'impact des projets de loi, aujourd'hui trop faibles, et leur prise en compte par le Conseil d'Etat, demander à la Cour des comptes d'évaluer chaque année les moyens financiers consacrés à la réduction des émissions, coordonner les planifications nationales et territoriales par le biais d'indicateurs communs.

Enfin, les rapporteurs défendent la mise en place d'un véritable dialogue environnemental sur le modèle du dialogue social, renforçant la participation citoyenne aux débats et la coopération entre les parties prenantes. « On ne peut pas exclure de nouvelles condamnations de la France pour manque d'actions climatiques, prévient Antoine Vermorel-Marques. Il est cocasse d'avoir organisé la COP 21 et obtenu l'Accord de Paris, mais de se retrouver dans cette situation inconfortable où la France reste en retard par rapport à ses engagements. »

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