Les élus ont présenté 5 priorités pour limiter les impacts sanitaires et environnementaux des produits phyto. Mais leurs conclusions sont critiquées : ils préconisent d'interdire un seul usage du glyphosate, qui n'est pas pratiqué en France…
Après cinq mois de travaux, la mission d'information parlementaire sur les produits phytosanitaires a adopté son rapport le 29 mars. Lancée en octobre après les débats sur la réautorisation du glyphosate à l'échelle européenne, elle rassemblait des députés de quatre commissions : Affaires culturelles, économiques, sociales et développement durable, pour couvrir un large spectre de problématiques et visions. Les travaux ont fait ressortir cinq priorités en matière de produits phytosanitaires : la santé humaine et l'environnement, les solutions alternatives, la maîtrise des usages, l'accompagnement des transitions et les mesures relevant du niveau européen. Quarante-trois mesures ont été identifiées, dont certaines ont déjà fait leur apparition dans les travaux législatifs, à l'instar de la création d'un fonds d'indemnisation pour les victimes de phytosanitaires ou les objectifs en matière de développement de surfaces cultivées en agriculture biologique. Mais des voix discordantes se sont fait entendre quant à l'ambition de ces travaux…
Delphine Batho : "Je ne peux pas cautionner ce rapport"
Ils ont notamment été marqués par la démission de Delphine Batho (Deux-Sèvres, PS) de la vice-présidence de la mission, le 29 mars. L'ancienne ministre de l'Ecologie a expliqué les raisons de cette démission : "Je ne peux pas cautionner ce rapport. Un certain nombre de formules qui sont dans les titres de ce rapport relativisent l'impact des pesticides sur la santé ou la biodiversité : l'évaluation resterait complexe, délicate, le lien de causalité ne serait pas établi etc etc… Ces poncifs participent d'une fabrique du doute qui n'est plus permise aujourd'hui". Elle a également regretté le manque d'ambition des solutions proposées : "On est là dans la continuité d'une logique de maîtrise des usages qui a échoué et qui consiste à transférer la responsabilité des autorités publiques, de l'Etat et de l'Europe sur l'autorisation des substances (…) aux agriculteurs qui sont chargés de maîtriser l'usage de ces substances dangereuses".
D'autres voix se sont élevées. A l'instar de Dominique Potier (Meurthe-et-Moselle, PS) qui a estimé que la mission était passée à côté de plusieurs sujets qui avaient fait l'unanimité lors des Etats généraux de l'alimentation, notamment la Haute valeur environnementale et la mise en œuvre tardive du plan Ecophyto 2.
Pour une interdiction limitée du glyphosate
La maîtrise des usages des produits phytosanitaires fait en effet partie des cinq priorités identifiées par la mission. Pour "économiser les produits phyto", les députés proposent la mise en place d'une prime à la casse pour les pulvérisateurs de plus de 25 ans, à hauteur de 50 M€ par an sur cinq ans. L'objectif est de favoriser la "mise en place de techniques agronomiques nouvelles : capteurs, technologies embarquées qui permettent des observations fines, matériel de précision…", a précisé Gérard Menuel (Aube, LR), l'un des rapporteurs.
Glyphosate : une autre mission parlementaire
L'Office parlementaire des choix scientifiques et techniques (Opecst) a également lancé une mission, après les débats soulevés par le glyphosate. A la suite des divergences d'expertises sur le glyphosate par le Circ et les agences européennes, l'objectif est de questionner "l'indépendance et l'objectivité de ces agences", a expliqué Philippe Bolo (Maine-et-Loire, MD). Progressivement, la mission a élargi le champ de ses investigations "à l'évaluation des risques sanitaires : expertise, déontologie de l'expertise, fiabilité des données utilisées…". Le rapport devrait être présenté à l'automne 2018.
La mission considère également qu'il faut interdire immédiatement l'un des usages du glyphosate, "concernant la dessication lorsque les récoltes ne sont pas arrivées à maturité. Ne pas utiliser le glyphosate sur les cultures, voilà le principe général", a indiqué le rapporteur Didier Martin (Côte d'Or, LREM). Ce qui n'a pas manqué de faire réagir Delphine Batho : "L'objet de cette mission d'information, à mes yeux, c'était de décliner, d'établir une feuille de route crédible, économiquement réalisable, de la décision du Président de la République de sortir du glyphosate en trois ans. Cette décision n'est pas dans le rapport et, sur la question du glyphosate, la mission ne recommande qu'une nouvelle évaluation par l'Anses et l'interdiction de son usage dessicant, dont l'Inra nous dit qu'il n'existe pas et qu'il n'est pas pratiqué en France".
Accompagner la transition du monde agricole
Sur la question des risques sanitaires, les députés demandent une révision du tableau des maladies professionnelles et la création d'un fonds d'indemnisation des victimes. Le Sénat a d'ailleurs examiné en février une proposition de loi visant à créer ce fonds. De manière plus générale, le rapport préconise de mesurer "de façon globale" les externalités négatives de l'utilisation des phyto.
Ils demandent également de réduire, à l'échelle européenne, les délais d'instruction pour l'approbation des produits de biocontrôle et la mise en place de fonds assurantiel pour accompagner les agriculteurs qui "s'engagent dans une alternative et verraient leurs rendements diminués".
Les élus saluent l'ambition portée par le gouvernement d'atteindre 15% de la surface agricole utile en bio (SAU) en 2022 (7% aujourd'hui). Ils ajoutent un objectif de 10% de la SAU en agriculture de conservation en 2025 (contre 4% aujourd'hui). vec ces pratiques, notamment le couvert végétal permanent, "les intrants sont apportés en quantité nettement inférieure mais les investissements matériels sont lourds", a souligné Gérard Menuel. Ils souhaitent enfon que les 30.000 fermes Dephy soient développées "le plus tôt possible".
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