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Les territoires peu denses, terres d'innovation pour la mobilité durable

La restriction de la voiture vise souvent les centres urbains mais la mobilité durable est un sujet bien plus essentiel dans les zones peu denses. Marc Fontanès, président du groupe de travail Mobilité à la Fabrique Ecologique, est convaincu que les innov

Publié le 27/06/2016

Les questions de mobilité dans les territoires peu denses sont peu traitées dans le débat public français. C'est pourtant un sujet essentiel. Loin des clichés habituels sur la qualité de la vie à la campagne, véhiculés souvent par les propriétaires des résidences secondaires, les évolutions multiples de la dernière décennie ont beaucoup accru le sentiment d'isolement voire de relégation des habitants de ces régions. Tous les ans pourtant, 110.000 de nos concitoyens quittent la ville pour aller vivre dans le périurbain ou à la campagne.

Cesser de cantonner la mobilité à l'urbain dense

La mobilité, à coups de métropolisation et de boom numérique high tech, est devenue l'apanage de l'urbain, jusque dans la loi. Un décalage saisissant, qui donne le sentiment qu'on a abandonné les 20 à 30 millions de Français non urbains à leur sort. Les arguments en faveur de la vie hors des villes ne manquent pas : respirer, se refaire une santé, vivre au calme… Tout cela a pourtant un coût, que l'on peut résumer en un mot : distance. Les territoires peu denses sont caractérisés par l'éloignement des services de la vie quotidienne et des bassins d'emplois, et font face à des défis inédits tels que le vieillissement de la population ou l'inégalité d'accès à Internet et aux services numériques. Le risque est grand d'assister à des phénomènes d'enclavement de plus en plus marqués, en particulier pour les ménages non motorisés, les pauvres monétaires, les précaires énergétiques, une partie des jeunes et de nos aînés. Pour ces populations, la mobilité est une condition nécessaire à l'inclusion sociale, mais elle est aussi une injonction pouvant s'avérer insoutenable.

Quand peu dense rime avec dépendance

Dans ces territoires, la dépendance automobile est une réalité difficile à appréhender pour l'urbain "hyper-agile" des mobilités, qui a désormais l'embarras du choix. Là-bas, peu ou pas de transports collectifs, et ce n'est pas prêt de s'arranger. Avec 20 Mds€ par an de budget, dont 20% seulement sont compensés par le prix payé par les voyageurs, notre système de transport est à bout de souffle. Là-bas, la voiture est reine, mais parce qu'on n'a pas le choix. Une pression telle que le premier moyen de transport des ménages non motorisés est bien… la voiture, pour deux déplacements sur trois ! Là-bas, pas de révolution numérique. Google ou Facebook deviennent les champions des nouvelles mobilités ? Oui, mais dans les métropoles. Alors, faut-il désespérer ? Bien au contraire, puisque cet acharnement urbain ouvre grande la voie à l'innovation dans les espaces peu denses.

Un milliard d'euros pour le vélo ? Mais vous n'y pensez pas !

Justement, si. Dans le périurbain et le rural, un déplacement sur deux fait moins de cinq km et les ménages sont assez bien équipés en vélos. Le faible usage constaté s'explique surtout par une offre en infrastructures et services défaillante. Particulièrement bien maillé en routes communales et autres chemins (plus d'1,2 million de km !), notre pays offre une multitude de trajets plus directs que la route. La planification systématique de réseaux cyclables "malins", sécurisés et efficaces y est possible à moindre coût, en modérant les vitesses de circulation dans le périurbain et en aménageant des itinéraires dans le rural. Pour quelques dizaines de milliers d'euros, des élus locaux ont ainsi relié un village "dortoir" à la commune "poumon économique et de services" la plus proche. Ou ont créé des zones 30 pour un budget vingt fois inférieur à celui d'une piste cyclable. Sur le plan financier, il suffirait d'investir l'équivalent de 150 km d'autoroute ou de 60 km de TGV pour doter la France d'un réseau cyclable digne de ce nom. Soit un milliard d'euros.

L'avenir de la mobilité durable dans les territoires peu denses, c'est… la voiture !

Les différents modes de partage de la voiture apportent une solution au potentiel considérable. Actuellement, les propriétaires de voitures n'ont financièrement pas grand intérêt à pratiquer le covoiturage de proximité. Pour massifier le covoiturage, l'enjeu principal réside donc dans l'augmentation de l'indemnisation du conducteur, en assouplissant le concept de bénéfice réalisé et en valorisant le service rendu – jusqu'à 0,50 € du kilomètre par exemple. Avec un gisement de demande se situant entre 2 et 3 millions de ménages, l'autopartage est "le" marché d'avenir des zones peu denses. Le partage des 2ème et 3ème véhicules des ménages multi-motorisés y permettrait d'assurer le même volume de déplacements, en réduisant de 30% le parc de véhicules nécessaire et de 20% le trafic correspondant. Pour un ménage modeste, dont la voiture représente jusqu'à 20% du budget familial, le partage est une alternative permettant de circuler dans un véhicule plus récent, mieux entretenu et moins polluant.

De nombreux acteurs s'y intéressent : opérateurs de transport public, opérateurs spécialisés (Bolloré, Citiz, Ouicar, Koolicar ou Drivy) ou promoteurs immobiliers. Les constructeurs s'y mettent, intégrant progressivement que le modèle économique de la voiture va évoluer vers un service de mobilité. Un véhicule partagé roulant plus qu'un véhicule en mono-propriété, il sera renouvelé plus souvent.

Mais, alors que le besoin d'alternatives à la propriété est patent dans les zones peu denses, aucun des services aujourd'hui accessibles en ville ne répond à cette demande potentielle. Les acteurs impliqués avancent en ordre dispersé. Les élus locaux, en mal de solutions concrètes, peinent à savoir par où commencer pour développer ce nouveau service.

Une responsabilité accrue pour les collectivités locales et territoriales

Les régions, départements et intercommunalités ont pourtant la responsabilité décisive de relever le défi des mobilités en zones peu denses. Elles peuvent le faire à moyens financiers quasi-constants et avec des outils existants. A défaut, il ne faudra pas s'étonner si les géants du numérique prennent la main en matière d'organisation de la mobilité.

La coopération territoriale est une priorité, pour dépasser les frontières administratives et se doter de moyens financiers complémentaires, à l'image des syndicats mixtes SRU, qui permettent de lever un versement transport additionnel non exclusif aux territoires urbains. Cela pourrait ne pas suffire pour attirer les nouveaux acteurs des mobilités, en demande de formes de commande plus souples que le marché public. L'application des compétences des collectivités pourrait en ce sens évoluer au profit d'une animation territoriale multi-acteurs, associée à une contractualisation de type partenariat public-privé.

Les collectivités compétentes auront également un rôle clé à jouer dans la fiabilisation et la régulation des nouveaux services de mobilité : participation au risque (investir dans une flotte partagée, équiper des véhicules de particuliers de boîtiers permettant leur mise en réseau…), fonction de tiers de confiance, ingénierie auprès des plus petites collectivités, etc.

Enfin, elles ont à apprendre de l'expertise des « acteurs de la vie courante », ces mairies, centres sociaux, maisons de services, associations et autres garages, au contact quotidien de le la population. Leur confier une partie des réponses à apporter, dans une association subtile entre solutions de proximité, solidarité, et un peu de high tech, semble prometteur. A titre d'exemple, imaginer qu'un centre social ou un concessionnaire local organise une colocation longue durée d'un véhicule pour quatre ménages vulnérables ne semble pas utopique.

Faire évoluer la fiscalité automobile vers une fiscalité de la possession

La massification du partage suppose enfin un encouragement financier. Transposer progressivement la fiscalité automobile actuelle – portant sur un usage lié à la consommation d'énergies non renouvelables et sur l'acte d'achat à l'aide de différents bonus-malus – vers une fiscalité de la possession apparaît socialement et politiquement acceptable. Vu sous la forme d'un incitatif, pourquoi ne pas imaginer à l'échelle nationale un système comparable au crédit d'impôt de rénovation énergétique : je partage, donc je gagne ?

Une vraie mobilité durable dans les territoires de faible densité est donc possible. Au-delà de l'expérimentation, la massification du vélo et de la voiture partagée passe par un engagement décisif des autorités publiques, sur les plans politique et budgétaire, et dans leur capacité à nouer des partenariats avec les initiatives privées innovantes. En ce sens, il serait bienvenu que la gouvernance des métropoles soit attentive au service de leurs hinterlands, au nom d'intérêts communs.

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