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Mobilité électrique : entre accélération et chicanes

La mobilité électrique bénéficie d'une indéniable accélération. Mais pour maintenir ce cap, ses acteurs doivent faciliter l'accès des usagers aux bornes de recharge et leur assurer des services à la hauteur.

Transport  |    |  N. Gorbatko
Mobilité électrique : entre accélération et chicanes

C'est officiel : selon l'Association nationale pour le développement de la mobilité électrique (Avere-France), le cap du millionième véhicule électrique ou hybride rechargeable immatriculé a été franchi en octobre. À en croire les chiffres du marché, ce type de mobilité susciterait désormais un véritable engouement : pour les neuf premiers mois de l'année, une voiture vendue sur cinq était électrifiée, contre 1,5 % seulement en 2018. Un attrait confirmé par l'abondance de nouveaux modèles présentés, en octobre dernier, au Mondial de l'automobile de Paris.

De quoi réjouir le gouvernement, qui espère que ces véhicules atteindront 30 % de parts de marché en 2027 et 100 % en 2035, date butoir pour l'interdiction de la vente des voitures à moteur thermique en Europe. Afin de stimuler la tendance, les pouvoirs publics multiplient les annonces : augmentation du bonus écologique pour la moitié des ménages, bouclier tarifaire étendu aux bornes de recharge, prêt à taux zéro pour les particuliers et les entreprises résidant ou travaillant dans une ZFE-m, leasing à 100 euros par mois…

Des millions de conducteurs à convaincre

Mais suffiront-elles à décider les 40 millions de conducteurs roulant encore aux hydrocarbures à passer à l'électrique ? Même si, selon une étude d'Ipsos publiée en octobre dernier, trois foyers sur quatre représenteraient des cibles naturelles pour ce type de véhicule, avec des trajets quotidiens courts et peu de trajets longs annuels, seuls 12 % des sondés pensent qu'il répond à leurs besoins. Car, outre le surcoût à l'achat – de 16 000 euros pour une voiture citadine, selon France Stratégie, compensés pour moitié par les aides de l'État –, la question de l'accès à la recharge reste cruciale.

Aujourd'hui, Enedis recense un million de points de recharge en France, dont 4 537 rapides ou ultra rapides. Mais 89 % de ces opérations se déroulent toujours au domicile, dont 92 % en maison individuelle... Pour accroître le parc des véhicules électriques, il convient donc d'élargir aussi celui des bornes accessibles : en immeubles collectifs, en entreprises, sur les parkings ouverts au public ou sur la voirie publique. C'est l'objectif du programme Advenir, piloté par l'Avere-France et soutenu par le mécanisme des certificats d'économies d'énergie (CEE). Depuis 2016, cette initiative a permis d'en installer 100 000.

L'accessibilité des bornes à développer

Particulièrement difficile à convaincre, notamment dans les zones patrimoniales sauvegardées, le segment « résidentiel collectif » n'en totalise que 15 000. Publié le 30 juin dernier, un décret permet désormais l'installation de points de recharge par Enedis, en copropriété et sans frais, si la majorité des propriétaires y est favorable. Peut-être facilitera-t-il la prise de décision. Selon Enedis, l'enjeu est « majeur ».

Celui de l'itinérance ne l'est pas moins. Si le nombre de bornes accessibles au public a augmenté de 6 % en un an, de 80 % pour les recharges rapides, le pays n'en compte que 70 000 aujourd'hui, majoritairement à charge lente. L'objectif de 100 000 à la fin de cette année fixé par le gouvernement ne sera pas atteint. Les stations restent par ailleurs inégalement réparties sur le territoire. Elles manquent particulièrement en Bourgogne-Franche-Comté, en Centre-Val-de-Loire ou en Bretagne, par exemple.

Une cohérence à mettre en place

La loi d'orientation des mobilités (LOM) a pourtant créé la possibilité pour les collectivités et les établissements publics d'élaborer un schéma directeur de développement des infrastructures de recharge ouvertes au public. Dans ce cas, l'État prend en charge jusqu'à 75 % des coûts de raccordement au réseau électrique. Mais seuls six ont déjà été approuvés par les préfets. Le dispositif souffre de deux faiblesses : l'insuffisance de la ressource humaine disponible pour assurer l'assistance à maîtrise d'ouvrage auprès des collectivités volontaires, d'une part, la liberté pour les opérateurs privés de s'y faire référencer ou pas, d'autre part. Une situation qui risque de faire perdre de sa cohérence au document et de générer des manques et des doublons, forcément moins rentables.

Les collectivités souffrent aussi, parfois, de la concurrence des opérateurs privés sur les emplacements les plus prometteurs. Ce directeur de syndicat d'énergie de l'Est de la France en a fait la désagréable expérience. « Les pouvoirs publics nous ont expliqué que le privé installerait des bornes de recharge rapides partout où c'était rentable et qu'ils attendaient des collectivités qu'elles comblent les trous dans la raquette, s'indigne-t-il. Autrement dit qu'elles aillent droit dans le mur avec de l'argent public. »

Des services à perfectionner

Afin d'équilibrer les modèles économiques entre les stations les plus fréquentées et celles qui le sont moins, en facilitant la création d'un maillage uniforme, la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR) propose la création d'un fonds de péréquation de la mobilité décarbonée. « Ce qui signifie de faire évoluer la règlementation et d'imposer aux opérateurs de se référencer dans les schémas directeurs, précisait Jean-Luc Dupont, vice-président de la fédération, lors du congrès de cette dernière, en septembre. Ces schémas ont vocation à être ouverts et connus de tous pour une vraie visibilité. » La FNCCR serait par ailleurs favorable à l'élaboration de schémas directeurs multimodaux, susceptibles d'inclure aussi du bioGNV ou de l'hydrogène, ce qui leur offrirait plus de pertinence, mais rallongerait aussi leurs délais de finalisation. Sur les autoroutes, la part de la recharge rapide bénéficie d'une hausse de plus de 80 % sur un an. Selon Enedis, 400 aires de service seront équipées à la fin du premier semestre 2023. Un peu moins toutefois que les 440 initialement prévues.

Une fois les bornes installées, d'autres enjeux se font jour : assurer l'entretien et la maintenance, proposer un service d'assistance téléphonique en cas de panne, mais aussi, bientôt, développer les services tels que la recharge sans badge ni application par simple branchement du câble (« plug and charge »), la recharge programmable en fonction des contraintes du réseau ou encore la recharge inductive sans câble. L'augmentation de l'usage de ces bornes rendra également nécessaire la définition d'une structure tarifaire cohérente et transparente pour l'utilisateur. Le chemin vers une électrification fluide et convaincante de la mobilité est encore long.

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